Jan Kolář, Czech Space Office : « l’espace a beaucoup plus d’importance pour les gens sur la terre qu’autrefois »

Photo: www.cnes.fr

« La coopération industrielle franco-tchèque dans le secteur de l’industrie spatiale ». C’était le sujet d’une rencontre organisée cette fin de semaine, à Prague, regroupant les principaux acteurs français et tchèq180ues d’une des industries les plus singulières de nos économies. En juillet 2008, la République tchèque est devenue le premier des anciens pays communistes et le 18e membre de l’agence intergouvernementale chargée de la coopération des projets spatiaux, l’Agence spatiale européenne (ESA). Thierry Duquesne, du CNES (Centre national d’études spatiales), nous parle de cette Europe spatiale et de la place qu’y occupent la France et la République tchèque.

Thierry Duquesne
« Dans l’Agence spatiale européenne, il y a des programmes obligatoires et tous les Etats membres sont tenus d’y participer. Au-delà du financement du fonctionnement de l’agence, auquel chaque membre participe, le programme obligatoire est principalement le programme scientifique. Ce programme a la particularité d’être un programme pour mettre en place la logistique nécessaire pour conduire des expériences scientifiques. Il s’agit donc des satellites, sur la partie servitude, c’est-à-dire une plate-forme, ce qui fournit le gaz et l’électricité aux charges utiles, c’est-à-dire aux instruments qui sont construits par l’agence, sous sa responsabilité et avec son financement. Le lancement du satellite aussi. Mais les contributions scientifiques sont des contributions en nature des Etats ou chaque Etat apporte des expériences et des équipements qui sont mis sur les satellites.
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A ce titre, sur tous les programmes scientifiques actuellement en cours, la France et la République tchèque sont ensemble. Il y a ensuite des programmes optionnels pour lesquels chaque Etat membre décide ou non d’y participer. Il y des programmes importants en particulier dans le domaine de l’observation ou des télécommunications sur lesquels on se retrouve avec la République tchèque. On a parlé en particulier de GMES, qui est plus qu’un programme ESA, il est un des deux programmes phares de l’Union européenne. La République tchèque y participe, la France également. »

Quel sont les bénéfices qui sont tirés de rencontres telles que cette conférence franco-tchèque sur l’industrie spatiale ?

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« Avant même de coopérer sur un objet particulier, je pense qu’il est important de se connaître, de connaître les compétences des uns et des autres. D’autre part, au niveau de l’agence spatiale européenne, il y a le principe du retour géographique, c’est-à-dire que la contribution d’un Etat doit revenir à son industrie. Donc les programmes qui ont à être construits, à partir du moment où la République tchèque et la France est partie prenante de l’ESA, on doit construire des programmes avec l’industrie des différents pays. Et donc je crois pour arriver à faire des choses efficaces, concrètes, qui permettent de tirer le meilleur bénéfice des investissements qui sont consentis par les pays à travers leur contribution à l’ESA.
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Il est important effectivement de voir comment on peut, industriels français et industriels tchèques, trouver des sujets d’intérêt commun sur lesquels une contribution commune peut être faite sur un futur programme. »

Dans quel domaine les Tchèques sont-ils les plus performants ?

« Je sais qu’il y a des compétences qui existent dans les domaines de la mécanique, de l’ingénierie, de l’observation spatiale. »

Et ceux de la France ?

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« La France a toujours eu l’ambition d’être un peu présente sur tous les secteurs, pour pouvoir être une force de proposition et pouvoir être un moteur dans la construction européenne dans le domaine spatial parce qu’elle est convaincue que l’espace est utile à la société et pas simplement l’espace pour faire rêver comme ce qui a pu faire rêver les gens quand les Américains sont arrivés sur la lune la première fois. Aujourd’hui l’espace est utilisé au quotidien par les citoyens européens, quand il s’agit de télévision, de télécommunications, d’utilisation du GPS et demain, de Galileo. Donc l’espace est vraiment entré dans la vie quotidienne des citoyens. Il rentre progressivement dans les politiques publiques – on le voit en France et demain ce sera aussi le cas en Europe.
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Donc si on veut promouvoir l’espace, on cherche à être un peu partout, mais principalement dans le domaine de l’accès à l’espace, parce que l’on pense que c’est un point absolument indispensable quand on veut être un acteur mondial sur la scène internationale dans le domaine spatial, et je parle pour l’Europe. Il est important d’avoir une autonomie d’accès à l’espace pour lancer les satellites dont on a besoin quand il le faut et non pas d’être tributaires d’un autre pays.

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Ensuite il y a tout le domaine des applications qui sont les applications grand public que j’ai citées – télécom, navigation etc. Il y a le domaine de la science, la science de l’univers, en microgravité, qui est aussi la contribution de l’espace pour aller assez loin dans le domaine de la physique fondamentale qui permet de savoir si aujourd’hui la théorie de la relativité générale a des limites. On sait qu’il y a la théorie quantique sur la théorie des particules. On cherche justement à trouver une théorie unifiée sur la physique et l’espace peut être un contributeur pour progresser dans cette voie-là. Il y a bien sur l’espace pour la défense et la sécurité et il y a l’espace pour la terre. Et en parlant d’espace pour la terre, ce n’est pas uniquement pour les sciences de la terre et la connaissance de notre planète, les mécanismes du climat, de la météorologie etc.
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Mais c’est aussi l’observation de la terre pour développer par exemple des applications comme l’internet disponibles sur le territoire national en complément des infrastructures terrestres, c’est aussi faire face à des régions où il y a parfois une désertion de la médecine, donc voir comment on peut progresser avec de la télémédecine, donc de la médecine à distance. L’espace, c’est tout ce panorama. »

Le plaidoyer pour l’espace de Thierry Duquesne est également partagé par Jan Kolář, président du Czech space office :

Jan Kolář
« La République tchèque est entrée dans l’ESA comme dernier membre et comme petit membre, ce qui veut dire que sa contribution à l’ensemble du budget n’est pas très grand. Mais elle est entrée dans l’ESA avec une bonne expérience et une tradition spatiale qu’elle a acquise dans les dernières décennies, quand la République tchèque et la Tchécoslovaquie participaient aux recherches sur le système solaire, la terre et surtout le soleil. C’est avec cela que l’on renoue. La République tchèque veut augmenter sa participation aux projets de l’ESA, parce qu’aujourd’hui, l’espace a beaucoup plus d’importance pour les gens sur la terre qu’autrefois. La technologie a fait de tels progrès aujourd’hui qu’elle peut fournir des applications dans notre vie quotidienne, si bien que parfois, on ne se rend même pas compte qu’elles proviennent de l’espace, comme regarder les Jeux olympiques ou savoir le temps qu’il va faire le lendemain.
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La République tchèque n’aura jamais son propre cosmodrome et ses propres fusées mais elle doit se joindre à ces processus afin que les connaissances fondamentales augmentent, pour qu’il y ait des gens qui soient capables de construire cette technologie et qu’elle serve à la société pour lui offrir un bon niveau de vie. »

Au sein de l’ESA, la République tchèque participe à de nombreux programmes. Prague est toujours candidate pour accueillir le siège du système de navigation européen Galileo.