« Béatrice et Bénédict » de Berlioz, à l'Opéra d'Etat de Prague

Une occasion, ce jeudi, pour les amateurs de la musique d'Hector Berlioz, d'assister à la première, à l'Opéra d'Etat de Prague, de "Béatrice et Bénédict", opéra comique que le grand romantique a écrit vers la fin de sa vie, en 1862. L'Opéra d'Etat a invité pour cette production plusieurs artistes français: Vincent Monteil, direction musicale, Philippe Godefroid, mise en scène et scénographie, et Françoise Terrone, costumes. Vaclav Richter a posé quelques questions au metteur en scène, Philippe Godefroid.

L'opéra « Béatrice et Bénédict » est basé sur la comédie de Shakespeare "Beaucoup de bruit pour rien". On sait que Berlioz a remanié et simplifié en quelque sorte cette pièce. Que reste-t-il de la pièce de Shakespeare dans cette adaptation pour l'opéra?

"Il ne reste pas grand-chose dans la mesure où l'histoire des deux couples, de la machination de Don Juan a complètement disparu. Donc on ne comprend plus pourquoi Béatrice et Bénédict se courent l'une derrière l'autre, parce qu'en réalité, ce n'est pas la véritable histoire. Dans Shakespeare, c'est l'histoire de l'autre couple, Claudio et Hero, qui constitue le véritable moteur du drame. On estime que, dans Béatrice et Bénédict, il y a au moins un ou deux passages de musique qui sont absolument superbes, du niveau des « Nuits d'été », mais que la pièce n'a aucun ressort dramatique, ne fait pas une pièce de théâtre, donc pas du tout un opéra. Alors, comment faire? Les meilleurs musicologues français ont souvent suggéré qu'on remanie la partition, qu'on change l'ordre des morceaux - c'est ce que nous avons fait - et qu'on réintroduise par le biais des dialogues parlés des personnages que Berlioz a supprimés, qu'on réintroduise une partie de l'action originale."

Est-ce qu'on peut donc dire que votre conception est un retour vers Shakespeare?

"Certainement, et en tout cas aussi le retour vers le théâtre, parce que, très franchement, si on ne faisait pas ce travail, la pièce ne ferait rire plus personne aujourd'hui. On l'écouterait plus volontiers en concert mais on manque de matière pour une mise en scène drôle."

Avez-vous trouvé à Prague un ensemble qui était capable de réaliser votre conception de cette pièce?

"Vous ne rencontrerez jamais un metteur en scène qui vous dit qu'il est content. Je sais que, dans les conférences de presse, tout le monde dit: "J'ai été très content de travailler avec Monsieur, Madame..." et Monsieur, Madame disent: "On était très contents". C'est souvent vrai, c'est souvent faux aussi, il y a des problèmes dans tous les théâtres, il y a des rencontres heureuses dans tous les théâtres. La conception que nous avons avec Françoise Terrone, c'est que nous travaillons avec les gens qui sont disponibles, sans rêver des gens qui ne sont pas là ou des moyens techniques et financiers qu'on n'a pas. On travaille vraiment dans les conditions qui sont fixées, et l'on essaie de faire le maximum avec les gens et les moyens dont on dispose. Et les moyens de l'Opéra d'Etat de Prague sont assez importants. C'est déjà extrêmement difficile de chanter un ouvrage en français programmé pour assez peu de représentations. Cela oblige les chanteurs à un gros travail, beaucoup plus gros, je pense, que pour les ouvrages du répertoire allemand et italien courant, donc c'est un véritable effort et nous avions aussi notre part d'efforts à faire pour soutenir cette initiative."