« Personne ne connaît Décathlon en République tchèque »

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Le 28 octobre dernier, jour de fête nationale (!), l’enseigne sportive française Décathlon a ouvert, à Liberec, son premier magasin en République tchèque, poursuivant ainsi son expansion entamée il y a quelques années de cela en Europe centrale et orientale. Et si le géant européen des articles de sport projette de se développer également dans les principales grandes villes tchèques, le directeur général de Décathlon en République tchèque, Grégory Lourdel, est cependant conscient qu’il n’arrive pas en terrain conquis :

« D’abord, personne ne connaît Décathlon en République tchèque, mis à part les Français, les Espagnols, les Italiens, et effectivement quelques Tchèques qui voyagent. Mais, logiquement, lorsqu’ils voyagent, ils ne vont pas forcément faire de courses. La réalité est donc que personne ou presque ici ne connaît Décathlon. J’ai même le sentiment que notre marque de produits montagne Quechua est plus connue que le nom de notre enseigne, tellement les Tchèques sont amoureux de la montagne. En termes de communication, les choses sont donc extrêmement simples pour nous. Tout notre investissement est local. Avec pour l’instant un seul magasin à Liberec, faire une grande campagne nationale n’aurait pas beaucoup de sens. Ce qui compte est de bien faire notre métier à Liberec, de vendre des produits techniques, de vendre pas cher, d’être sympa et souriant avec les clients. Si on fait ça, ça devrait marcher. Et après on fera ça dans les autres villes où on ouvrira des magasins. »

-Vous avez déclaré dans la presse que Décathlon envisageait d’ouvrir une trentaine de magasins en République tchèque dans les dix prochaines années. Qu’en est-il vraiment ?

« J’ai effectivement avancé ce chiffre de trente. Mais ce n’est pas une cible précise. C’est plus un rêve, une vision. Si dans dix ans, nous n’avons pas trente magasins mais vingt qui fonctionnent très bien, j’aurais bien fait mon boulot. Inversement, si nous avons trente magasins mais que les gens ne sont pas contents, j’aurais mal fait mon boulot. Ce chiffre de trente, c’est donc plus pour donner une idée de ce que je veux faire. L’important dans un premier temps sera de maîtriser très vite des grandes villes comme Prague, Brno, Ostrava, et puis d’autres capitales régionales comme Plzeň, Hradec Králové, České Budějovice, Olomouc, etc., et d’être présent sur l’ensemble du territoire. »

-Où en êtes-vous à Prague ?

« Ca fait déjà quelque temps que l’on ‘maîtrise’ des terrains avec des propriétaires. Après, il y a un travail de développement. Ce n’est pas simplement une boutique que l’on ouvre dans une galerie marchande. Il s’agit de magasins de 3 à 5 000 m2 avec un playground, une zone d’exposition, un parking, etc. C’est donc un vrai développement immobilier. Mais dans l’immobilier, deux ou trois ans ne représentent rien. Pour les clients, c’est différent, et je le comprends. A chaque fois que je conduis mes enfants à l’école française, j’ai les parents qui me demandent quand on va ouvrir, qui me disent qu’ils sont pressés. Alors ‘je suis à fond’. Nous faisons le maximum pour ouvrir à Prague et je pense qu’on s’achemine vers une ouverture pour 2012. »

-Vous êtes en République tchèque depuis trois ans. Comment pourriez-vous caractériser son marché pour la distribution d’articles de sport ?

« C’est un marché qui est mûr et qui ne ressemble pas du tout aux marchés des autres pays d’Europe de l’Est, qu’il s’agisse de la Hongrie, de la Roumanie ou de la Pologne. Il y a beaucoup de concurrents, mais parce qu’il y a un développement économique important. Or, on sait que plus ce développement économique est important, plus le budget consacré au sport et aux loisirs est important. Et puis le deuxième élément est que les Tchèques adorent le sport. Du coup, nous arrivons sur un marché qui est déjà structuré. Mais sincèrement, si nous ne nous appelions pas Décathlon, si nous n’avions pas notre concept et nos produits qui marquent la différence, je pense que je ne serais pas venu en République tchèque. »

-La crise économique a-t-elle remis en cause vos plans de développement en République tchèque ? Certains de vos concurrents ont eu quelques difficultés…

« Ce qui nous sauve et fait que l’impact de la crise n’a pas été encore trop important pour Décathlon en règle générale dans le monde est que nous vendons pas cher. En période de crise, les gens préfèrent Décathlon à d’autres enseignes qui vendent, elles, peut-être à des prix plus élevés. C’est vrai dans la partie du monde qui est touchée par la crise, parce qu’il y a des pays comme le Brésil ou la Chine où le mot ‘crise’ n’a pas du tout la même résonance qu’en Europe. Le groupe Décathlon a donc conservé une capacité de financement suffisante pour ne pas mettre en péril le projet tchèque. J’ai la chance d’être dans une boîte qui, globalement, dans le monde entier, tourne bien. On dispose donc des moyens pour financer la République tchèque. »

-Y a-t-il des pays en Europe de l’Est où le concept Décathlon a échoué ? Ou alors est-ce une réussite partout ?

« Honnêtement, en Europe de l’Est, c’est un succès partout. Mais il y a d’autres pays dans le monde qui sont plus compliqués pour différentes raisons. Il y a d’abord des pays qui se trouvent dans d’autres zones douanières et où il est plus difficile d’acheminer nos propres marques. Et puis il y a d’autres pays avec des habitudes de consommation moins orientées vers le commerce de périphérie et plus vers le commerce de centre-ville. Je pense à l’Allemagne par exemple, où il faut que notre concept fasse son chemin. Là-bas, ça avance et progresse plus doucement que dans des pays comme la Pologne ou la Hongrie, où le succès est absolument incroyable ! »