Ladislav Sitensky

Ladislav Sitensky

Ladislav Sitensky, l'un des plus grands photographes tchèques du XXe siècle, a conservé pour l'avenir les exploits et la vie des aviateurs tchécoslovaques en France et en Grande-Bretagne au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Un témoignage sur les Royal Air Force, exempt d'images dramatiques. Les photos sont prises avec douceur, atténuant les atrocités de la guerre. L'horreur, l'angoisse, la mort, on ne les sent pas et la véracité y est ! Un bout d'histoire sauvé de l'oubli ! Mais L. Sitensky est également célèbre pour ses portraits, ses paysages et ses motifs urbains originaux, un style propre à l'artiste.

Né en août 1919, à Prague, L. Sitensky reçoit son premier appareil photo, un Baldax 4,5 x 6, à l'âge de quatorze ans. Un cadeau de son père qui décidera de sa future carrière. Une première photo, le grand-père perché sur une échelle, sera par manque d'expérience un peu floue. Le jeune Ladislav se passionne vraiment pour la photo. Après deux ans de pratique, ses premières photos apparaissent déjà dans les magazines Ozveny (Echo) et Pestry tyden (Semaine variée). L. Sitensky prend toutes sortes de photos différentes : jeunes filles pour couvertures de magazines, obsèques du président T.G. Masaryk, ou encore une série de photos intitulée Les étudiants et les profs, exposée pour la première fois à Obecni dum (Maison municipale) en 2001. A dix-huit ans, L. Sitensky part à Paris pour photographier l'Exposition mondiale. Il continue en Bretagne, où il rencontre Paulette, ravissante jeune fille de seize ans. Elle sera l'amour fatal du photographe, le faisant beaucoup souffrir avant de l'épouser, pour ne plus jamais le quitter. Très amoureux, le jeune homme repart en Bohême. Il reste en correspondance avec Paulette et la rejoint l'année suivante. Après les vacances, il lui faut décider de la suite de ses études. Ladislav est pourtant loin de vouloir suivre les traces

Ladislav Sitensky et Paulette
traditionnelles familiales. Sa mère était issue d'une grande famille bourgeoise, spécialisée dans la production de peinture de bâtiments. Son père, diplomate et éminent juriste, spécialisé dans les contrats sur la navigation maritime et fluviale, souhaitait que son fils suive ses traces. Mais Ladislav a d'autres projets en vue. Il a des tendances artistiques et veut étudier à l'Ecole des beaux-arts pour devenir poète, sculpteur ou peut-être peintre. Malheureusement, le talent n'y est pas ! Alors, le jeune homme opte pour l'architecture. Il obtient une bourse pour suivre des études à Paris. Avant de gagner Paris, L. Sitensky part en Bretagne pour rejoindre Paulette, mais Paulette a changé d'avis ! Un choc difficile à assumer ! Le jeune homme est accablé ! Il regagne donc Paris pour débarquer à l'atelier du célèbre architecte Auguste Perret, le 1er septembre 1939. Mais la guerre éclate ! A l'époque, la légion tchécoslovaque étrangère est créée et l'étudiant n'hésite pas à rejoindre l'aviation, officiellement comme technicien, réellement, en tant que photographe de l'armée. En premier lieu, il est sur le front français, puis plus tard en Grande-Bretagne, membre de la 312e escadre de chasse de la Royal Air Force. En 1942, L. Sitensky est nommé photographe officiel de la Section de l'aviation tchécoslovaque à Londres.

Que devient Paulette, pendant ce temps ? En début 1945, L. Sitensky part pour trois mois, comme assistant du réalisateur Jiri Weiss, pour prendre les photos du débarquement des alliés à Dunkerque. Il profite de l'occasion pour rejoindre Paulette. A la grande joie de Ladislav, Paulette est toujours célibataire. Le couple n'hésite plus et se marie à la cathédrale de Lille. Paulette suivra L. Sitensky à Prague, lui donnera trois enfants et vivra avec lui jusqu'à son décès. C'était une femme aimante et très courageuse car le colonel Ladislav Sitensky, comme la plupart des pilotes de la RAF, faisait partie des indésirables. Et encore, il a eu de la chance car beaucoup d'entre eux ont été condamnés à perpétuité par le régime communiste, certains même à mort, pour trahison de l'état. Le célèbre photographe est resté en Tchécoslovaquie, malgré des propositions intéressantes, comme celle du magazine Sunday Times. Il était trop difficile pour lui de quitter ses parents et de ne plus jamais les revoir. Par contre, Paulette en a beaucoup souffert ! Pendant dix-sept ans, elle n'a pas pu sortir du pays et voir sa mère.

Le colonel Ladislav Sitensky a été décoré de la Croix de guerre tchécoslovaque et il est titulaire de plus d'une dizaine de décorations britanniques, françaises et tchécoslovaques pour ses mérites au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Le photographe a présenté ses photographies à des expositions dans le monde entier, dont celle à la synagogue de Plzen, organisée à l'occasion du 55ème anniversaire de la libération de la ville par l'armée américaine. Les photos prises pendant la guerre ont servi d'inspiration à Jan Sverak, réalisateur du film Le Monde bleu nuit (Tmavomodry svet). On ne rendra hommage aux pilotes tchèques de la RAF qu'en 1994 avec l'exposition Les Ailes de la patrie, organisée au Musée de la ville de Prague.

Parmi les nombreuses publications, citons la monographie éditée par la maison d'édition Dita avec la participation de l'artiste. L. Sitensky a photographié la plupart des stars de cinéma des années trente, des réalisateurs, chanteuses, mais il a su aussi réaliser les portraits du maréchal Montgomerry, célèbre pour la victoire dans la bataille d'El Alamein ou de Winston Churchill...L. Sitensky vit aujourd'hui à Prague, il est père de trois enfants, grand-père de six petits enfants et une arrière petite fille, vient de s'ajouter au nombre.