La réhabilitation des victimes des procès communistes, un sujet toujours d’actualité

Milada Horáková, photo: Cassius Chaerea, CC BY-SA 3.0

Peu après l’arrivée au pouvoir du Parti communiste en Tchécoslovaquie en 1948, de grands procès montés de toutes pièces ont été organisés sur le modèle soviétique. Avant de s’en prendre finalement à leurs propres membres, les autorités communistes ont dans un premier temps cherché à se débarrasser de leurs opposants issus des rangs démocrates. En début de semaine, une grande conférence rappelant les procédures de révision de ces procès et de réhabilitation de leurs victimes s’est tenue à Prague, à l’initiative de l’Institut pour l’étude des régimes totalitaires.

Milada Horáková,  photo: Cassius Chaerea,  CC BY-SA 3.0
Parce qu’elle n’a pas fléchi et s’est montrée déterminée à résister, malgré les pressions, elle est devenue un symbole des procès staliniens des années 1950 : la députée démocrate Milada Horáková a été pendue pour espionnage et haute-trahison le 27 juin 1950 au terme d’un procès monté de toutes pièces. Au moment du dégel du Printemps de Prague, en 1968, le jugement la condamnant à mort a été cassé, mais il a fallu attendre la révolution de Velours qu’elle soit pleinement réhabilitée à titre posthume.

La révolution communiste a fini par manger ses propres enfants, exécutant et emprisonnant d’ailleurs ceux-là mêmes qui avaient été à l’origine des procès politiques, mais la conférence organisée à Prague par l’Institut pour l’étude des régimes totalitaires s’est essentiellement intéressée à la révision des procès des personnes qui n’étaient pas des sympathisants communistes, comme l’explique l’historien Tomáš Bursík :

« Mis à part quelques mémoires universitaires, il n’existe pas de résumé général de ces révisions et de ces procès en réhabilitation. Pas même pour les non-communistes pour la période précédant 1968, parce qu’il s’agit de dizaines de milliers de personnes qui ont été condamnées. »

La répression de la fin des années 1940 et du début des années 1950 touche d’abord de hauts dignitaires de l’armée, tout particulièrement ceux qui ont combattu sur le front Ouest pendant la Deuxième guerre mondiale, mais aussi des ecclésiastiques ou des paysans qui refusent les collectivisations.

Photo: ÚSTR
Au milieu des années 1950, une première commission de révision de ces procès politiques voit le jour, mais il faut attendre les années soixante et la courte période du Printemps de Prague, pour voir une petite accélération du processus. Toutefois le nombre de révisions effectives reste bien en-deçà de celui des condamnés. Rien que pour le mois de septembre 1962 par exemple, 7 000 demandes de révision de procès ont atterri sur le bureau de la commission. Mais seuls 300 cas environ seront étudiés. En juin 1968, après l’adoption d’une loi sur les réhabilitations, 1 500 personnes à peine ont vu leur procès révisés avec succès. La révolution de Velours a changé la donne et 258 000 personnes ont été réhabilitées et indemnisées entre 1989 et 1992.

La question des poursuites à l’encontre des personnes responsables de ces condamnations arbitraires s’est évidemment posée avec la fin du régime communiste. En 2008, la procureure Ludmila Brožová a été condamnée à six ans de prison pour avoir envoyé à la mort la députée démocrate Milada Horáková. Elle a finalement été graciée en 2010 par le président Václav Klaus en raison de son grand âge et de son état de santé. Pour Zdeněk Házdra, le directeur de l’Institut pour l’étude des régimes totalitaires, la question de la révision des procès est toujours d’actualité aujourd’hui, a fortiori en cette année anniversaire de la révolution de Velours :

Zdeněk Házdra,  photo: Šárka Ševčíková,  ČRo
« C’est un thème dont il était déjà question avant 1989, mais qui est toujours très vivant aujourd’hui. La question de la gestion de notre passé, de savoir si nous avons réussi à réhabiliter et indemniser les victimes de ces procès politiques, a toute sa place dans la politique actuelle. »

Et cette question ne concerne pas uniquement les procès politiques des années 1950, aussi terribles qu’ils aient été. Pendant la période qui a suivi le Printemps de Prague notamment, de nombreux dissidents tchèques ont fait l’objet de harcèlement, de brimades et de violences physiques de la part d’agents de la police secrète communiste (StB), tout particulièrement lorsqu’ils ont été signataires de la Charte 77. Le musicien Jaroslav Jeroným Neduha fait partie de ces opposants au régime communiste que la police politique a contraints à émigrer dans le cadre d’une vaste opération appelée sous son nom de code « Akce Asanace » - « Action Assainissement ».

Jaroslav Jeroným Neduha,  photo: Veronika Hlaváčová,  ČRo
« Ils m’ont enquiquiné pendant des interrogatoires longs de quatre ou cinq heures. Lors du dernier interrogatoire, il m’a été dit que j’avais le choix entre une incarcération de huit ans et demi ou partir en Autriche. Je n’ai donc pas émigré de plein gré. C’était un stress permanent. Quand je suis parti, je tremblais de partout. »

Lui et trois autres anciens dissidents sont aujourd’hui engagés dans une procédure judiciaire visant à poursuivre leurs anciens tourmenteurs. Lors de la dernière audience au tribunal de Prague 1, la juge en charge de l’affaire a dû ajourner la séance à novembre prochain, en raison de l’absence d’un des accusés. S’ils ont reconnu coupables, comme cela a déjà été le cas par le passé pour deux d’entre eux, les cinq anciens agents, dont l’un est toujours membre du parti communiste, encourent des peines de prison allant de trois à dix ans.