Une plongée dans l’univers fantastique du cinéaste Karel Zeman

Photo: Archives du Musée Karel Zeman

Magicien du cinéma, Méliès tchèque, pionnier des effets spéciaux dans le cinéma, roi de l’invention et de l’illusion… Autant d’étiquettes que les spectateurs et les critiques ont collées au réalisateur et dessinateur Karel Zeman (1910-1989), l’un des cinéastes tchèques reconnus par la cinématographie mondiale. Nous vous invitons à découvrir le musée consacré à ses films, situé au cœur du centre historique de Prague.

Photo: Archives du Musée Karel Zeman

« Les visiteurs peuvent tout essayer dans notre musée, manipuler les objets et jouer aux cinéastes, mais ils ne peuvent pas toucher les costumes exposés ! (rires) Ils ont été créés pour les films de Karel Zeman dans les studios Barrandov qui nous les a prêtés. Ils sont très précieux… »

Zuzana Kunstová et Kateřina Kuthanová,  photo: Magdalena Hrozínková

Zuzana Kunstová, guide francophone du Musée Karel Zeman, nous accueille dans une des maisons anciennes de Malá Strana. Située rue Saská, cette maison transformée en 2012 en musée dédié au cinéaste est accessible par un escalier depuis le pont Charles.

Le musée retrace la vie et l’œuvre du célèbre cinéaste qui a par ailleurs passé ses années de formation et d’initiation au cinéma en France : à la fin des années 1920, le jeune homme part à Aix-en-Provence où il étudie la publicité. Jusqu’en 1936, il travaille ensuite pour un studio de publicité à Marseille.

« En France, Karel Zeman a fait sa première expérience du cinéma et du court-métrage. En Tchécoslovaquie, il avait fait une école de commerce, comme ses parents l’avaient souhaité. C’est donc en France où il s’initie à l’art : il fréquente les salles de cinéma, tombe amoureux du cinéma français et pratique aussi la boxe. »

Karel Zeman,  photo: Archives du Musée Karel Zeman

Le jeune Karel Zeman voyage aussi au Maroc, en Egypte, dans l’ancienne Yougoslavie et en Grèce. A son retour en Tchécoslovaquie, au début des années 1940, il réalise ses premiers films d’animation qui sont à découvrir dans son musée pragois. Pour l’un d’entre eux qui s’intitule « Inspiration », Karel Zeman a choisi d’animer des marionnettes en verre :

« Karel Zeman a choisi le verre, un matériau fragile qui ne se prête pas vraiment à l’animation. Vous pouvez voir des échantillons de son travail à l’écran. Dans la vitrine, nous montrons une des figurines en verre qu’il a ainsi animées, elle représente une danseuse. Ce film a été créé par la technique ‘image par image’ à l’aide d’une caméra similaire à celle-ci… Le débit est de 24 images par seconde. C’est une technique d’animation classique. »

Le film d’animation « Rêve de Noël », que Karel Zeman réalise en 1945 avec son homonyme Bořivoj Zeman, remporte un prix au Festival de Cannes. Karel Zeman crée ensuite une série de courts métrages grotesques à succès ayant pour personnage principal Monsieur Prokouk, un pantin au gros nez coiffé d’un chapeau de paille qui incarne un Tchèque ordinaire confronté aux problèmes de la vie quotidienne. Ces films avaient un but pédagogique : M. Prokouk incite le public à trier les déchets et à consommer de l’alcool avec modération.

Les dinosaures et autres effets spéciaux dans « Voyage dans la préhistoire »

Le Musée Karel Zeman,  photo: Magdalena Hrozínková

Le musée est centré essentiellement sur trois films cultes de Karel Zeman : « Voyage dans la préhistoire », « L’invention diabolique » et « Le baron de Crac » (ou Le baron de Münchhausen). Tourné en 1955, « Voyage dans la préhistoire », est le premier film où Zeman combine le film d’acteur avec les techniques d’animation. Ce voyage dans le temps de plusieurs jeunes garçons qui se retrouvent dans une nature exubérante et au milieu d’animaux préhistoriques monstrueux constitue une révolution dans le monde du cinéma et ce notamment grâce aux effets spéciaux. Zuzana Kunstová :

