COP 24 : la Tchéquie face à ses contradictions dans la lutte contre le réchauffement climatique

La 24e conférence mondiale sur le climat à Katowice, photo: ČTK/AP/Czarek Sokolowski

Depuis le début du mois et jusqu’à vendredi, se tient à Katowice en Pologne la 24e conférence mondiale sur le climat, la COP24, avec l’objectif pour les 196 Etats du monde qui y participent, dont la République tchèque, de placer la barre plus haut dans la lutte contre le réchauffement climatique. L’enjeu est de taille mais la bataille semble mal engagée.

António Guterres,  photo: ČTK/AP/Mosa'ab Elshamy
« Nous n’en faisons toujours pas assez, nous ne nous activons pas assez rapidement, pour nous prémunir d’un bouleversement climatique irréversible et catastrophique. »

C’est par ces prévisions pessimistes que le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a ouvert début décembre la COP24, la 24e conférence de l’ONU sur les changements climatiques, lesquels, a-t-il précisé, sont désormais « une question de vie et de mort ». Il faut dire que depuis la COP21 en 2015, qui avait débouché sur l’accord de Paris, où les Etats du monde s’étaient engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement climatique sous le seuil de 1,5 °C, les rapports alarmants et les mauvaises nouvelles, notamment le retrait des Etats-Unis de ce texte, se sont succédés.

La trajectoire actuelle porte sur un réchauffement de 3 °C d’ici à la fin du siècle et seulement dans le cas où les pays respecteraient leurs engagements, ce qui n’est pour l’instant pas le cas. Pourtant, les conséquences d’une telle hausse seraient déjà dramatiques pour la vie humaine sur la planète. Le ministre tchèque de l’Environnement, Richard Brabec (ANO), est conscient du problème, mais rejette la faute sur les grands pays, ceux qui tiennent le plus aux énergies fossiles :

Richard Brabec,  photo: ČTK/Michal Krumphanzl
« Sans accord avec les plus gros joueurs, les gros émetteurs, que sont les Etats-Unis, la Chine, et d’autres pays comme la Russie, il est évident qu’il est impossible de remporter cette lutte contre le réchauffement climatique ou contre la hausse des émissions. Et ce quand bien même nous cesserions dès demain, en Europe, de nous chauffer, de nous éclairer, d’utiliser des voitures. »

Car la République tchèque est pour sa part bien partie pour respecter ses engagements. C’est ce dont le ministre s’est félicité mardi dans le discours qu’il a prononcé à la conférence. Avec une baisse de ses émissions de gaz à effet de serre de l’ordre de 35 % par rapport à celles de 1990, Prague a d’ores et déjà atteint l’objectif fixé pour 2020 et est sur la bonne voie pour une réduction supérieure à 40 % à l’horizon 2030. Comme la plupart des anciennes démocraties populaires, le phénomène s’explique cependant surtout par l’abandon dès les années 1990 d’un modèle économique largement orienté vers l’industrie lourde, très polluante et qui, de façon notable, a d’ailleurs façonné le paysage de la région de Katowice.

Miroslav Trnka,  photo: ČT24
Partie de loin, la Tchéquie a ainsi encore du chemin à faire. Son économie est très dépendante de l’industrie automobile, elle est toujours l’un des principaux producteurs de charbon en Europe et, en 2017, les centrales thermiques restaient, devant le nucléaire, la plus importante source de production d’énergie dans le pays (avec environ 40 % de la production totale). C’est pourquoi, pour le bioclimatologue Miroslav Trnka, il est urgent de changer de modèle :

« Nous sommes un Etat, certes riche, mais qui a un niveau d’émissions relativement élevé et qui a un secteur industriel qui, logiquement, de façon inhérente, produit ces émissions. D’autant plus que nous produisons des biens qui rejettent des émissions. Il est donc structurellement important pour nous de suivre toutes ces évolutions, et pas seulement de les suivre mais d’investir stratégiquement dans des domaines porteurs de perspectives. Pour le dire autrement, construire notre économie uniquement sur les automobiles et sur des industries basées sur les actuels moteurs à combustion et liées aux centrales thermiques en activité, cela va probablement fonctionner à court terme, mais cela n’est pas un chemin qui est tenable à long terme. Il faut se le dire clairement et il faut travailler là-dessus. »

La 24e conférence mondiale sur le climat à Katowice,  photo: ČTK/AP/Czarek Sokolowski
A Katowice, les négociations sont d’autant plus compliquées que des pays comme les Etats-Unis, l’Arabie saoudite ou la Russie tentent de relativiser les résultats et les prévisions des scientifiques sur le réchauffement climatique. Dans son discours, Richard Brabec a regretté cette posture, alors que, a-t-il souligné, les phénomènes climatiques extrêmes observés en 2018 témoignent déjà du bouleversement en cours. La République tchèque, particulièrement menacée par des épisodes de sécheresse de plus en plus intenses, a sans doute elle-même du pain sur la planche.