L'agriculture tchèque : un secteur en mutation sous l'impulsion européenne

« L'avantage de la République Tchèque est que sa population agricole est relativement limitée, elle est de 4% de la population active totale. Une population agricole plus faible, ca veut dire aussi des surfaces d'exploitation beaucoup plus grandes, ce qui est tout à fait favorable. De plus, le coût du travail et de la terre sont relativement faibles. Donc au niveau de la compétitivité, la République tchèque est dans une situation plutôt favorable. »

Selon Christian Bourgin, Chef de la Représentation de la Commission Européenne à Prague, globalement, la compétitivité de l'agriculture tchèque n'est plus à prouver : le colza, le lait, et les produits servant à la production de la bière comme l'orge ou le houblon, sont largement exportés, et seul l'élevage n'a pas encore trouvé une rentabilité optimale. Des problèmes, il y en a quand même, si l'on croit Mirek Jilek, directeur d'une coopérative agricole de plus de 600 ha proche de Litomysl, en Boheme de l'est :

« En ce qui concerne les agriculteurs tchèques, et ma coopérative en particulier, je dirais que le problème principal auquel nous sommes confrontés est le manque de liquidités. Ce qui nous oblige à emprunter. En effet, pour que notre production soit de bonne qualité et qu'elle corresponde aux normes européennes, il a fallu investir dans nos infrastructures, et la seule manière de le faire était de faire un emprunt. Et un emprunt, ca se rembourse. Ce qui ne nous donne pas la possibilité, pour l'instant, d'investir dans autre chose. »

« Un autre problème, et tout le monde ici vous le confirmera, c'est le niveau des prix à la vente, qui est très bas. Deux années de suite, le prix de nos produits est descendu bien en dessous de nos coûts de production, ce qui limite évidemment nos moyens financiers. Et si le niveau des prix est si bas, c'est que les chaînes de supermarchés exercent une pression immense sur les coopératives de commercialisation à qui nous vendons nos produits. »

C'est pour redynamiser, justement, cette agriculture au fort potentiel productif, que l'Union européenne, depuis dix ans déjà, mène une politique d'aide agricole active en République tchèque et dans les autres pays devenus membres le 1er mai dernier. Par des subventions, et, de plus en plus, par des programmes de développement rural, l'UE veut restructurer et moderniser le secteur agricole tchèque en soutenant les exploitations. Ce que Mirek Jilek a bien compris.

« Nous voulons profiter des fonds européens pour réorganiser les aménagements effectués par nos propres moyens en 1997 dans les étables à vaches à lait. En effet, nous nous sommes rendus compte que ces installations sont aujourd'hui vétustes et qu'elles nous posent des problèmes d'écologie. C'est pourquoi nous voulons faire appel aux fonds du Programme opérationnel qui prévoit des aides pour la modernisation des installations et leur mise aux normes environnementales en vigueur. Il s'agit d'un investissement de 7 millions de couronnes pour lequel nous devrions recevoir 50% de fonds européens. Et c'est seulement si nous touchons cet argent que nous pourrons mener à bien ce projet. »

Un investissement important, mais qui aura pour effet de réduire les coûts de production dans les années à venir. Par une modernisation des structures et des technologies utilisées, la charge de travail à fournir va être réduite et le nombre d'employés aussi. Autant d'éléments qui vont raviver la productivité. A ces aides à la modernisation s'ajoutent ce qui s'appelait autrefois, avant la réforme de la Politique Agricole Commune, des aides directes, et qui étaient directement liées à la quantité produite. Elles ont pris la forme, aujourd'hui, de subventions à l'hectare, pour les terres cultivées par exemple, et chaque exploitant agricole y a droit. Christian Bourgin:

« Outre les aides, il existe aussi le soutien aux prix, ou soutien à l'exportation. Même si le marché mondial s'effondre et les prix sont plus bas, les agriculteurs ont leurs prix garantis. La stabilité des prix en est une conséquence. Mais il n'y a pas que ca, parce qu'on ne produit pas que pour exporter. Il y a le marché interne qui a aussi son rôle à jouer. Là aussi il y a une stabilité des prix, et on le voit par expérience : un équilibre s'est établi et les prix ne varient pas de manière dramatique d'une année à l'autre. C'est quelque chose qui a existé dans l'Union à 15 et il n'y a pas de raison que ca disparaisse. »

Si le soutien au prix continue donc d'exister, il est important de noter que ces ajustements, avec la réforme de la PAC, vont sensiblement diminuer pour laisser une plus grande place aux divers programmes de développement, moins orientés vers la production en tant que telle que sur les conditions d'exploitations.

L'importance des subventions et des aides venant de Bruxelles est essentielle pour les petites et moyennes exploitations, qui sans cela, ne pourraient faire face aux besoins et aux contraintes du secteur, contrairement aux grosses exploitations.

« Pour les agriculteurs en République tchèque, le plus grand avantage dans l'Union Européenne est le marché auquel nous pouvons maintenant accéder. Le marché s'ouvre, on peut exporter comme on veut. Ce qui n'était pas du tout le cas avant : quand on voulait exporter vers l'Allemagne, il y avait tout un tas de barrières, de frais, de douanes. Aujourd'hui, ce n'est plus un problème. Voilà ce à quoi on s'attend. Et bien entendu, on s'attend aussi à ce que notre marché national s'ouvre aux autres agriculteurs européens. C'est clair. Il est important que nous fabriquions des produits de qualité et à des prix compétitifs, pour pouvoir pénétrer le marché européen, et pour pouvoir faire face aux produits des autres pays qui arriveront ici.»

« L'autre point est le niveau des prix : nous nous attendons à une stabilité des prix, c'est-à-dire qu'on ne se retrouvera plus dans des situations ou le prix de l'orge par exemple passe du simple au double d'une année à l'autre. D'après ce que j'ai pu observé en dix ans, il y a effectivement des prix plus stables au sein du marché européen. Et puis le fait que des produits d'autres pays seront vendus ici aura aussi pour effet que les coopératives de commercialisation n'exerceront plus autant de pression sur nos prix, puisque nos prix devront être proches de ceux des autres pays. L'Europe va mettre un peu d'ordre dans tout ca. »

Auteur: Agnès Vaddé
lancer la lecture