A Kuks, voyage à l’époque baroque grâce à la réalité augmentée

Photo: ČTK/David Taneček

La réalité augmentée comme nouvelle expérience de découverte de lieux historiques : c’est possible sur le site de Kuks où, outre l’ancien hôpital, les célèbres sculptures baroques de Matyáš Bernard Braun représentant la Nativité revivent comme au temps de leur création, grâce à une application mobile à télécharger gratuitement.

Kuks,  photo: Anna Kubišta | Photo: Anna Kubišta,  Radio Prague Int.

S’il est un endroit en République tchèque qui exprime au mieux le concept de « genius loci », ou l’esprit du lieu, c’est bien Kuks en Bohême de l’Est. Kuks, c’est le rêve incarné du comte Špork, un aristocrate qui, au XVIIIe siècle, a fait bâtir, à partir de rien, une cité idéale comme nous l’avait raconté en 2019, l’écrivaine française Anne Delaflotte Mehdevi, dont le dernier roman se déroule justement à Kuks :

« Au XVIIIe siècle, les thermes étaient à la mode. A côté de ses terres de Lysá nad Labem, il y avait des sources autour de l’Elbe. Špork avait bien envie qu’elles soient curatives. Ça lui donnait l’occasion de créer une cité idéale, thermale autour de ces sources. Il a fait analyser l’eau de ces sources par quatre savants pragois, et c’était formidable puisque les résultats ont montré que ces eaux, en fait, étaient bien curatives. Špork s’est donc lancé dans son projet. Il a créé cette cité thermale idéale, où il y avait tout : une bibliothèque, un théâtre, un hôpital, le cimetière. C’était une cité rêvée, parfaite… »

Invité à embellir le site, le célèbre artiste de l’époque Matyáš Bernard Braun a pu y laisser libre cours à son imagination, créant dans le parc naturel environnant des statues représentant des scènes bibliques, directement sculptées dans la roche.

Mais avec les siècles, le temps a laissé son empreinte sur les œuvres d’art, peu à peu détériorées à la fois par la météo et les actes de vandalisme. Ce qui reste aujourd’hui des sculptures baroques n’est qu’une fraction de ce qui s’y trouvait jadis. D’où l’idée de créer une application permettant aux visiteurs une expérience virtuelle, où ceux-ci peuvent découvrir le site dans son aspect d’origine. George Pinkava, du studio More.Is.More qui a développé l’application Visit.more, nous en dit plus :

« Pour ce qui est de la collecte des données, nous avons numérisé le site en le balayant au laser et en utilisant la technique de photogrammétrie. Nous avons étroitement collaboré avec Leoš Pryšinger qui a dédié à sa vie à l’analyse de la scène de la Nativité et de tous ses détails. Il possédait même une très belle sculpture en bois de ce qui devait être son apparence d’antan : nous l’avons utilisée comme référence pour créer notre modèle numérique. »

Photo: ČTK/David Taneček

Ainsi certaines statues qui ont été retirées de la forêt afin d’éviter les ravages du temps, sont à nouveau visibles et bien en place sur leur lieu d’origine dans l’application.

« Par exemple, il y avait un ange dans la scène de la Nativité qui avait été déplacé vers le jardin de l’hôpital de Kuks. Nous avons donc utilisé le scan de ce qu’il en reste et nous l’avons remis là où il se trouvait à l’origine. »

L’œil contemporain sera étonné de découvrir dans l’application des modèles numériques des œuvres en couleur. Ce serait oublier que depuis l’Antiquité en passant par le Moyen Age les statues étaient souvent polychromes. Et si la tradition est restée essentiellement cantonnée aux sculptures en bois à l’époque baroque, il semble que celles de Matyáš Bernard Braun aient bel et bien été peintes :

Photo: ČTK/David Taneček

« Avec l’aide d’experts, Leoš Pryšinger a étudié les couleurs dont on trouve des traces dans la pierre. Ils ont passé en revue tous les rochers, toutes les pierres pour dénicher les restes des produits chimiques de ces couleurs. Nous avons utilisé ces informations et peint nos modèles 3D comme ils devaient apparaître aux gens de l’époque. »

Ce n’est pas le premier projet d’expérience virtuelle du studio More.Is.More dans la région : parmi les autres visites touristiques en réalité augmentée disponibles, l’hôpital de Kuks a également déjà été numérisé. Car du grand projet un peu mégalomaniaque du comte Špork, en grande partie balayé par une crue de l’Elbe après seulement une quarantaine d’années d’existence, il ne reste aujourd’hui qu’une infime partie. L’application en réalité augmentée permet de restituer l’ensemble du site dans son aspect d’origine, une innovation que l’ingénieux comte Špork n’aurait sans doute pas reniée.

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