Il y a des boîtes aux lettres depuis 200 ans en pays tchèques

Photo: Eva Turečková

Jusqu’au 25 février, le musée de la Poste, à Prague, propose une exposition consacrée aux boîtes aux lettres dont l’existence remonte à 200 ans en pays tchèques. A l’heure où les courriers papier se font plus rares en raison du développement de la communication électronique, cet anniversaire est l’occasion de se pencher sur l’évolution de la correspondance à distance et sa progressive démocratisation.

Jan Kramář,  photo: Eva Turečková
Prendre une enveloppe, y coller un timbre, jeter l’enveloppe dans une boîte aux lettres sur son chemin. Autant de gestes qui aujourd’hui tendent à disparaître au profit des e-mails, mais qui pendant des décennies ont permis à tout un chacun de conserver le lien avec des proches ou de régler ses affaires courantes. Pourtant, lorsque les premières boîtes aux lettres voient le jour au XVIIe siècle en France, ce n’est pas un franc succès comme le rappelle Jan Kramář, commissaire de l’exposition consacrée au bicentenaire de leur introduction en pays tchèques :

« Les toutes premières boîtes aux lettres au monde ont été installées à Paris en 1653. Mais ça n’a pas duré bien longtemps. Sept ans plus tard, elles ont été supprimées. Les clients ne voyaient pas l’intérêt de jeter leur courrier dans la boîte pour qu’il soit distribué à Paris. Donc la société qui gérait ces boîtes aux lettres, et qu’on appelait la ‘Petite poste’, a tout bonnement fait faillite. »

Il faut attendre la deuxième moitié, voire la fin du XVIIIe siècle, pour que ce service réapparaisse en France, mais aussi à Vienne en 1785. La capitale de l’empire des Habsbourg, dont font alors partie les pays tchèques, s’en inspire, mais réserve ce service à un petit groupe de privilégiés, individus ou institutions qui ne doivent pas s’acquitter de frais d’affranchissement. Quelques années de patience seront encore nécessaires avant que ce nouveau système postal s’impose. Jan Kramář :

La plus ancienne boîte aux lettres conservée en pays tchèques,  photo: Eva Turečková
« Pour fêter cet anniversaire, nous partons du 1er juin 1817, date à laquelle les boîtes aux lettres sont généralisées sur l’ensemble du territoire de la monarchie autrichienne, pays tchèques compris, et à l’exception du royaume de Lombardie-Vénétie qui avait un statut particulier. »

Lorsque les boîtes aux lettres, cet objet du mobilier urbain complètement intégré à l’environnement aujourd’hui, sont introduites, aucune règle ne spécifie l’aspect qu’elles doivent avoir. Aujourd’hui de couleur orange et d’un format standard dans tout le pays, leur apparence est alors à la discrétion des responsables des bureaux de poste : elles sont en général faites en bois, de différentes tailles, formes et couleurs. Le musée de la Poste à Prague possède d’ailleurs la plus ancienne boîte aux lettres conservée en pays tchèques :

« C’est une boîte aux lettres en bois qui a été fabriquée à partir d’un vieux coffre en bois. Ce coffre a été repeint aux couleurs de la monarchie autrichienne, le jaune et le noir. Sur le devant ont été rajoutées, en allemand, des informations sur les horaires de levée du courrier. Cette boîte aux lettres nous vient de Jihlava. Elle y a été installée au bureau de poste dans les années 1820-1830. »

C’est l’introduction du timbre postal au milieu du XIXe siècle qui démocratise réellement les services postaux, et par là-même la correspondance écrite. Dans le même temps, les grandes villes voient émerger de plus en plus d’immeubles locatifs. Ce développement va de pair avec l’installation de boîtes aux lettres personnelles, permettant aux destinataires de récupérer leur courrier. Au cours du XXe siècle apparaissent également des boîtes de livraison, dans les plus petites communes où le courrier n’est pas distribué de porte-à-porte. Certains de ces différents modèles de boîtes aux lettres sont également à voir au musée de la Poste.

Photo: Eva Turečková
Si au XIXe siècle, on ne compte que quelques centaines de boîtes aux lettres publiques en Bohême, elles sont quelque 30 000 dans l’entre-deux-guerres et plus de 35 000 en 1984. Depuis, leur nombre n’a cessé de diminuer pour atteindre 21 000 aujourd’hui, la faute revenant au développement de la téléphonie mobile et de la communication électronique. Mais dans le cas de la République tchèque, le nombre de boîtes aux lettres fluctue aussi en fonction des aléas de l’histoire du pays, comme le rappelle Jan Kramář :

« Il faut aussi prendre compte le fait qu’en 1945, la Tchécoslovaque a perdu la Ruthénie subcarpathique, et donc plusieurs centaines de boîtes. Puis il y a eu l’expulsion des Allemands des Sudètes et la disparition de nombreux villages. A partir des années 1950, on remarque de nouveau une augmentation avec la construction des grands ensembles d’habitation et avec la repopulation des zones frontalières. »

La partition de la Tchécoslovaquie en 1993 contribue logiquement aussi à la baisse de leur nombre sur le territoire tchèque.

L’exposition du Musée postal propose encore une foule d’autres objets liés à l’histoire du service postal tchèque. Et notamment, les boîtes aux lettres spéciales de la poste pneumatique ; la dernière au monde était encore en service jusqu’aux inondations d’août 2002.