« Intelligent comme la radio »

Czechoslovak Radio building in Prague in 1930s, photo: archive of Czech Radio
0:00
/
0:00

Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague ! La Radio tchèque – Český rozhlas fête ces jours-ci le 95e anniversaire de la diffusion sur les ondes de ses premières émissions. Ceux qui le souhaitent, auditeurs mis à part bien entendu, peuvent même célébrer symboliquement l’événement ce jeudi soir en allant partager quelques bières avec le directeur général de la Radio dans une microbrasserie installée sur une péniche située sur les bords de la Vltava… Nous concernant, nous allons nous contenter pour marquer le coup de nous intéresser au mot tchèque qui désigne la radio – rozhlas.

L’édifice de Radio tchèque sur la rue Vinohradská | Photo: Archives de ČRo
« Radio » est sans aucun doute un des mots les plus internationaux dans le monde. A l’origine, il s’agit d’abord d’un préfixe qui provient du latin « radius » et désigne un rayon ; un préfixe lié à l’utilisation des ondes radioélectriques, plus couramment appelées les ondes radio. Le substantif « radio », lui, est une abréviation qui sert à désigner la radiodiffusion ou la radiocommunication. Et c’est de ce dernier que « rozhlas » est l’équivalent. Un mot uniquement tchèque, enfin pas que, puisqu’on le retrouve également dans la langue des voisins slovaques. Il y a 95 ans de cela, soit cinq ans donc après la fondation de la Première République tchécoslovaque, c’est en en effet Československý rozhlas qui a été créé. Enfin, là non plus ce n’est pas tout-à-fait exact dans la mesure où la Radio tchécoslovaque s’est appelée officiellement Radiojournál depuis donc ses débuts le 18 mai 1923 jusqu’en 1945. Et depuis la partition de la Tchécoslovaquie et l’apparition sur la carte de l’Europe, le 1er janvier 1993, de deux nouveaux appelés République tchèque et République slovaque, on parle de Český rozhlas pour la Radio tchèque et de Slovenský rozhlas pour la Radio slovaque.

Photo: Radio Prague Int.
Ce substantif « rozhlas » est apparu pour la première fois en 1924. L’idée était alors tout simplement de remplacer un mot étranger par un mot tchèque – ou là aussi tchécoslovaque devrions-nous dire plus précisément. En effet, peu de monde s’en souvient aujourd’hui, mais le tchécoslovaque est une langue qui a officiellement existé autrefois. Durant l’entre-deux-guerres, à compter plus précisément de 1920 jusqu’en 1948, date de l’annulation de la loi constitutionnelle, le tchèque et le slovaque, les deux langues usitées par les peuples tchèque et slovaque, ont été réunis sous le même chapeau de « českoslovenština », officiellement considérée comme la langue du nouvel Etat tchécoslovaque, et ce essentiellement afin de favoriser la construction d’une identité nationale commune et indissociable. Dans le cas concret de la Tchécoslovaquie, le bien-fondé de cette idée de langue tchécoslovaque reposait sur ce qui était appelé le « tchécoslovaquisme », une théorie selon laquelle Tchèques et Slovaques formaient une seule et même nation. Un peu moins d’un siècle plus tard, toute cette idéologie appartient à l’histoire ancienne. Bien avant même la dissolution de la Tchécoslovaquie, Tchèques et Slovaques formaient déjà deux peuples distincts, chacun avec sa propre langue.

A l’époque donc de ce « tchcécoslovaquisme », les ancêtres des générations tchèques et slovaques actuelles étaient habités d’une volonté difficilement compréhensible aujourd’hui, à une époque où les anglicismes se multiplient et trouvent leur place dans les dictionnaires de pratiquement toutes les langues au monde. Ils tenaient en effet à ce que tout ce qui était d’usage courant ou appartenait à la vie quotidienne puisse disposer d’un mot tchèque. Et quand ce mot n’existait pas, ils s’efforçaient de le créer.

C’est ainsi qu’est apparue dans les années 1920, avec la diffusion des premières émissions radiophoniques, la nécessité de trouver un équivalent au mot « radio ». Une enquête a donc été lancée auprès des lecteurs du magazine qui était publié par Radiojournál. Toutefois, et malgré même l’organisation d’un concours, aucune des propositions des lecteurs n’a convaincu la rédaction…

Photo: Archives de Radio Prague
Finalement, il a fallu attendre la publication, le 21 mai 1924, d’un article dans le journal Národní listy dans lequel son auteur, un dénommé Richard Durdil, estimait que le verbe anglais « broadcast », composé par « broad » (autour) et « cast » (distribuer) équivalait en tchèque aux mots « široké rozhození, rozlévaní ». Et puisque la mission de la radio consiste à diffuser, et donc à répandre autour, à annoncer – « hlásit » - via la voix – « hlas » - des informations et de la musique, le mot composé du préfixe « roz » - qui a précisément le sens de distribuer et de diffuser - et du substantif « hlas » - qui désigne la voix - a été inventé pour donner « rozhlas ». Ainsi donc, depuis, la radio, ne serait-ce qu’en tchèque et en slovaque, « diffuse, répand la voix ».

C’est donc « chytrý jako rádio » - « intelligent comme la radio », comme le prétend une expression tchèque, que nous arrivons au bout de cette émission de radio – « rozhlasový pořad ». En attendant de vous retrouver très bientôt de nouveau à l’écoute de Český rozhlas et de Radio Praha, portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp!, portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj!