"Organiser un marché, c'est beaucoup de préparation": le festival méditerranéen de Prague

Photo: stredomorsky-aperitiv.cz

En 2007 était organisé à Prague le premier marché des spécialités françaises. Sur la place Ovocný trh, les Tchèques et touristes de passage avaient alors pu découvrir divers produits de la gastronomie française disponibles en République tchèque. Depuis, ce marché français s’est transformé en un festival méditerranéen, avec musique, espaces de repos et de dégustation, et produits issus de divers pays des rives de la Méditerranée. Comment s’est transformé ce marché et comment est-il organisé ? C’est le thème de cette rubrique économique avec Thomas Bouton, organisateur du festival méditerranéen.

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Nous sommes jeudi, il est midi. Les stands du festival mediterranéen ont été installés pendant la matinée sur la place de la République, à Prague. Ils y camperont pendant quatre jours. Thomas Bouton, organisateur de l’événement, nous explique en quoi consiste ce festival :

« Une à deux fois par an, on organise un grand marché à Prague. On essaie de réunir tous les producteurs d’autour de la Méditerranée. Il s’agit principalement de l’Espagne, l’Italie, la France et la Grèce, pour organiser un événement un peu vivant, plein de couleurs, où on peut se faire plaisir en mangeant à droite à gauche des petites spécialités à des prix abordables, en ayant en même temps un peu de musique sympathique toute la journée, en pouvant se détendre dans une chaise longue ou sous les parasols pour passer un bon moment. C’est une manière pour moi de présenter les spécialités de ces pays dans un cadre un peu plus convivial que dans une boutique. C’est vraiment essayer de les rendre abordables et un peu plus populaires.

Depuis combien de temps ce marché méditerranéen existe-t-il à Prague ?

« Le marché méditerranéen est né en 2011 mais il a une histoire plus ancienne parce qu’il a débuté en 2007 sous le titre des marchés des spécialités françaises. On travaillait à l’époque avec la Sopexa en France, qui est une antenne du ministère de l’Agriculture et de la Pêche chargée de faire la promotion des produits agro-alimentaires français hors de France. Et puis, pour différentes raisons, après trois quatre années, le partenariat avec la Sopexa s’est arrêté. Mais ce marché fonctionnait bien, on avait une super atmosphère, les exposants étaient contents, car ils faisaient un chiffre d’affaires plus que sympathique. On a donc décidé de continuer l’opération mais de lui donner un peu d’air frais ou en tout cas un nouveau concept pour attirer de nouveaux produits et régénérer l’événement. »

Cet événement est organisé par votre société, Kazak. Un ou deux événements annuels de ce type sont-ils suffisants pour faire vivre une société ?

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« Malheureusement non. Cela peut paraître simple. On peut se dire à chaque fois que l’on voit un marché qu’il suffit de poser quelques parasols et quelques stands en bois. Mais, en réalité, c’est beaucoup de travail de préparation, parce qu’il y énormément de logistique et d’autorisations à obtenir. Il faut aussi fédérer les exposants entre eux et faire en sorte que chacun propose des produits qui seront certes compétitifs mais qui offrent tout de même une diversité. Tout cela représente une masse de travail, mais on arrive à proposer des stands à des prix qui sont aujourd’hui un peu plus élevés comparé aux prix des marchés fermiers. Il est vrai que l’on a plus de subventions, mais le modèle économique fait que cela reste pour nous très peu profitable. Malheureusement, ce n’est pas grâce à ce marché que Kazak continue d’exister. »

C’est donc grâce à quoi ?

« Parce que l’on fait aussi d’autres choses. On organise divers événements tout au long de l’année. Récemment, nous avons organisé un événement qui s’appelle Arcosforum, qui est un forum sponsorisé par deux sociétés immobilières, mais dont le but est de rendre le débat autour de la construction durable beaucoup plus présent et plus accessible qu’aujourd’hui. Il y a des conférences, des workshops, avec des intervenants qui viennent d’un peu partout dans le monde et qui viennent parler de la manière dont ils ont construit « durable », c’est-à-dire avec tout ce qui est recyclage. Et je pense qu’il s’agit d’un débat très intéressant. »

C’est effectivement un sujet très intéressant et sans doute nous reverrons-nous pour l’aborder plus en détails. Mais pour revenir à ce marché, vous m’avez dit que vous aviez également une autre société, où vous vendez des produits français...

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« Etant jeune, j’adorais flâner dans les marchés aux puces et j’avoue que, à Prague, cette idée de se perdre dans un petit espace où il y a plein de choses à voir me manquait. En 2007, quand j’ai fait le premier marché français ici, on avait énormément de produits, mais on n’avait pas un produit que personnellement j’adore, qui est le saucisson. J’ai décidé de contacter un ami qui est producteur de saucissons en France et de lui prendre une palette de saucissons pour tenter le coup, pour voir si ça marche, parce que pour moi, si j’organise un marché français, il doit y avoir du saucisson. Le résultat a été que ça a très bien fonctionné, parce que les gens ici ont la culture du porc. C’est une viande qui est beaucoup mangée ici, mais il n’y a pas cette culture des salaisons, c’est-à-dire des viandes séchées ou fumées.

Ca a été une belle surprise, beaucoup de gens ont aimé nos produits, et quelques vinothèques et quelques épiceries se sont montrées intéressées par ce produit. J’ai donc décidé de prendre le risque de monter une deuxième société autour de ça. Cette société est aussi présente sur le marché et elle a un relatif succès... ça marche pas mal. »

Comment cela se passe-t-il avec les autres exposants ? Vous les contactez ou ce sont eux qui viennent vers vous ?

« Le gros du travail, c’est de préparer notre concept et d’aller le présenter aux boutiques. Mais quand même, de fil en aiguille, il y a des gens qui nous appellent pour nous demander si nous avons encore des stands libres. Cette année, je pense que le bouche à oreille a bien fonctionné. Je pense aussi qu’il y a de plus en plus de magasins qui essaient de présenter des produits d’épicerie fine, d’Espagne, de France ou d’ailleurs. Ces magasins se multipliant, ils ont aussi besoin de se montrer, et ils ont aussi besoin de vendre. Le marché est un endroit où, en général, les exposants réalisent un chiffre d’affaires assez intéressant. Donc, une grosse partie du travail est la préparation du concept et sa présentation aux partenaires. Mais, effectivement, il y a aussi des gens qui viennent nous voir pour savoir s’il y a encore des stands disponibles. »

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Comment cela se passe-t-il du côté des stands ? Jaroslav Vokurka tient deux boutiques d’épicerie fine à Brno. Il nous présente ce qu’il propose sur son stand et les raisons de sa présence sur ce marché praguois :

« Nous offrons principalement des produits français : des terrines, des foie gras, des fromages, des moutardes, des chutney, etc. Nous sommes ici parce que ce marché existe depuis plusieurs années et il a un certain succès. Nous sommes heureux que les gens apprécient ce que nous leur proposons. Nous étions aussi à Brno, le mois dernier, où se tenait la deuxième édition de ce festival. Notre société vient de Brno, où nous avons deux magasins. Je crois que la mairie de Brno ne désire pas vraiment voir cet événement ; c’est la raison pour laquelle nous n’en étions seulement qu’à la deuxième édition alors que ici, à Prague, cela existe depuis plusieurs années. Mais je pense que cela a de plus en plus de succès, les gens attendent ce marché et, logiquement, pour nos magasins, nos produits deviennent plus visibles. De plus en plus de gens voyagent à l’étranger, goûtent ces produits et ils désirent les trouver ici dans notre pays. »

C’est en effet grâce aux voyages à l’étranger que de nombreuses personnes découvrent ces traditions gastronomiques méditerranéennes. Jitka est de passage sur le marché et même si elle adore ces produits, elle reste exigente :

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« Je suis ici aujourd’hui par hasard mais j’étais déjà venue l’année dernière. Il manque cependant des boissons. Le vin, c’est bon, mais il fait chaud et je préfèrerais pouvoir acheter des jus de fruits ou des limonades. L’année dernière, on pouvait acheter des baguettes déja préparées… Il serait bien aussi de pouvoir voir comment ces produits se préparent. Mais j’ai acheté un saucisson et du pâté. J’ai rendez-vous, donc je dois partir, mais je reviendrai peut-être. »

Vous pouvez consulter le programme de ce festival mediterranéen sur le www.stredomorsky-aperitiv.cz. Vous y trouverez la liste des exposants, mais aussi celle des groupes de musique qui animent ce marché tout au long de ces quatre journées.