Plasy – une abbaye sur l'eau

L'abbaye de Plasy, photo: CzechTourism
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Dans ce magazine touristique, nous voyagerons en Bohême occidentale, à la découverte de l'abbaye de Plasy : première abbaye cistercienne en Bohême remaniée dans le style baroque successivement par l'architecte français Jean-Baptiste Mathey, l'architecte tchèque d'origine italienne, Jan Blažej Santini, et l'architecte allemand de Prague, Kilian Ignace Dientzenhofer. Le complexe frappe par sa monumentalité et ses particularités techniques : des escaliers en colimaçon autoporteurs semblant être en lévitation, des couloirs conçus comme puits d'aérage, et un système d'eau unique qui est le principal legs laissé aux générations futures par l'architecte Santini.

L'abbaye de Plasy,  photo: CzechTourism
L'abbaye cistercienne de Plasy a été fondée en 1144 par le prince Přemyslide Vladislav II. Incendiée au XVe siècle par les troupes hussites, elle a été remaniée dans les années 1661-1740, avant d'être abolie en 1785 par l'empereur Joseph II dans le cadre de ses réformes. A partir de 1826, Plasy a servi de résidence au chancelier Metternich.

L'abbaye de Plasy est un bâtiment à trois étages dont les quatre ailes sont disposées autour d'un Jardin du paradis. Le cloître est décoré de fresques représentant des scènes de la vie de l'ordre des cisterciens et de la Vierge-Marie, sa principale patronne. Peu de monuments nous suprennent, trois cents ans après leur création, par un niveau esthétique et technique aussi élevé que celui de Plasy, qui doit son ingéniosité à l'audace et l'invention de Jan Blažej Santini : L'architecte y a travaillé depuis 1707 jusqu'a sa mort, en 1723, raconte Pavel Duchoň, guide touristique à Plasy :

Photo: CzechTourism
« Santini a renoué avec la conception de son maître, Jean-Baptiste Mathey, architecte français venu à Prague de Dijon. C'est Mathey qui a commencé les travaux de remaniement du siège de l'abbé, du grenier et de l'église du cimetière de Plasy. Quant à Santini, il a repris la conception de son maître, en édifiant un nouveau bâtiment du couvent. Bien que prévue comme une des constructions les plus monumentales du genre, l'abbaye est restée inachevée. Elle ne comporte que le couvent, soit la partie habitée par les moines, tandis que l'église dessinée par Santini n'a jamais été réalisée, faute de moyens. »

A Plasy, Santini prévoyait de construire une église qui, par ses 92 mètres, aurait été plus longue que la cathédrale Saint-Guy au Château de Prague. Finalement il n'en est rien et la chapelle romano-gothique d'origine, exemple de la règle rigide de l'ordre de Cîteaux rarissime en Bohême, y est restée intacte :

Photo: CTK
« La chapelle fait référence à la dynastie des Přemyslides qui a fait venir les moines cisterciens dans le pays et qui a fait édifier cette chapelle française entourée d'une résidence royale détruite plus tard par les hussites. La chapelle fait partie d'un grenier à blé, ce qui est aussi chose de tout à fait rare. »

Une des chapelles du couvent de Plasy est dédiée à saint Bernard, abbé de Clairvaux et important promoteur de l'ordre cistercien. Plasy a sur son emblème une étoile, une rose, un lys et quatre lettres : MORS. Pavel Duchoň explique :

Photo: CzechTourism
« L'abbaye cistercienne de Morimond en France est l'une des quatre abbayes filles de Cîteaux qui jouaient un rôle de première importance dans l'organisation de l'ordre cistercien. Toutes les abbayes cisterciennes en Bohême ont les lettres MORS sur leur emblème, en signe d'un lien de filiation avec l'abbaye mère. Ainsi, Plasy est l'abbaye fille de Langheim en Bavière, tandis que Velehrad, en Moravie, est la fille de Plasy. »

Le couvent possédait son propre hôpital dans lequel est aujourd'hui installée une exposition d'anciens produits pharmaceutiques. Parmi eux, celui appelé « poudre blanche de Plasy » – un médicament fabriqué par les moines et exporté vers l'Europe entière. Un circuit de visites nous conduit dans les salles de la bibliothèque dont quelques-unes ont été remaniées en salle de théâtre par la famille Metternich, propriétaire de Plasy à partir de 1870.

