« La musique de Janáček vous prend aux tripes »

Janáček, Opéras mode d’emploi est un ouvrage sorti en 2011 aux Editions L’avant-scène opéra. Son auteur, la musicologue française Marianne Frippiat, y compile de manière exhaustive et passionnante la vie et l’œuvre de ce grand compositeur tchèque du XXe siècle. Extrait de cet entretien dont vous pourrez retrouver l’intégralité samedi, dans notre émission spéciale de la Saint-Sylvestre.

« L’ouvrage est né après une première collaboration. J’avais été invitée à écrire un article pour la revue L’avant-scène opéra, consacré à La Maison morte. Il faut savoir que cette maison d’édition publie essentiellement des revues monothématiques, consacrées à chaque fois à un opéra. Et puis, elle a commencé une nouvelle série, les modes d’emploi. L’éditeur ayant été satisfait de mon article, il m’a proposé ce Janáček dans la collection des modes d’emploi. »

Pourquoi Janáček en particulier ? Pourquoi avez-vous aimé sa musique ? Quel est votre Janáček ?

« Difficile de répondre de manière concise. Il m’a passionnée pour beaucoup de raisons : d’abord, sa musique vous prend aux tripes, c’est difficile de rester indifférent. C’est une musique qui est d’une densité humaine spécifique, en rien comparable, pour moi, à un certain opéra italien. J’ai été saisie par l’épaisseur psychologique et par le contenu dramatique de la musique. Et puis j’avais commencé à travailler sur Janáček au Conservatoire, il y avait quelque chose d’absolument râlant dans le fait qu’on ne parvenait pas à obtenir les partitions : soit il n’existait pas d’éditions critiques, soit elles étaient difficiles à obtenir, ou en langue allemande. Quand on écoutait les disques, on se rendait compte qu’il y avait des milliers de coupures et que ça ne correspondait pas du tout à ce qui était écrit. Cela m’a fait enrager. Je me suis dit que c’était un parfait sujet d’étude et j’ai eu envie de voir clair. »

En effet, on dit souvent que Janáček est compliqué, difficile d’approche, d’où peut-être ces simplifications également… Pourtant ces dernières années, et votre ouvrage en est un peu la preuve, en France notamment, on redécouvre Janáček. L’an dernier, les articles ont abondé sur différentes mises en scène à travers le pays… Comment se fait-il qu’aujourd’hui on redécouvre tardivement Janáček, ou est-ce seulement un effet de mode ?

« Je n’ai pas résolu cette question que je me pose aussi. Qu’on dise que Janáček est compliqué, c’est une phrase que j’entends d’abord en République tchèque, plus qu’ailleurs. Si vous demandez leur opinion aux Tchèques, ils vous diront qu’ils n’aiment pas Janáček, qu’ils préfèrent Dvořák ou Smetana. Je n’ai pas trop entendu cette opinion en France, ou moins disons… Pourtant je pense que Janáček est terriblement compliqué si on le regarde dans les détails. Pourquoi est-il à la mode aujourd’hui ? Je n’aurais pas de réponse complète, mais un indice réside dans le fait qu’aujourd’hui on s’intéresse de plus en plus à l’aspect théâtral dans l’opéra. Or Janáček est un des compositeurs les plus dramatiques. Peut-être se prête-t-il mieux à cette vision de l’opéra qui tend à le rapprocher du drame. »

Retrouvez l'intégralité de cet entretien le 31 décembre.