La Cour européenne a condamné l’Etat tchèque dans l’affaire Kinský

František Oldřich Kinský, photo: CTK

La Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg a donné raison à František Oldřich Kinský, ressortissant autrichien qui avait porté plainte contre la justice tchèque. Le plaignant estime ne pas avoir bénéficié en République tchèque d’un procès équitable et accuse le gouvernement et le législateur tchèques de ne pas avoir respecté un certain nombre de règles dans la procédure judiciaire qui les opposait.

František Oldřich Kinský,  photo: CTK
L’affaire de František Oldřich Kinský fait partie des labyrinthes des restitutions des biens confisqués par les différents régimes qui ont jalonné le XXe siècle en Tchécoslovaquie. On se souvient que František Oldřich Kinský avait entamé en 2001 des poursuites judiciaires auprès de la Cour de justice tchèque en vue d’obtenir la restitution des biens qui avaient été confisqués en 1945 à la branche de la famille Kinsky à laquelle il est rattaché. La confiscation des biens en 1945 avait été ordonnée dans le cadre des Décrets Beneš et touchait les Tchécoslovaques de nationalité allemande ainsi que les collaborateurs avec le régime nazi. Contrairement aux confiscations réalisées à la suite de la prise du pouvoir par les communistes en 1948, les biens confisqués en 1945 ne font pas l’objet d’une procédure de restitution par l’Etat.

Pourtant, ce descendant d’une branche de l’une des familles de l’ancienne noblesse de Bohême a déposé plus de 150 actions au civil afin d’obtenir des restitutions de biens évalués à quelques 40 milliards de couronnes (environ 1,6 milliard d’euros). Les membres d’autres branches des Kinský, restés fidèles à l’Etat tchécoslovaque durant le conflit mondial, avaient été rétablis dans leurs droits.

Avant sa mort en 2009, František Oldřich Kinský estimait avoir été dessaisi injustement de biens hérités, non pas de ses parents qui avaient collaboré avec le régime nazi, mais de ses grands-parents morts avant la création de la Tchécoslovaquie en 1918. Or, durant le procès, la République tchèque a fait savoir que l’Etat tchécoslovaque avait abrogé, en 1924, la loi encadrant la transmission du patrimoine aux petits-enfants. František Oldřich Kinský, né en 1936, ne pouvait donc pas en être bénéficiaire.

Toutefois, ce dernier avait déposé un recours auprès de la Cour européenne des droits de l’homme à l’encontre de la République tchèque. Le verdict rendu public jeudi dernier donne en partie gain de cause au plaignant. Car si la Cour de Strasbourg n’intervient pas sur la décision de justice rendue par le tribunal tchèque dans l’affaire Kinský, elle condamne toutefois les pressions de l’Etat tchèque lors des années de procédure judiciaire. C’est ce que rappelle le ministre de la Justice, Jiří Pospíšil (ODS) :

Jiří Pospíšil,  photo: CTK
« Le problème dans le cas de Monsieur Kinský - du moins d’après les informations dont je dispose - ne touche pas le fonctionnement de la justice du pays, mais concerne certains fonctionnaires, plus précisément des hommes politiques à une époque où la social-démocratie était au pouvoir. Leurs représentants ont fait un certain nombre de déclarations qui ont influencé l’affaire Kinský. Ils ont par exemple incriminé le fait qu’il obtienne restitution des biens confisqués. Pour la Cour des droits de l’homme, les déclarations politiques ont pu avoir une influence sur le respect des droits de Monsieur Kinský, notamment le droit à un procès équitable. »

La Cour européenne des droits de l’homme a condamné la République tchèque à verser aux descendants de František Oldřich Kinský des dédommagements moraux de 10 000 euros ainsi que des dédommagements sur les frais du procès de 3 380 euros. L’Etat tchèque peut néanmoins révoquer dans les trois mois cette décision sans précédent dans l’histoire du pays.