Google s'installe sur le marché tchèque

Le 10 août dernier, le célèbre moteur de recherche Google a acheté le nom de domaine Google.cz, celui étant enregistré jusqu'au 22 juillet 2013. Pas de doute, la République tchèque apparaît comme un terrain hautement stratégique pour la société américaine. La nouvelle sonne comme une opportunité pour les fournisseurs tchèques de contenus Internet mais elle ne ravit pas tout le monde. Au premier rang des mécontents, le portail tchèque Seznam, actuellement leader sur le marché national.

Récemment encore, le domaine Google.cz appartenait à l'homme d'affaire Tomas Schel, qui l'utilisait, depuis 2000, pour son propre moteur de recherche. Les deux parties sont restées silencieuses sur le montant de la transaction mais les experts parlent de plusieurs millions de couronnes. Les détracteurs se sont déjà manifestés et certains utilisateurs ont lancé une campagne on-line de dénigrement. Leur slogan : "Google.cz n'est pas Google !".

Une nouvelle polémique en vue ? Rappelons ainsi les questions sur le respect des informations personnelles, soulevées par l'utilisation de la messagerie Google. Citons aussi les tentatives récentes de plagiats de Google par des moteurs de recherche jouant sur les éventuelles erreurs de frappe des utilisateurs. On a ainsi vu fleurir des sites aux noms de googkle.com et autres gooigle.com.

Une anecdote qui prouve bien la valeur de la marque Google sur le marché on-line. Avant même les utilisateurs, ce sont les programmateurs et autres spécialistes de l'Internet en République tchèque qui devraient tirer les premiers bénéfices de Google.cz. Ceux-ci n'avaient déjà que l'embarras du choix. Il suffit de consulter les sites tchèques d'emploi pour voir à quel point les ils sont sollicités. Signe de l'importance croissante de l'emploi dans ce domaine, de nombreuses PME dans le pays possèdent aujourd'hui un département Internet.

A long terme, le secteur de l'Internet pourrait bien représenter une assurance pour l'économie tchèque. Rappelons les prévisions pessimistes de certains économistes, qui craignent les délocalisations des entreprises étrangères vers les futurs membres de l'UE, comme la Roumanie, qui devrait offrir une main-d'oeuvre meilleur marché. Pour eux, Internet pourrait jouer le même rôle qu'en Irlande, en devenant une source majeur de revenus.

D'autres acteurs de l'économie Internet sont également à la fête : ce sont les sites d'achat en ligne, déjà très développés en République tchèque. En achetant un domaine tchèque, Google pénètre de plein pied sur le marché national. Il était déjà possible d'effectuer, sur Google.com, une recherche en langue tchèque mais, sous cette forme, une telle utilisation n'apportait aucun revenu direct à Google, faute d'espaces publicitaires.

Google utilise dorénavant le programme de la société AdSense pour cibler d'éventuels clients d'après les mots tapés dans le cadre de leur recherche. Grâce à ce système, il analyse le contenu des pages web et établit des liens entre les mots tapés et les annonces publicitaires.

Estimé à 410 millions de couronnes (environ 14 millions d'euros), le marché tchèque de la publicité on-line connaît une croissance de 30 % par an ! Certains professionnels mettent en avant la qualité du moteur de recherche Google, qui devrait tirer l'offre par le haut.

Pour les moteurs de recherche tchèques en revanche, la nouvelle annonce une compétition de plus en plus dure. Et le risque de perdre des parts importantes de marché. On en compte trois : Centrum, Atlas et le leader actuel, Seznam, qui fournit 50 % des recherches sur Internet dans le pays. Pour certains analystes, la concurrence ne devrait pas attendre plus d'un ou deux ans avant de se faire durement ressentir. Pour d'autres, cela se compte en mois ! Aujourd'hui, Seznam peut se targuer d'attirer sur ses pages plus de 3 millions de visiteurs par jour. La compétition "googolienne" se portera dans le domaine de l'innovation technologique et c'est sans doute là que Seznam devra porter l'essentiel de ses efforts. Les chiffres sont éloquents : là où Seznam a besoin d'un mois pour ajouter une nouvelle page web à son moteur de recherche, Google ne passe que 14 jours, soit moitié moins !

Le marché tchèque de l'Internet se développe lentement mais sûrement. On compte actuellement 42 % de foyers équipés dans le pays. Tout reste donc à faire et Google compte bien s'arroger la plus grosse part du gâteau. La direction de Seznam l'a bien compris et elle considère actuellement Google comme un réel danger. Le combat s'annonce rude même si, pour l'instant, la société tchèque n'annonce aucun changement majeur dans sa stratégie.

Le porte-parole de Google-République tchèque, Tomas Fiala, se fait pour l'instant très évasif sur ses intentions mais une chose est sûre : Google.cz recherche d'ores et déjà des programmateurs et des commerciaux dans le pays. Bien plus, Google compte installer à Prague le siège de sa représentation pour l'Europe centrale et orientale, même si aucune date n'est pour le moment avancée.

Attention, le site Google.cz n'est pas encore officiellement lancé et l'adresse redirige actuellement l'utilisateur vers l'ancien site propriétaire du domaine, globalsearch.cz. Mais les starting-blocks sont déjà en place. Reste à voir l'intérêt des internautes tchèques.