Nicolas Marty, tourisme d’affaire : « Prague est un joyau qu’on offre »

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Nicolas Marty est le directeur de Dizak ketex, une entreprise spécialisée dans le tourisme d’affaire, en Europe centrale.

« Dizak Ketex est une société qui a été créée il y a trois ans. Nous sommes spécialisés pour l’organisation de séjours de groupes ; 75% de notre activité est dédiée aux groupes d’entreprises. On organise des congrès, des visites, des ‘incentives’, des voyages de stimulation, et 25% de notre activité concernent les groupes loisir. Le siège de la société est à Prague mais on a également des bureaux à Budapest, en Hongrie, à Bucarest en Roumanie et à Bratislava, en Slovaquie. Notre clientèle est francophone, pour 90%, de France et de Belgique, et on a développé depuis un an un autre marché qui est le marché espagnol, et qui se développe pas mal malgré la conjoncture difficile actuellement. »

On est en début de saison touristique, ou en début d’été. Comment s’annonce la saison cette année ?

« Pour nous, nous ne sommes pas du tout en début de saison mais plutôt en milieu de saison. Pour le tourisme d’affaire, la haute période maintenant sont les mois de janvier et de février. C’est le moment où les prix sont les moins chers en hôtellerie et c’est le moment où on a le plus de chances de trouver de la disponibilité hôtelière. Donc pour tout ce qui concerne les groupes affaires, on arrive en juillet et en août en saison basse puisque les sociétés et les collaborateurs sont en vacances dont ce n’est pas une période qui est recommandée pour organiser des évènements d’entreprise. »

Depuis novembre dernier, nous sommes rentrés dans une période de crise financière et économique importante. Quelles sont les répercussions sur votre entreprise ?

« Le secteur du tourisme, en tous cas depuis que je le connais, est en crise. Dans les années 90, c’était déjà le chômage et déjà la crise. On a eu ensuite en 1993 la crise des taux de change. Pour ce qui concerne le tourisme, on a eu également 2001 – tout le monde s’en souvient – et le 11 septembre, ce qui a plongé le secteur dans une crise. Récemment, on a eu internet, qui a beaucoup chamboulé les habitudes. Et maintenant, on a une crise économique. On est donc un secteur où on garde toujours la crise en tête.

Il faut aussi savoir que l’on est sur une activité qui est assez cyclique. En ce qui concerne Prague par exemple, il y va y avoir des effets de mode. Tout d’un coup on va parler de Prague en France, ou en Belgique, ou sur d’autres marchés, et les gens vont venir à Prague. Ils vont beaucoup venir – on a à peu près entre 7 et 8 millions de touristes par an – et puis l’année d’après, la mode sera passée. On sent évidemment l’effet de la crise parce qu’on a une activité qui est liée à celle des sociétés mais il a beaucoup de paramètres. Il y a la concurrence d’autres destinations qui sont déjà établies et qui reviennent à la mode. Je pense à Lisbonne et à Barcelone. Mais on a aussi des destinations émergentes. On a récemment perdu un dossier contre la Slovénie. Prague est en concurrence avec le Monténégro. Ce sont des destinations qui n’existaient pas il y a trois ans. Certes, on a une crise économique, mais c’est aussi que le client a le choix entre une multitude de destinations ; il n’avait pas ce choix auparavant. »

C’est la raison pour laquelle vous avez diversifié votre activité avec Bratislava, Bucarest et Budapest ?

Photo: CzechTourism
« L’objet de la diversification est qu’on est une société assez connue sur le marché français. On est considéré comme une société sérieuse. On peut faire des groupes de 10 personnes jusqu’à 1500 personnes. On a un savoir faire qui est très fort et on s’en rendu compte il y a quelques années qu’on perdait beaucoup de business par rapport à Budapest. Il y a une époque qui est révolue maintenant grâce à la crise, où les prix étaient moins chers de quasiment 50% à Budapest, ce qui veut dire que sur un hôtel 5 étoiles au mois de mai, on payait 260 euros à Prague tandis qu’à Budapest, on était à 150/160 euros. On perdait beaucoup de business face à Budapest, et on a donc décidé d’ouvrir notre bureau en Hongrie, qui fonctionne très bien d’ailleurs. Cela nous permet, quand on est en concurrence avec Budapest, de gagner sur tous les tableaux si c’est Budapest qui doit être choisi, et cela nous permet aussi de diversifier notre offre. Actuellement, on ressent évidemment cette crise ; cela nous permet aussi de jouer sur la trésorerie si on en a besoin. Si on a un groupe de 200 personnes à Budapest sur un mois où on a moins d’activité à Prague, on peut très bien transférer de la trésorerie d’un bureau à l’autre. Ca nous donne donc une grande flexibilité et c’est évidemment un avantage pour nos clients. On donne plus confiance qu’une société qui n’aurait qu’un bureau à Prague et qui serait soumis de plein fouet à toutes les turbulences de la conjoncture. »

