Eva Pilarová alias Eva FitzPilar

Eva Pilarová, photo: ČT
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Star authentique de la chanson tchèque depuis plus de cinquante ans, Eva Pilarová est décédée samedi 14 mars à Prague, des suites d'une longue maladie. Elle était âgée de 80 ans.

Eva Pilarová,  photo: ČT

Née à Brno, en Moravie, Eva Pilarová a enregistré sa première chanson à l’âge de sept ans, sur l’antenne locale de la Radio tchécoslovaque. Adepte du chant d’opéra, elle abandonne toutefois ses études à l’Académie de musique et des arts de la scène Janáček (JAMU) de Brno, pour se consacrer à la musique populaire, de variété, ainsi qu’au swing :

« Quand j’étais petite », s’est-elle souvenue dans une interview, « mes parents m’emmenaient souvent voir des concerts de musique classique et des opéras. Mais un jour, j’ai vu au cinéma le célèbre film ‘Sun Valley Serenade’, avec la patineuse artistique Sonja Henie dans le rôle principal. Ce film, et surtout la musique interprétée par Glenn Miller et son orchestre, m’ont absolument charmée. Cette passion pour le swing ne m’a plus lâchée. »

Pendant ses études à la JAMU, Eva Pilarová, fait connaissance de son futur mari, le contrebassiste Milan Pilar, qui l’emmène passer le concours du théâtre musical Semafor de Prague. Cette petite scène, devenue le symbole du bouillonnement culturel des années 1960, lance sa carrière, comme celle d’autres étoiles montantes de la musique tchèque, parmi lesquels un certain Karel Gott, mais aussi Waldemar Matuška. Avec eux, Eva Pilarová a interprété, en duo, plusieurs chansons inoubliables, sur les planches comme au cinéma.

Remarquée par Louis Armstrong en personne lors d'un passage en Tchécoslovaquie en 1965, la chanteuse dotée d’un talent musical et vocal extraordinaire (tessiture de trois octaves, facilité pour le scat…) et d’un physique avantageux, a rapidement conquis le public, dans son pays comme à l’étranger.

Surnommée Eva FitzPilar par l’écrivain Josef Škvorecký, « la Ella Fitzgerald tchèque » rêvait de tournées aux Etats-Unis. Avant que son rêve ne puisse s’accomplir, dans les années 1990, Eva Pilarová a dû affronter plus d’une épreuve dans sa vie. En 1962, lorsque son mari a émigré en Allemagne de l’Ouest, elle s’est retrouvée seule avec un bébé de trois mois et sans possibilité de voyager à l’étranger. En 1973, six membres de son orchestre ont péri dans un accident d’avion. Enfin, juste après la révolution de Velours, la chanteuse a surmonté un cancer.

Eva Pilarová,  photo: Jan Sklenář,  ČRo
Les pays occidentaux lui étant interdits à partir de 1970, Eva Pilarová a donné d’innombrables concerts dans les pays de l’ancien bloc de l’Est, de Cuba et en Asie centrale.

« Je n’étais pas aussi courageuse que Marta Kubišová », a-t-elle avoué, en toute sincérité, lorsque les journalistes l’ont interrogée, après 1989, à propos de sa signature de « l’anti-Charte », qui a invité les artistes tchécoslovaques à proclamer leur solidarité avec les autorités communistes et à condamner la Charte 77, qui contestait le processus de « normalisation ».

Tout au long de sa longue et brillante carrière, Eva Pilarová a interprété un répertoire extrêmement varié – du jazz, du swing, des mélodies populaires, classiques, ainsi que des chansons à la française. On l’écoute chanter, à sa manière, Ne me quitte pas de Jacques Brel, ainsi que ses grands tubes des années 1960.