A Paris, Malavida remet les classiques du cinéma tchèque au goût du jour

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On l’a vu à l’occasion de la sortie en France, le 8 février, des « Nouvelles aventures de Ferda la Fourmi », le cinéma tchèque suscite aujourd’hui encore la curiosité des amateurs de cinéma. Ces derniers se réjouissent sûrement de l’existence de la société Malavida films, une société basée à Paris qui s’est donné pour mission de faire revivre le meilleur du cinéma, notamment européen, en France. Avec une attention toute particulière pour le cinéma tchèque, Malavida propose des DVD de grands classiques et autres films cultes.

Dans le cadre d’une collaboration avec le Centre tchèque et les Archives nationales du film (Národní filmový archiv), Malavida propose une collection d’une cinquantaine de films tchèques ; une collection qui, en dehors de la Tchéquie, est unique au monde. La mission consiste à sortir, à intervalles plus ou moins réguliers, des grands classiques du cinéma tchèque, et notamment des films d’animation dans lesquels Malavida s’est spécialisé ces dernières années. Son directeur du pôle DVD, Lionel Ithurralde explique ce choix :

« Nous nous sommes intéressés au cinéma tchèque par goût personnel, mais également car nous avions des questionnements. Nous nous demandions pourquoi il était presque impossible –en dehors de quelques séances spéciales- de voir des films tchèques des années 1960 en France, alors que les livres français de l’époque les mentionnaient beaucoup. Nous avons donc approché ce cinéma de plus près, demandé l’autorisation de voir ces films, et nous étions complètement ébahis devant la qualité du cinéma tchèque des années 1960 qu’on appelait ‘le cinéma du miracle des années 60’. Nous en sommes tombés tellement amoureux que nous nous sommes donné comme mission de rendre de nouveau accessible ces œuvres au public français. Nous avons commencé il y a trois ans avec ‘Les petites marguerites’ de Věra Chytilová, et les ‘Des trains étroitement surveillés’ de Jiří Menzel il y a deux ans. Nous avons continué il y a un peu plus d’un an avec ‘Qui veut tuer Jessie’ de Václav Vorlíček, et en novembre dernier nous avons sorti ‘Eclairage intime’ de Ivan Passer. »

'Qui veut tuer Jessie'
Le succès du cinéma tchèque s’étend sur plusieurs décennies, en particulier à partir de l’entre deux-guerres, où le cinéma s’est en grande partie développé, avec les studios Barrandov. Après la Seconde Guerre mondiale, sous le régime communiste, le cinéma tchèque est nationalisé, ce qui ne l’empêche pas de générer de grands succès, comme les films d’animation de Karel Zeman. Dans les années 1960, on parle d’une « nouvelle vague » à l’initiative par exemple de Miloš Forman. C’est à cette dernière période que Lionel Ithurralde et sa collègue Anne-Laure Brénéol ont d’abord décidé de s’intéresser :

« Nous avons travaillé sur le cinéma des années 1960 car nous considérons qu’il a combiné, presque dans tous les pays, une grande qualité formelle et esthétique, des atouts scénaristiques ainsi qu’une volonté d’expression sur des sujets souvent politiques, sociaux, ou sentimentaux. Cette combinaison unique aux années 1960, notamment à travers les « nouvelles vagues », est à son paroxysme dans le cinéma tchèque de 1962 à 1969, qui est une période de référence pour nous. A l’époque, le cinéma tchèque était considéré comme un des plus importants au monde, même s’il a été freiné en 1969 par le Printemps de Prague et l’entrée des chars soviétiques en Tchécoslovaquie. Mais pour nous, il reste le plus intéressant de cette période. Il y a tout un débat sur les raisons de cette qualité mais son émergence a sûrement été possible grâce à une période historique et politique particulière. »

Reste la question de l’audience face à ce cinéma classique. En d’autres termes, comment captiver les amateurs ou les plus initiés dans les salles de cinéma ?

« Pour ce projet, nous travaillons sur le long-terme depuis presque dix ans, donc nous ne sommes pas obligés de compter un nombre d’entrées colossal. C’est vrai que pour le premier volume de ‘Ferda la fourmi’, nous avons atteint à peu près 25 000 spectateurs, mais pour les sorties plus classiques, on a beaucoup de mal à atteindre les 5000 spectateurs par film. Mais ils ont au moins le mérite de mettre de nouveau le cinéma tchèque sur le devant de la scène, et ils recueillent généralement de bonnes critiques dans la presse écrite. Cela permet de remettre les projecteurs sur ce cinéma, et de le faire redécouvrir à la fois au monde critique, et au public français. »

Le cinéma tchèque, qui était un des plus importants dans les années 1960, a continué de se développer. Récemment par exemple, le film « Happy End » du jeune réalisateur Jan Saska a été nominé parmi les dix courts métrages d’animation lors des derniers Oscars. Pourtant, Malavida peut difficilement appréhender le nouveau Septième art, ce que regrette quelque peu Lionel Ithurralde :

« Hélas, nous ne travaillons presque pas sur le cinéma contemporain à la fois par goût personnel, et aussi par réalisme économique car il est beaucoup plus difficile de rassembler des fonds pour des films contemporains. Nous manquons également d’informations pour appréhender la création contemporaine et savoir quels sont les films les plus intéressants. Et comme assez peu d’auteurs tchèques contemporains émergents internationalement ou dans les festivals, nous ne préférons pas travailler sur leurs films que nous connaissons moins bien. »

L’équipe de Malavida maintient donc son parti-pris en favorisant un travail sur le long-terme plutôt que de suivre un intérêt purement économique. Néanmoins, cela ne l’empêche pas d’avoir des projets pour les années à venir :

Hermína Týrlová,  'La révolte des jouets'
« Nous avons en réserve deux autres programmes d’Hermína Týrlová plus ou moins constitués, que nous allons travailler dans les prochaines années. Ce sont des films peut-être moins connus mais de qualité exceptionnelle. Nous allons peut-être travailler sur les films assez exceptionnels de Břestislav Pojar. Concernant les films de Jiří Trnka, nous faisons face à des problèmes de droit qui en empêchent l’exploitation, donc nous ne pourrons pas travailler tout de suite sur cet auteur remarquable. »

Au vu de ces ambitieux projets, on peut penser que le cinéma tchèque continuera de plaire et d'attirer la curiosité du public français. Sur internet également, les amoureux du Septième art, désireux d'en découvrir davantage, peuvent feuilleter le catalogue de Malavida directement sur leur site et visionner quelques extraits de films tchèques.