Budweiser vs. Budweiser : la guerre de 100 ans des brasseurs

Plus d'un siècle. Voilà plus d'un siècle que dure la querelle autour du breuvage qui fait la fierté de la Bohême du sud : la bière de Budweis. D'un côté, le brasseur tchèque Budejovicky budvar, installé à Ceské Budejovice - une ville qui porta longtemps le nom allemand de Budweis - et qui produit l'une des meilleures bières tchèques, selon des méthodes et recettes traditionnelles. De l'autre côté, le géant américain Anheuser Busch, installé à Saint-Louis où est brassée, depuis 1876, une des bières les plus vendues dans le monde suivant une méthode inspirée par le brassage des bières de Bohême et à qui ses créateurs, des émigrés allemands, Eberhard Anheuser et Adolphus Busch, ont donné le nom de Budweiser. Les fondateurs de la brasserie américaine avaient, en effet, eu la bonne idée de déposer la marque "Budweiser" dès les premiers hectolitres de bière brassés outre-Atlantique, un breuvage qui est aujourd'hui à la bière ce que le mousseux est au champagne.

Plus d'un siècle. Voilà plus d'un siècle que dure la querelle autour du breuvage qui fait la fierté de la Bohême du sud : la bière de Budweis. D'un côté, le brasseur tchèque Budejovicky budvar, installé à Ceské Budejovice - une ville qui porta longtemps le nom allemand de Budweis - et qui produit l'une des meilleures bières tchèques, selon des méthodes et recettes traditionnelles. De l'autre côté, le géant américain producteur de la bière la plus vendue dans le monde, installé à Saint-Louis où est brassée, depuis 1876, une bière suivant une méthode inspirée par le brassage des bières de Bohême et à qui ses créateurs, des émigrés allemands, Eberhard Anheuser et Adolphus Busch, ont donné le nom de Budweiser. Les fondateurs de la brasserie américaine avaient, en effet, eu la bonne idée de déposer la marque "Budweiser" dès les premiers hectolitres de bière brassés outre-Atlantique, un breuvage qui est aujourd'hui à la bière ce que le mousseux est au champagne.

Le consommateur a parfois bien du mal à s'y retrouver et à distinguer sur les rayons des magasins ou dans les bars laquelle des deux boissons est produite en Bohême et laquelle dans le Missouri. Aux Etats-Unis, depuis 1939, le brasseur tchèque ne peut pas utiliser les noms Bud, Budweis ou Budweiser. Cet accord signé par des Tchèques menacés à l'époque par l'Allemagne nazie laisse un goût amer, comme la bière fabriquée à Ceske Budejovice, qui a dû prendre le nom de Czechvar sur le continent nord-américain. L'argument le plus souvent avancé aux Etats-Unis pour justifier cette décision est le fait que la Budweiser américaine a été produite une vingtaine d'années avant que l'entreprise Budejovicky budvar ne brasse son premier litre. Dans le reste du monde, c'est une lutte sans merci que se livrent Tchèques et Américains pour avoir le droit de porter le nom Budweiser et conquérir les marchés.

Le directeur général de la brasserie du sud de la Bohême, Jiri Bocek, nous explique les enjeux de cette guerre juridique à l'échelle mondiale :

"L'enjeu des litiges qui nous opposent à la société américaine Anheuser Bush dans plus d'une quarantaine de pays concerne le marché, et plus précisément le fait de déterminer qui peut vendre sa bière sur quel marché. Le problème de base, c'est que nous vendons la bière originale de Ceské Budejovicke, qu'elle s'appelle Budejovicke pivo, Budweiser bier ou beer from Budweis, selon les traductions. Et la société Anheuser Busch, à la fin du XIXe siècle, a copié la bière originale et a utilisé son nom, Budweiser, pour en faire une marque déposée. Si je devais prendre un exemple pour donner une idée à vos auditeurs français, je dirais que c'est un peu comme si un producteur de champagne français était en conflit avec une société étrangère qui utilise le nom "Champagne" pour vendre son produit."

A quand exactement remontent les premiers conflits?

"Les premières tentatives de conciliation remontent à 1911. A l'époque, les parties avaient conclu un accord selon lequel notre brasserie pouvait utiliser le nom Budejovicke ou Budweiser dans le monde entier pour vendre son produit, puisqu'il définit le lieu où est brassée la bière. L'accord ne spécifiait pas s'il s'agissait d'une marque déposée ou d'une appellation d'origine contrôlée." "En 1911, il fut donc décidé que Budejovicky budvar pouvait utiliser le nom Budweiser dans le monde entier et que Anheuser Busch ne pourrait pas l'utiliser en Europe. C'est à dire qu'en dehors de l'Europe les deux marques pouvaient coexister."

Mais la coexistence pacifique entre les deux brasseries a progressivement pris fin. L'accord de 1911 fut remis en question.

"Le meilleur moyen qu'a trouvé le brasseur américain pour remettre les termes de l'accord en question est de porter l'affaire devant les tribunaux nationaux, pays par pays. Les procès les plus importants ont commencé au début des années 70 et notre litige est encore aujourd'hui devant les juges de nombreux Etats."

Régulièrement, en effet, on retrouve dans les médias tchèques des informations concernant les procès en cours, les procès perdus et les procès gagnés. C'est la même chose du côté américain, où les journaux, et notamment le quotidien de Saint-Louis - berceau de la brasserie Anheuser Bush - se félicitent dès qu'une décision est prononcée en faveur de la "Bud" locale. Le bilan est assez équilibré. Jiri Bocek:

"Les juges ont statué d'une manière assez étrange en Grande-Bretagne, où les deux sociétés peuvent vendre leur produit sous le nom Budweiser. Nous avons gagné nos procès notamment en Allemagne, Autriche, Suisse, au Japon, en Nouvelle-Zélande, en Australie, en Suède et au Danemark. En revanche, nous avons perdu en Espagne et en Italie. En France, nous sommes les utilisateurs légaux de la marque déposée Budweiser budvar et de l'appellation contrôlée Budejovicke pivo, Budweiser beer. Anheuser Busch ne peut utiliser le nom Budweiser, c'est pourquoi elle vend son produit en France sous le nom de Bud."

L'entrée de la République tchèque dans l'UE a quelque peu facilité la tâche des avocats de la brasserie tchèque dans le sens où personne ne peut déposer la marque Budweiser dans un des pays membres sans se heurter à la législation européenne qui protège les appellations d'origine contrôlée. Cependant, dans les pays comme l'Espagne où le brasseur américain possédait déjà la marque déposée, il peut continuer à utiliser le nom de la ville de Bohême pour vendre sa boisson. Même si la lutte du David tchèque contre le Goliath américain est difficile, Jiri Bocek, le directeur général de la brasserie tchèque, veut rester optimiste:

"Nous n'avons pas à avoir peur pour l'avenir de notre entreprise. Le plus important est d'avoir une bonne qualité de produit et une situation financière stable. En ce qui concerne le premier point, personne aujourd'hui ne doute de la qualité de notre bière blonde et l'intérêt croissant dans le monde pour notre breuvage nous le prouve chaque jour davantage. C'est à nous de tenter d'améliorer encore nos services, en nous appuyant sur des résultats financiers en constante augmentation."