1989 : le retour (par la Pologne) des chansonniers exilés

Karel Kryl, photo: Centre tchèque de Mnichov

« Un prélude à la révolution de Velours » - c’est ainsi que Václav Havel a qualifié le festival de la culture tchécoslovaque indépendante qui s’est déroulé du 3 au 5 novembre 1989 à Wroclaw, en Pologne. Le concert qui a eu lieu en ouverture du festival s’est inscrit dans l’histoire : il a réuni plusieurs chansonniers tchèques interdits par le régime communiste et vivant en exil. Ainsi, Karel Kryl, Jaroslav Hutka ou Vlastimil Třešňák se sont produits, pour la première fois depuis vingt ans, devant plusieurs milliers de leurs compatriotes. Pour assister à ce concert exceptionnel, ils ont dû franchir la frontière encore très surveillée entre la Pologne déjà libre et démocratique et la Tchécoslovaquie communiste. Focus, dans cette émission, sur quelques-uns de ces chanteurs à la guitare, redécouverts, en 1989, par le public tchèque.

Karel Kryl,  photo: Centre tchèque de Mnichov
Premier nom à retenir : Karel Kryl, figure majeure de la chanson protestataire tchécoslovaque. Chanteur, auteur, compositeur et poète, Karel Kryl a vécu à partir de 1969 en Allemagne de l’Ouest. Il est l’auteur de chansons satiriques et métaphoriques qui représentent une réflexion sur l’état de la société, ainsi que de chansons poétiques et mélancoliques qui expriment davantage un état d’âme.

Karel Kryl a vécu un grand come-back après son retour en Tchécoslovaquie en novembre 1989 : tous ses disques ont été réédités et le chanteur a été redécouvert et admiré par la jeune génération notamment, qui ne connaissait son nom que grâce aux émissions de Radio Europe Libre et de la Voix de l’Amérique. Nous allons écouter deux morceaux parmi les plus célèbres de Karel Kryl, mort en 1994, à Munich, d’une crise cardiaque. Il était âgé de 49 ans.

Grande vedette du concert de Wroclaw, qui s’est donc déroulé une quinzaine de jours avant la révolution de Velours, Karel Kryl n’était pas le seul qui représentait l’exil tchécoslovaque dans ce festival : l’événement a réuni des personnalités comme František Janouch, fondateur de la Fondation de la Charte 77 à Stockholm, le rédacteur de Radio Europe Libre Karel Hvížďala ou l’écrivain tchéco-autrichien Pavel Kohout. Les spectateurs tchèques ont pu voir, à Wroclaw, des films de Miloš Forman, Jiří Menzel ou Věra Chytilová encore interdits dans leur pays, ils ont pu acheter des livres tchèques publiés à l’étranger. En revanche, ils n’ont pas pu voir les œuvres de jeunes plasticiens et sculpteurs tchécoslovaques que les autorités communistes ont interdit de transporter en Pologne.

Plusieurs chanteurs folk et représentants de la scène musicale alternative n’ont pas été, eux non plus, autorisés à se rendre à Wroclaw, parmi eux Jiří Dědeček, Karel Plíhal et Vladimír Merta. Ceux qui vivaient à l’étranger, comme Jaroslav Hutka, installé aux Pays-Bas, ou Vlastimil Třešňák, vivant, lui, en RFA, ont rejoint Wroclaw en passant par l’Allemagne de l’Est, à bord du même train que des centaines de Tchèques et de Slovaques qui voulaient ainsi éviter de passer en voiture par la frontière redoutée entre la Tchécoslovaquie et la Pologne.

Place maintenant à deux chansonniers que nous venons de citer et qui sont tous deux rentrés au pays après la chute du rideau de fer : nous entendrons une des chansons emblématique de la révolution de Velours interprétée par Jaroslav Hutka et entonnée par des centaines de milliers de manifestants à Prague. Elle sera suivie de sa chanson « Havlíčku, Havle », composée en 1977 en hommage à Vaclav Havel emprisonné.

Vlastimil Třešňák interprètera ensuite la chanson intitulée « Jsem tovaryš pátera Koniáše ».

Nous écouterons ensuite une chanson de Vladimír Veit, musicien et collaborateur de Jaroslav Hutka. Exilé en Autriche, Vladimir Veit a fait lui aussi le déplacement à Wroclaw, en novembre 1989. Il nous chante un sonnet de Shakespeare, qu’il a lui-même mis en musique.

La fin de ce Dimanche musical est consacrée à Karel Charlie Soukup, un chanteur-dissident tchèque peu connu dans son pays d’origine qui s’est exilé, après la signature de la Charte 77, en Alsace et qui vit actuellement en Australie. Enfin, Svatopluk Karásek, pasteur et dissident persécuté par le régime communiste, engagé en politique après son retour d’exil en Suisse, Svatopluk Karásek, donc, nous chantera son morceau « Báby ».