Qu’est-ce que vous mettez en avant, qu’est-ce qu’il faut pour attirer une entreprise et qu’elle vienne organiser un séjour d’affaire à Prague, à Budapest ou à Bucarest ?

Budapest
« On met évidemment des points en avance mais on s’appuie également sur la communication de la République tchèque, de la ville de Prague. On s’appuie aussi sur le média et le hors média. Ce sont des éléments que l’on ne maîtrise pas. Pour faire venir une société à Prague, il faut avoir de bonnes infrastructures, et des bons tarifs. C’est ce qui importe actuellement. En termes d’infrastructures, clairement la ville de Prague se positionne sur un créneau haut de gamme. On est vraiment une destination haut de gamme ; c’est-à-dire que quand on regarde autour de nous, Vienne est aussi haut de gamme mais Berlin est plutôt une destination jeune, dynamique, mais ce n’est pas une destination d’Histoire au sens de la vieille pierre parce que la ville a quand même été en grande partie rasée donc on est plutôt sur une ville ‘design’. Si on regarde Budapest, en termes d’offre qualité/prix, on est vraiment pas au même niveau que Prague. Je mets de côté Bucarest et Sofia car ce sont des villes qui n’ont rien à voir avec les critères que l’on peut avoir en Europe centrale ou en Europe de l’Ouest.

Prague parmi toutes ces villes se positionne comme une ville d’Histoire haut de gamme. On a tous les éléments qui vont avec. On a des prix qui sont élevés, mais on a des prestations de qualité. Donc ce dont on a besoin, c’est d’avoir une homogénéité entre l’image que perçoivent les gens, et ce que l’on va pouvoir donner en terme de prestations et en termes de qualité d’infrastructures. Je pense que la ville est assez cohérente à ce niveau là. C’est cohérent mais cela fait un petit peu peur au client quand il voit le niveau des tarifs. Malgré tout, la ville garde une image sur les marchés francophones d’une ville un peu bon marché, d’une ville de l’Est, et les gens sont surpris quand on leur donne les tarifs d’un restaurant comme Zátiší ou d’une soirée de gala dans un château. Ils nous disent qu’on est aux mêmes tarifs qu’en France ; c’est un peu exagéré, cela fait partie du jeu de la négociation, mais les gens sont quand même étonnés de ces tarifs. J’ai coutume de dire que Prague est un joyau qu’on offre, parce que tout est parfait dans cette ville. La ville est belle, les hôtels sont de bonne qualité, on y mange bien. Comme un cadeau que l’on fait à une femme, cela a aussi un coup, et c’est le coup des services que l’on vend. »

Comment se présente votre saison l’année prochaine ?

Photo: Štěpánka Budková,  Radio Prague Int.
« On a assez peu de visibilité pour l’instant sur 2010. Dans notre activité, on a toujours à peu près 6 mois de visibilité sur notre carnet de commande et sur le chiffre d’affaire. En temps de crise, on a eu une période au mois de novembre-décembre où cette visibilité a un peu diminuée. Sommes toutes, on va avoir un excellent mois de septembre ; on va faire voyager un peu plus de 1000 clients à Prague, qui vont rester trois ou quatre jours sur la ville. Cela représente plus de 4000 nuitées, ce qui est un très bon chiffre. Octobre est très bon, aussi bien à Prague, qu’à Bucarest ou Budapest. On va voir en novembre/décembre comment les choses vont évoluer, mais on a des demandes, des groupes qui sont en train de se positionner, on a des gens qui sont intéressés par cette période. Donc la fin d’année n’est pas trop mauvaise. 2010, ça reste encore à voir. »