A Strasbourg, la militante russe Ludmilla Alexeeva distinguée par le prix Václav Havel

Ludmilla Alexeeva, photo: ČTK

La troisième édition du Prix des Droits de l’Homme Václav Havel, qui récompense des actions exceptionnelles de la société civile pour la défense des droits de l’homme, a été décernée à Ludmilla Alexeeva, 88 ans, militante russe des droits de l'Homme. Le prix d’une valeur de 60 000 €€, qui porte le nom de l’ancien dissident et ancien président tchèque, lui a été remis au cours d’une cérémonie qui s’est tenue lundi au Palais de l’Europe à Strasbourg, à l’occasion de l’ouverture de la session plénière d’automne de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Radio Prague s’est entretenue avec la Présidente de l’APCE et Présidente du jury de sélection, Anne Brasseur, qui a décrit la personnalité de Ludmilla Alexeeva.

Ludmilla Alexeeva,  photo: ČTK
« Ludmilla Alexeeva est une femme extraordinaire : elle est défenseure des droits de l’Homme déjà en Union soviétique. Elle avait dû quitter l’Union soviétique pour revenir après, en 1989. Elle continue son combat. Elle est une figure de proue de la défense des droits de l’Homme en Russie, et au-delà, pour dire aux gens qu’il faut se battre chaque jour pour eux. Je suis très contente qu’on ait pu lui décerner lundi ce prix Václav Havel des droits de l’Homme, du Conseil de l’Europe. On a eu un moment d’émotion très intense, à l’Assemblée, quand elle a pris la parole. Le message qu’elle nous a transmis est extraordinaire, et c’est une femme extraordinaire qui doit nous servir de modèle. »

Rappelez-nous quand et pourquoi a été créé le prix Václav Havel…

« C’est né d’une coopération entre la Fondation 77 et la Bibliothèque Václav Havel avec le Conseil de l’Europe. Nous avons toujours eu un prix des droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, mais pour vraiment témoigner de l’héritage de Václav Havel qui était un homme extraordinaire, nous avons cherché il y a trois ans cette coopération. L’année dernière, c’était Anar Mammadli, qui se trouve toujours en prison en Azerbaïdjan, qui a été récompensé. Avant cela, le prix a été décerné à Ales Bialiatski, un défenseur des droits de l’Homme en Biélorussie. L’idée est donc de décerne ce prix mais aussi de maintenir le souvenir de Václav Havel. Ma génération sait de qui il s’agit, mais la prochaine génération ne le sait plus. »

Il y avait deux autres candidats présélectionnés pour ce prix. Ils ont aussi reçu une distinction pendant la cérémonie. Qui sont-ils ?

Photo: Site officiel de Women for Afghan Women
« Il s’agissait d’une ONG pour les femmes en Afghanistan. C’est une ONG qui travaille dans treize régions dans le pays, pour aider les femmes qui sont poursuivies, torturées, violées, pour les soutenir. L’ONG travaille dans des conditions extrêmement difficiles et je suis très contente qu’elle ait figuré parmi les trois. L’autre organisation est un une organisation de jeunes des Balkans, qui ont commencé à construire un réseau pour mettre fin aux clivages entre ethnies et religions. C’est quelque chose de très important que des jeunes s’engagent pour mettre un terme au passé et construire ensemble l’avenir de tous ces pays des Balkans. »

Qu’est-ce que ce prix Václav Havel apporte aux lauréats dans leur mission de défense des droits de l’Homme et dans leur travail quotidien ?

Ales Bialiatski
« Je crois que ce prix apporte énormément aux lauréats. Premièrement, quand je vois M. Bialiatski, le premier récipiendaire, qui était en prison à ce moment-là… il a été libéré. Tout de suite, après sa libération, il est venu à Strasbourg pour nous remercier. Il nous a dit : ‘Ceci a accéléré ma libération, c’était également pour moi un encouragement énorme pour le travail que je fais, pour ce que j’ai fait avant, mais également un stimulant pour continuer.’ Je peux vous dire que cet homme avait maigri, était marqué par ses trois ans de détention. Je l’ai ensuite revu, l’année dernière, il est venu pour la cérémonie, et c’était un autre homme. Je crois que par ce prix nous aidons vraiment à encourager les gens et nous les remercions pour le travail qu’ils font. Nous montrons également à d’autres que les droits de l’Homme, c’est quelque chose pour lequel il faut se battre, surtout dans des pays où l’on croit que c’est acquis. Quand je regarde la lauréate de cette année, c’est son travail qu’elle mène depuis des décennies qui a été récompensé, mais c’est également le message qu’elle nous transmet, un message que ma génération doit transmettre aux générations suivantes. Ludmilla Alexeeva était tellement émue, elle en a même pleuré. On voit donc l’importance de ce prix pour les lauréats, et je dois dire que j’étais fière et émue d’avoir eu la possibilité de lui remettre ce prix. »