« A l’époque, l’animation ne se faisait pas sur ordinateur comme aujourd’hui. Tout était beaucoup plus compliqué. Mais Karel Zeman était un véritable génie, quelqu’un de très créatif. Il a utilisé pour ce film la technique de multiple exposition avec caches. Elle consiste en l’exposition deux, voire plusieurs fois du même segment du négatif, chaque fois seulement en partie. Les autres parties restent dissimulées par des caches. Après chaque exposition, on revient en arrière et la partie filmée est, à son tour, dissimulée par des caches, tandis que la partie cachée lors de la prise précédente est exposée. Ainsi, il a par exemple animé une maquette de mammouth. »

En réalisant ce film, Karel Zeman est déjà inspiré par Jules Verne, et cette inspiration sera également décisive aussi pour la suite de sa filmographie et notamment pour son chef-d’œuvre intitulé « L’invention diabolique ». Avec beaucoup d’ingéniosité et d’astuce Karel Zeman y fait revivre les gravures célèbres qui accompagnent « Les voyages extraordinaires » de Jules Verne et réussit à réaliser un spectacle plein de suspense et de poésie. Il utilisera le même procédé pour ses succès suivants intitulés « Sur la comète » et « Le dirigeable volé ». Finalement, les gravures de Gustave Doré lui permettront de créer un film irrésistible sur les aventures du baron de Münchhausen.

Le Musée Karel Zeman,  photo: Magdalena Hrozínková

Dans la pièce consacrée à « L’invention diabolique », les auteurs du projet du musée ont reconstitué le sous-marin du film, ainsi qu’une machine à l’aide de laquelle les enfants peuvent le faire fonctionner… Ils peuvent essayer un scaphandre ou encore une machine volante, tirée elle aussi du film.

Les visiteurs du musée peuvent découvrir et parfois aussi expérimenter eux-mêmes plusieurs techniques d’animation et de trucage utilisées par Karel Zeman : celle par exemple où l’auteur combine des décors plats et des objets en 3D pour arriver à une scène dans l’espace ayant une perspective naturelle. D’autres effets spéciaux font naître l’illusion de la surface de la mer ou encore de l’univers sous-marin créé, lui, grâce à l’effet optique du verre ondulé.

Plusieurs générations de Tchèques sont tombées sous le charme des films de Karel Zeman. Trente ans après la mort de leur créateur, disparu précisément le 5 avril 1989, ils n’ont rien perdu de leur attractivité, comme en témoignent les propos de ces deux étudiantes tchèques des Beaux-Arts qui ont visité le Musée Karel Zeman au même moment que Radio Prague :

« J’apprécie surtout l’inventivité de Karel Zeman, le fait qu’il se soit lancé dans cette aventure, qu’il expérimentait. Aujourd’hui, on peut même faire de l’animation avec les enfants à l’école, mais à l’époque, ce genre en était à ses débuts. On ne peut qu’admirer ce qu’il a fait avec des moyens financier très réduits. Dans ses films, on trouve des marionnettes, des acteurs, des maquettes : chaque élément avait des dimensions différentes et il a su les combiner, c’est génial. »

« J’ai l’impression que les cinéastes aujourd’hui font tout pour remplacer la réalité dans les films de fantasy. Tout y est mélangé. Tandis que Zeman a fait des films qui sont tout simplement charmants. Il s’est inspiré de la réalité, mais tous les éléments de ses films forment à chaque fois un ensemble beau et harmonieux. »

Le Musée Karel Zeman,  photo: Magdalena Hrozínková

Visité chaque année par environ 40 000 personnes, le Musée Karel Zeman accueille des cinéphiles venus du monde entier. Responsable du marketing au musée, Kateřina Kuthanová précise :

« L’un des derniers films de Karel Zeman ‘Sur la comète’, tourné en 1970, est sorti en DVD en version française et nous le vendons sur place, de même que d’autres films de Karel Zeman. Ils sont aussi disponibles sur notre boutique en ligne. Par ailleurs, nos visiteurs francophones peuvent se servir gratuitement des tablettes avec des textes explicatifs en français qui leur permettent de faire le tour du musée de manière confortable et autonome. »

Le Musée Karel Zeman organise régulièrement des ateliers d’animation, ainsi que d’autres workshops et des événements spéciaux. Il est ouvert tous les jours de 10h00 à 19h00.

https://muzeumkarlazemana.cz