Photo: CzechTourism
L'une des plus grandes fiertés de l'abbaye : quatre escaliers autoporteurs en colimaçon qui, comme s'ils défient la gravité. Ils grimpent le long des murs en toute légèreté et semblent être en lévitation. Pavel Duchoň :

« L'escalier autoporteur est un escalier qui n'a pas d'axe central. Les marches semblent voler dans les airs d'une manière iréelle. Or, elles ne volent pas, il y a un système de consoles en forme d'éllipse qui les resserre. Chaque escalier à Plasy est un escalier autoporteur qui fonctionne à la fois comme un puits d'aérage par lequel on fait entrer l'air chaud de l'extérieur par les fenêtres qui sont progressivement ouvertes à commencer par le haut. L'intérieur du couvent est ainsi réchauffé et la température devrait rester relativement stable et agréable même pendant l'hiver. »

Comme le souligne Pavel Duchoň, le système d'aérage complété d'un système d'eau présentent une particularité technique qu'on ne trouve nulle part ailleurs en République tchèque.

L'abbaye de Plasy et la rivière Střela,  photo: Ivo Lukačovič,  Wikimedia CC BY-SA 2.5
Certains édifices de l'abbaye sont posés sur des marécages. En effet, entièrement en accord avec les principes cisterciens, Plasy a été fondé dans la vallée d'une rivière, Střela, qui y forme un méandre. Un canal artificiel a été édifié par les moines en dessous du couvent déjà au Moyen-âge, alimentant en eau un moulin et une scie. Le système d'eau créé à l'intérieur du bâtiment représente le principal message, le principal legs de Santini pour le présent. Nous descendons jusqu'en bas, au pied de l'escalier principal, pour nous en persuader :

« La plus grande rareté technique de Plasy réside dans la fondation de sa construction. En édifiant l'abbaye sur le méandre d'une rivière, les moines ont dû faire face à un sous-sol instable qui ne permettait pas l'édification de fondations classiques. Le problème a été résolu à l'aide de 5100 pilotis en bois de chêne enfoncés dans le sol sur lesquels on a posé une grille de poutres qui supporte tout le poids des murs élevés en-dessus. Pour que le bois ne pourrisse pas, on a empêché l'entrée de l'air, en submergeant les poutres dans l'eau. Sous l'effet de l'eau qui perdure depuis plus de 300 ans, le chêne s'est transformé en bois pétrifié. »

Photo: CzechTourism
L'eau est amenée en permanence dans un réservoir au pied de l'escalier du couvent. Au fond, on peut apercevoir les poutres pétrifiées. L'eau qui tombe d'une fontaine aide à purifier l'air et maintenir la stabilité du microclimat. Et c'est ici aussi, dans la partie la plus basse du couvent, que se trouve une plaque avec le message en latin de Santini :

« Le principal message de Santini pour cette abbaye est le suivant : aedificum hoc sine aquis ruhet: sans l'eau, la construction s'écroulera. En regardant de plus près cette plaque, on se rend compte que c'est un chronogramme dont les lettres correspondent au chiffre 1720 et que cette plaque est à la fois la deuxième pierre de fondation de l'abbaye. »

Statue de sainte Lutgarde,  photo: Radio Prague
Laissé à l'abandon sous le régime précédent, l'abbaye de Plasy passe par une restauration permanente. Depuis 1995, elle est monument culturel national.

Ces vendredi et samedi, l'abbaye de Plasy restera ouvert jusqu'à minuit. En hommage à Santini, elle proposera des visites noctures intitulées « Sous les étoiles de Santini » en allusion au symbole préféré de cet architecte de génie.

On peut trouver aussi un morceau de Plasy à Prague : L'abbé de Plasy Evžen Tyttl a commandé en 1710 au sculpteur Matyáš Bernard Braun de créer une statue de sainte Lutgarde pour la gloire de l'abbaye de Plasy à Prague. La sculpture orne depuis le pont Charles.

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