50 ans après sa mort, la dépouille du cardinal Beran, grande figure de la résistance de l’Eglise tchèque, sera rapatriée de Rome

Le cardinal Josef Beran, photo: ČT24

Les 20 et 23 avril prochains resteront très probablement des dates marquantes dans l’histoire de l’Eglise catholique tchèque. La dépouille du cardinal Josef Beran, enterrée à la basilique Saint-Pierre au Vatican depuis sa mort en exil 1969, sera rapatriée dans son pays d’origine, là où l’ancien primat de Tchécoslovaquie souhaitait initialement reposer. Pour les Tchèques, trois jours durant, jusqu’à la messe qui sera célébrée à la cathédrale Saint-Guy, ce sera l’occasion de rendre hommage à une grande figure de l’opposition au régime communiste.

Le cardinal Josef Beran,  photo: ČT24
L’information n’est pas nouvelle. Elle remonte au 3 janvier dernier, lorsque le pape François a autorisé, dans le respect de la dernière volonté du cardinal, le transfert à Prague de sa dépouille. Le corps est actuellement enterré dans ce qui est parfois appelé les grottes du Vatican ou encore la nécropole papale de la basilique Saint-Pierre.

En revanche, ce n’est que depuis mardi que l’on sait que le cercueil sera rapatrié le 20 avril prochain. Celui-ci passera alors par trois lieux différents de la capitale : d’abord par l’église Saint-Adalbert située dans le quartier de Dejvice, là où Josef Beran a officié avant la guerre et jusqu’en 1946 en qualité de recteur du séminaire archiépiscopal, puis par la basilique Notre-Dame-de-l’Assomption de Strahov, où il a prêché pour la dernière fois avant son arrestation par le régime communiste en 1949, et enfin la cathédrale Saint-Guy, siège de l’archevêché de Prague, dans l’enceinte du Château. Attaché de presse de l’archevêché, Stanislav Zeman précise quel sera le programme durant ces trois jours :

Le cardinal Josef Beran,  photo: ČT24
« Le cercueil avec la dépouille du cardinal Beran sera placé devant l’autel et exposé au public pour que celui-ci puisse lui rendre hommage et venir se recueillir jusqu’au lundi 23 avril. Puis après une procession jusqu’à la cathédrale, une messe sera célébrée en début de soirée avant que le cercueil ne soit placé dans un nouveau sarcophage. »

Cela faisait quelques années déjà que l’Eglise tchèque souhaitait le retour au pays de la dépouille du cardinal, dont la figure a marqué l’histoire de la Tchécoslovaquie de l’après-guerre et dont le procès en béatification a été ouvert en 1999. Dans une émission de la Télévision tchèque, l’ancien cardinal et archevêque de Prague Miloslav Vlk expliquait pourquoi avant sa mort en mars 2017 :

Miloslav Vlk,  photo: Miroslav Krupička
« Le cardinal Beran, comme tout prêtre et évêque, avait son testament dans lequel il exprimait le désir d’être enterré dans sa ville natale de Plzeň aux côtés de ses parents. Toutefois, quand il a rédigé ce testament, il ne savait bien entendu ni où ni quand il mourrait. Quand il est donc mort en 1969, j’ai pu assister à son enterrement à Rome avec l’évêque de České Budějovice, dont j’étais le secrétaire. Les communistes n’ont pas autorisé son retour en Tchécoslovaquie. Même mort, Josef Beran leur inspirait de la crainte. Le pape Paul VI a alors décidé qu’il serait enterré dans la crypte de la basilique Saint-Pierre, là où sont enterrés les papes. Le cardinal Beran est donc le seul évêque dont le corps repose au milieu des papes. »

Né le 29 décembre 1888 à Plzeň dans ce qui était encore l’Autriche-Hongrie et mort le 17 mai 1969 à Rome, Josef Beran, emprisonné au camp de concentration de Dachau pendant la guerre, puis décoré par le président Edvard Beneš des deux plus hautes distinctions de l’Etat pour sa résistance à l’occupant nazi, a été sacré évêque et nommé archevêque de Prague, et ainsi chef de l’Eglise tchécoslovaque, par le pape Pie XII en 1946.

Le cardinal Josef Beran,  photo: ČT24
Après la prise du pouvoir par le parti communiste en 1948, Josef Beran avait interdit à son clergé de prêter serment de fidélité au nouveau régime pour ne pas trahir la foi chrétienne. Condamnant la confiscation des biens qui appartenaient à l’archidiocèse et plus généralement la violation des droits de l’Eglise, il avait été arrêté après un ultime sermon enflammé, puis incarcéré pendant quatorze ans.

Après sa libération en 1963, le primat tchèque, empêché d’exercer son ministère, s’est vu refuser à plusieurs reprises sa démission par le pape Paul VI. Il est finalement parti en exil à Rome en 1965, où il est mort quatre ans plus tard. Et il aura fallu attendre près de cinquante ans pour que son désir d’être enterré dans cette Bohême qui lui était si chère, se réalise enfin.