Andrej Babiš à Paris dimanche pour la commémoration du 11 novembre 1918

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Le Premier ministre tchèque Andrej Babiš (ANO) se rend samedi en France, où il participera le lendemain aux cérémonies de commémoration de l’armistice du 11 novembre 1918. Il rendra ainsi un hommage aux millions de soldats décédés durant le premier conflit mondial, parmi lesquels figuraient des centaines de milliers de Tchèques, tombés majoritairement au sein de l’armée austro-hongroise, mais aussi, en nombre bien moindre, dans les légions tchécoslovaques.

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En France, la commémoration prévue à l’Arc de triomphe à Paris dimanche doit marquer le point d’orgue des cérémonies organisées depuis quatre ans en souvenir de la Grande Guerre. Il ne s’agit pas tant de célébrer la victoire des Alliés sur les pays de la Triple-Entente, que d’insister sur le désastre humain qu’a représenté ce conflit et sur l’importance de la paix. A ce titre, les dirigeants politiques de dizaines d’Etats sont attendus dans la capitale française, tels que Donald Trump, Vladimir Poutine ou Angela Merkel, dont les pays respectifs ont connu des sorts bien divers durant la Première Guerre mondiale.

Il y aura donc aussi Andrej Babiš. Et, pour la Tchéquie, ce conflit a également représenté un moment tout particulier. A partir de 1914, les Tchèques ont logiquement été engagés dans l’armée austro-hongroise, la Bohême étant depuis plusieurs siècles un royaume sous la coupe des Habsbourg. Certains, cependant, ont rejoint les rangs des pays alliés en formant les légions tchécoslovaques. De surcroît, il est difficile de mettre les Tchèques tant du côté des vainqueurs que des vaincus du conflit puisque, aux côtés des Slovaques, ils ont obtenu l’indépendance en 1918 avec la création de la Première République tchécoslovaque. Une situation complexe que décrivait récemment sur nos ondes l’historien Nicolas Offenstadt :

« Pour la Tchécoslovaquie, c’est évidemment un cas spécifique. Vous célébrez une armée contre laquelle vous vous êtes construits en quelque sorte, puisque tous les soldats tchèques et slovaques, à part évidemment les légionnaires qui formaient une toute petite minorité, ont combattu dans l’armée austro-hongroise, une entité, un Empire, contre lequel est né la Tchécoslovaquie. Cela a toujours été difficile mémoriellement pour l’Etat tchécoslovaque, de célébrer les combattants contre lesquels on s’est construit. Et, d’ailleurs, la mémoire tchécoslovaque a été construite tout autant sur les légionnaires, qui avaient été actifs dans les armées des alliés, soit du côté des Russes ou des Français, voire des Italiens.

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Et quand vous regardez un certain nombre de monuments tchèques et slovaques, ils mettent en avant ces légionnaires. C’est le cas pour le soldat inconnu, c’est le cas aussi pour un certain nombre de grands monuments de Prague, où on célèbre finalement une petite minorité des soldats, qui n’ont pas combattu avec l’immense majorité, qui était austro-hongroise. La mémoire tchécoslovaque est donc tout à fait contournée et compliquée. »

Une mémoire compliquée qui explique que les célébrations en grande pompe, autour du 28 octobre, de la naissance de la Tchécoslovaquie, Etat qui a pourtant disparu, ont quelque peu éclipsé en République tchèque les commémorations liées à la fin du conflit et à l’expérience des soldats qui y ont pris part.

Pourtant, si les territoires tchèques n’ont pas été le théâtre de la guerre, ses populations ont eu à souffrir ses conséquences, la faim et la misère. Les estimations sur le bilan humain sont diverses. D’après l’historien Ivan Šedivý, 1,4 million d’hommes auraient été mobilisés depuis les pays tchèques. Quelque 140 000 d’entre eux auraient perdu la vie dans les armées austro-hongroises. A ce chiffre, il faut ajouter environ 5 500 légionnaires tchécoslovaques tombés au combat. Ceux-ci se sont notamment engagés en France. L’historien Jean-Philippe Namont les a étudiés et, au micro de Radio Prague, il était revenu sur leurs origines :

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« Il y a deux grands groupes. Il y a d’abord les Tchécoslovaques qui vivaient déjà en France. Ce sont en fait des Tchèques qui étaient déjà présents en 1914 et qui s’engagent à l’été 1914 pour lutter contre l’Autriche-Hongrie. C’est une initiative locale, en fait parisienne, des associations. Ces gens vont rentrer dans la Légion étrangère et combattre à partir de la fin de l’année 1914. Le deuxième contingent, ce sont des brigades qui sont composées des engagés de 1914, qui ont survécu aux premiers combats, mais aussi de volontaires qui sont levés dans des camps de prisonniers en Serbie, en Italie, en Russie notamment. »

Andrej Babiš aura l’occasion dimanche de rendre hommage à ces soldats et à tous les autres qui ont combattu et qui ont parfois péri pendant la guerre. Il le fera en compagnie du président français Emmanuel Macron, qu’il a déjà rencontré plusieurs fois cette année. Fin juin dernier, le milliardaire tchèque était en effet à Paris et à Darney, dans les Vosges, en souvenir de la création d’une armée tchécoslovaque. Le président français s’est lui rendu à Prague fin octobre, lors des célébrations du centenaire de la Tchécoslovaquie. Voilà qui a permis visiblement à Emmanuel Macron de mieux connaître Andrej Babiš, puisque, en début de semaine, face un journaliste français sur Europe 1, il a refusé de qualifié le Premier ministre tchèque de « populiste », au même titre que certains de ses homologues en Europe centrale…