Benjamin Cardineau : pour une meilleure qualité du service dans la restauration

Le Passe-partout

Rencontre avec Benjamin Cardineau, patron du restaurant le Passe-partout sur la charmante petite place de la rue Americká dans le quartier de Vinohrady, à Prague. Benjamin Cardineau nous fait part de son expérience de restaurateur à Prague et partage sa vision de l’économie du tourisme en République Tchèque.

« Cela fait deux ans que nous sommes ici. J’étais dans l’industrie avant et j’ai toujours eu envie et la passion de me lancer dans une aventure plus personnelle et surtout plus proche du client en termes de contact. Et j’ai toujours aimé la restauration donc c’est venu naturellement. Il y avait un restaurant français donc on a prit la suite en changeant pas mal de choses. J’étais au départ dans la restauration avec un ami qui était dans la restauration et qui m’a aidé à mettre le pied à l’étrier. On a une équipe qui, du serveur à la serveuse, en passant par le cuisinier et le patron, est toujours motivée. Et malgré les difficultés de l’époque, on essaie de donner le meilleur. Dans la philosophie, j’ai toujours voulu promouvoir une idée de la cuisine française qui ne soit pas de la cuisine chère – on n’est pas un trois étoiles Michelin, j’en n’ai surtout pas la prétention. Et je crois que cela se retrouve au niveau de la carte. On propose des plans de la gastronomie française classique, que l’on pourrait décrire comme brasserie ; une brasserie n’est pas un endroit cher, c’est un endroit convivial, sympathique, où on mange bien. Au niveau du service, ce que je dis toujours à mes employés, c’est que je veux que le professionnalisme soit tout aussi important que le bien-être. Car si on se sent bien entre nous, on va se sentir bien avec les clients et les clients vont bien se sentir ici. »

Que mange-t-on dans ce restaurant ?

« On mange des plats pour la plupart français, issus de la cuisine du terroir, de brasserie, donc des plats assez simples, très typiques. Un des plats phares que l’on peut trouver ici est le coq au vin. Et c’est vraiment du coq parce que beaucoup de restaurants à Prague proposent du coq au vin mais c’est fait avec du poulet. Je fais venir du coq de France. On a comme spécialité de la maison qui a un succès assez clair, qui est le soufflet à la pistache, qui n’est pas très français mais qui est une recette que j’avais trouvée en Italie et qu’on a réussi à adapter ici. On a des choses françaises plus typiques, comme des salades avec du reblochon fondant, avec du chèvre chaud, des crevettes gratinées à la sauce tomate et à la feta. On essaie aussi de faire la cuisine de différentes régions. J’ai des tartes flambées alsaciennes par exemple. »

Vous vous êtes inspiré de vos séjours dans différentes régions de France et à l’étranger pour concocter votre carte. Qui fait la cuisine ?

« Effectivement, je me suis inspiré de toutes les régions. Je suis normand, j’ai été en Franche-Comté et en Alsace. J’ai aussi fait une incartade en Italie. Je dois avouer qu’il n’y a qu’en Angleterre que je n’ai pas trouvé d’inspiration. Ce n’est pas moi qui cuisine mais j’ai bien l’intention de m’y mettre dans quelques semaines. Par ailleurs, pour la carte, j’arrive avec mes idées. Je demande à mes serveurs et à mes cuisiniers parce que cinq cerveaux valent mieux qu’un. Chacun émet des idées, des envies, et le cuisinier est là pour dire si c’est techniquement possible. On se met d’accord. C’est assez collégial, et tant mieux car si vous voulez qu’un serveur vende des plats, il faut qu’il les aime lui-même. C’est une manière de les inciter. Et de même pour le cuisinier ; si vous voulez qu’il fasse de la bonne cuisine, il faut qu’il aime ce qu’il est en train de faire. C’est vraiment une histoire d’équipe. Il y a un côté familial dans ce restaurant, et je pense que les clients viennent aussi pour cela. »

Vous insistez beaucoup sur la convivialité, sur la qualité du service. Est-ce que c’est quelque chose qui vous permet de vous démarquer des autres restaurants, et notamment des restaurants tchèques où les serveurs n’ont pas très bonne réputation ?

« Malheureusement effectivement, les serveurs tchèques ont un très mauvaise réputation. Je le vois tous les jours quand j’ai des touristes qui nous font le plaisir de venir manger chez nous. Je leur demande comment se passe le séjour et tous, à 100%, se plaignent de la qualité du service en République tchèque. Je pourrais me dire que c’est une bonne chose pour moi parce que je peux faire la différence aussi à ce niveau-là. Mais c’est un phénomène inquiétant parce que ça fait fuir les touristes. J’avais entendu une statistique, que je ne peux pas vérifier, mais qui disait qu’il y avait moins de 10% de touristes qui revenaient à Prague après une première visite. Prenez une ville comme Berlin : Berlin, c’est 80% des touristes qui reviennent après une première visite. Les gens à Prague ne reviennent pas parce qu’ils ne sont pas satisfaits par la qualité des services dans les restaurants, parce qu’ils se font arnaquer par ailleurs par les taxis et les bureaux de change etc. C’est une chose que tout le monde sait, et en particulier les gouvernements tchèques les uns après les autres. Mais on n’a jamais rien fait pour améliorer les formations dans les écoles hôtelières, on n’a jamais rien fait pour avoir une police qui fasse en sorte que les touristes se fassent moins arnaquer. En plus de ça, le gouvernement tchèque ne fait aucune promotion du pays à l’étranger. Vous voyez en France beaucoup de spots de publicité pour l’Irlande, pour Malte, la Hongrie, la Pologne. On n’a jamais vu jusqu’à maintenant de spots pour Prague ou la République tchèque et tous ses châteaux. C’est très dommage. Pour en revenir à la qualité de services, il est vrai que cela me fait sourire quand les gens me disent que le service tchèque n’est pas idéal. Malheureusement, cela m’inquiète aussi parce que je vis aussi des touristes et le jour où il n’y aura plus de touristes, il sera trop tard pour dire qu’il fallait faire quelque chose. »

Au sujet du tourisme, il y a aussi les effets de la crise. Nous avons parlé récemment de la brasserie M qui a dû fermer ses portes. Ressentez-vous aussi les effets de cette crise ?

« Il est triste que M. Manzac ait du fermé boutique. C’était un restaurant très respectable. Malheureusement, je subie la crise également de plein fouet. Depuis déjà octobre de l’année dernière, d’un mois à l’autre, en fonction des saisonnalités, j’ai une baisse d’activité autour de 20 à 25 %, et parfois même 30%, ce qui est très dommageable pour une petite structure comme la notre. On essaie de se rassurer comme on peut, en se disant que tous les restaurants subissent cette crise. Malheureusement, au quotidien, nous avons des factures à payer, la TVA qui n’a pas baissé ici, et effectivement, c’est très dur. Il y a cette satisfaction des clients qui fait la notre et qui nous donne cette énergie pour continuer, mais il est vrai que l’on tire la langue. Et j’attends avec impatiente des jours meilleurs. »