Des hackeurs d’extrême-droite diffusent des mails de Bohuslav Sobotka

Bohuslav Sobotka, photo: ČT24

Le premier ministre Bohuslav Sobotka, dont le compte twitter avait été piraté à Noël dernier par des activistes « anti-migrants », est de nouveau la cible de hackers d’extrême droite qui ont diffusé certains de ses courriels. Alors que le bureau du gouvernement ne commente pas la véracité de ces documents, la police et l'Office national de sécurité (NBÚ) ont été saisis de l’affaire.

Les courriels de Bohuslav Sobotka,  photo: ČT24
Le 23 décembre dernier, des messages haineux à l’encontre des réfugiés s’affichaient sur la page twitter du premier ministre. Des pirates informatiques étaient alors soupçonnés d’avoir pu s’introduire sur le compte de Bohuslav Sobotka via une adresse mail. Cela semble se confirmer ces jours-ci avec la diffusion d’environ 70 courriels qui seraient issus de son adresse Seznam, ce moteur de recherche qui concurrence avec succès Google en République tchèque, une opération publiée sur le site néonazi White Media et réalisée par un groupe qui se présente comme « les hackeurs nationalistes ».

Si l’authenticité des courriels n’est ni infirmée ni confirmée par le cabinet du premier ministre, quelques-uns de ses correspondants ont fait savoir qu’ils étaient bien les auteurs de certains des textes révélés. Le quotidien Mladá fronta Dnes n’écarte pas l’hypothèse que de très nombreux mails, recelant des informations potentiellement bien plus sensibles, puissent encore être diffusés. Après une période de mutisme, Bohuslav Sobotka a finalement indiqué que depuis sa prise de fonction voici deux ans, sa correspondance n’a jamais contenu la moindre information qui relèverait d’un niveau important de secret.

Bohuslav Sobotka,  photo: ČT24
Contacté par la Radio tchèque, le site Seznam estime qu’il ne s’agit pas à proprement parler d’une attaque informatique. Irena Zatloukalová est la porte-parole de l’entreprise :

« Soit le mot de passe était bien trop simple ou bien il est possible aussi qu’il y ait eu de l’ingénierie sociale permettant de dévoiler ce mot de passe, éventuellement à l’aide d’un virus informatique qui aurait pu ensuite utiliser le mot de passe. »

Ce n’est pas la première action de ce type menée par le site d’extrême-droite. Journaliste pour le site Deník Referendum, Saša Uhlová, « blacklistée » par White Media, et dont le compte Facebook avait fait l’objet d’une attaque voici deux ans, présente cet organe et son mode opératoire :

Saša Uhlová,  photo: ČT
« C’est un site internet fait par des personnes que nous ne connaissons pas. On ne sait pas qui ils sont. En fait, le site internet est basé aux Etats-Unis mais ce sont des Tchèques qui le font et ce sont des Tchèques qui sont attaqués par ce site. Ils mettent les noms des gens qu’ils n’aiment pas, qui sont « multiculturalistes ». Ensuite ce qu’ils font aussi, c’est qu’il y a des pirates informatiques qui entrent dans des boîtes email, dans des comptes Facebook, ils font des captures d’écran et les publient. Donc des gens ont des choses très intimes qui sont publiées sur les pages de ce site. »

La diffusion du contenu de ces mails pose question aux médias tchèques, la plupart rappelant que le droit au respect de la vie privée et donc de la correspondance est garanti par de nombreuses conventions, dont la déclaration universelle des droits de l’Homme. Pour site le Deník Referendum, le sociologue Jaromír Volek estime même qu’utiliser ces courriels revient à légitimer le site néonazi qui les a obtenus frauduleusement et publiés.

Néanmoins, des journaux comme Mladá fronta Dnes ont décidé de porter à la connaissance du public certaines correspondances du premier ministre n’ayant pas trait à sa vie privée. Tel que l’explique le quotidien, les courriels permettent notamment de comprendre dans une certaine mesure comment et avec qui Bohuslav Sobotka élabore sa politique étrangère. Il est également question de la désignation du prochain directeur de la Radio publique tchèque ou encore d’un sondage qui favoriserait le mouvement ANO aux dépends du parti social-démocrate et qui déplairait par conséquent au chef du gouvernement, également leader de la social-démocratie. Rien donc qui pourrait s’apparenter de près ou de loin à des secrets d’Etat. Pourtant, en plus de la police, l'Office national de sécurité enquête désormais également sur cette affaire afin de vérifier si aucune information confidentielle n’a effectivement pu fuiter depuis la boîte mail de M. Sobotka.