La guerre des soldes n'aura plus lieu

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A peine les Tchèques avaient-ils eu le temps de digérer leur carpe et de déballer leurs cadeaux de Noël, que commençait dans le pays l'une des plus chaotiques opérations de soldes de ces dernières années. Les magasins Carrefour avaient décidé d'organiser « les soldes du siècle », une opération qui s'est surtout « soldée » par des plaintes déposées par des consommateurs en colère et des remontrances des autorités, qui pourraient infliger une amende au distributeur français.

Les réalisateurs du documentaire intitulé « Le rêve tchèque » avaient bien tenté l'année dernière de tourner en dérision les campagnes promotionnelles des grands magasins et leur impact sur des consommateurs avides de promos et de prix cassés, rien n'y a fait. Alors que dans leur film, Filip Remunda et Vit Klusak avait monté une vraie campagne de publicité pour un magasin fictif, attirant plusieurs milliers de personnes dans une zone industrielle pour ne découvrir qu'une simple facade, cet hiver, Carrefour et ses conseillers en publicité avait décidé de frapper un grand coup au lendemain de Noël. « Jusqu'à 95% de réduction » affichaient les milliers de prospectus distribués et les publicités insérées dans les médias. Résultat : un capharnaüm indescriptible devant les magasins de l'enseigne française et des quartiers entiers saturés de voitures de clients espérant faire « l'affaire du siècle ».

Seulement voilà, pour faire l'affaire du siècle cette année chez Carrefour, il fallait soit se lever très tôt, soit avoir le don d'ubiquité, les produits soldés n'existant qu'en faible quantité ou seulement dans certains des plusieurs magasins que compte Carrefour en Tchéquie. Frantisek Lobovsky est le président de l'Association de défense des consommateurs tchèques :

Photo: CTK
« De notre point de vue, la méthode employée était en contradiction avec le sixième paragraphe de la loi sur la protection des consommateurs, dans lequel il est stipulé que le vendeur doit respecter les bonnes moeurs pendant la vente de produits et la fourniture de services. Nous sommes justement convaincus que la méthode choisie pour les soldes ne respectait pas les bonnes moeurs. »

« Du point de vue de notre association, il serait bon de faire en sorte d'imposer des sanctions si des entraves au règlement sont observées. Et une amende serait le moyen de réparer. Il serait malheureux pour les consommateurs tchèques que ce genre de pratiques se répètent. »

Dès le début des soldes, l'Inspection du Commerce a été sollicitée. Jiri Pekny en est le directeur :

« Le premier jour des soldes de Carrefour, environ 150 consommateurs ont attiré l'attention de l'Inspection du Commerce, tandis que d'autres se sont adressés directement au ministère de l'Industrie et du Commerce.

Jiri Pekny
« Nous pouvons dire que les manquements se situent à différents niveaux. D'abord, il s'agit directement de non respect de la loi sur la protection des consommateurs puisque, par exemple, à Plzen, on a surévalué le prix de certains produits, parfois jusqu'à 36%. Ensuite, on a observé un manquement à l'obligation d'information, cela signifie, par exemple, qu'aucun mode d'emploi en tchèque n'était fourni avec le produit vendu. Enfin, pour certains produits, le prix était, par exemple, en décembre, de 1000 couronnes, mais sur le prospectus de Carrefour le prix affiché était de 2000, soldé à 500 couronnes. Nous allons transmettre le résultat de nos contrôles à la Chambre des métiers et à l'Inspection des Finances. »

« Evidemment, si ces infractions à la loi sur la protection des consommateurs sont confirmées, alors une amende allant jusqu'à un million de couronnes pourra être infligée. »

Dans l'édition de jeudi du quotidien Mlada fronta Dnes, le directeur de Carrefour en Tchéquie se déclare serein en attendant de voir si une amende va, oui ou non, être infligée. Du côté de l'hypermarché, on préfère adopter un profil bas et promettre qu'on ne recommencera plus. On écoute la porte-parole de Carrefour, Jana Havlickova :

« La campagne de liquidation de Carrefour du 3 au 16 janvier a provoqué un afflux de clients exceptionnel, dont nous n'avions pas prévu l'ampleur. Nous profitons de cette tribune pour nous excuser des désagréments que nous avons bien involontairement provoqués parmi nos clients et nos non-clients. »

« Nous avons respecté les lois et réglementations en vigueur dans le pays. Cependant, nous comprenons la frustration des consommateurs et nous prendrons l'initiative pour les prochaines liquidations de ne pas proposer en catalogue les produits dont les quantités ne nous semblent pas suffisantes. De plus, une communication locale répondra mieux à nos clients.

« Les différents contrôles exercés ont relevé peu de problèmes, d'après les protocoles reçus à ce jour, certains n'ayant pas de rapport avec les liquidations. Nous disposons même de plusieurs protocoles qui concernent plusieurs magasins qui ne constatent aucune infraction. »

Vous êtes donc en contact avec les inspecteurs, l'amende dont on parle et qui pourrait s'élever à 1 million de couronnes pourrait être infligée à Carrefour ?

« Pour l'instant, on ne peut pas parler d'amende, parce qu'aucune procédure n'a été entamée. Mais dans tous les pays où est Carrefour, Carrefour respecte les lois en vigueur. »

Et les lois tchèques vous paraissent suffisantes ?

« Je pense que oui. »

Donc comment éviter cela la prochaine fois ?

« Comme je l'ai déjà dit, on va communiquer localement, c'est à dire que dans chaque quartier ou région du magasin, la communication sera ciblée sur le stock du magasin. »

Les campagnes publicitaires se feront localement, alors que la dernière a été effectuée au plan national, c'est à dire que des produits présentés dans le catalogue n'existaient peut-être pas dans le Carrefour d'une ville ?

« Oui. »

Adieu, donc, les soldes du siècle, comme le titrait en français dans le texte Mlada fronta Dnes, dans son supplément économie. La leçon a l'air d'avoir été retenue par les grandes surfaces. Reste à savoir si elle le sera par les consommateurs.