La République tchèque rend hommage à « son » Havel

L'exposition de photographies d’Oldřich Škácha, photo: ČTK

Il y a quatre-vingts ans de cela, le 5 octobre 1936, naissait Václav Havel. Près de cinq ans après sa mort, les Tchèques honorent tout au long de cette semaine la mémoire de leur ancien président dramaturge. Radio Prague vous propose un tour d’horizon des différentes manifestations organisées un peu partout dans le pays à cette occasion.

Commençons cet aperçu des manifestations qui mettent à l’honneur Václav Havel non pas à Prague, mais dans l’ouest du pays, à Plzeň. Pendant vingt-quatre heures, de mardi à mercredi midi, des volontaires se se sont succédés autour du banc Václav Havel pour lire des extraits de textes de l’ancien président, écrivain et auteur dramatique, et ce malgré une météo peu propice.

A Brno, la capitale de la Moravie, le théâtre Husa na provázku, apprécié et fréquenté par Václav Havel, a préparé un festival intitulé « Málo bylo Havla !» (Il n’y a pas eu beaucoup de Havel !). Jusqu’au 10 octobre, le public est invité à des débats, concerts et projections de films, sans oublier évidemment les spectacles : plusieurs pièces de théâtre de Václav Havel sont présentés, dont « Vernissage, « Audience », « Assainissement » ou « Le cochon », un texte peu connu du dramaturge. En 2008, Vladimír Morávek a mis en scène, avec la troupe du théâtre Husa na provázku, un choix inédit de textes de Václav Havel. Vladimír Morávek se souvient :

« Tout le monde savait que Václav Havel aimait ses textes et qu’il détestait qu’on les manipule. Nous avons pourtant fait quelque chose d’incroyable en lui demandant si on pouvait présenter son œuvre complète en une seule soirée. Cela signifiait qu’on allait couper et encore couper. Lorsque Václav Havel est venu assister à une répétition, environ un mois avant la première, nous redoutions beaucoup sa réaction. Or c’est un homme très chaleureux qui est venu. Il a regardé la pièce qui s’appelait à l’origine ‘Le Cabaret Havel’, qui l'a bien amusé et il nous a dit : ‘Quelle histoire ! Puisque c’est mon histoire, je souhaiterais qu’elle ne s’appelle pas ‘Le Cabaret Havel’, mais ‘Le Cirque Havel’. Cela devait être difficile et même douloureux pour lui de nous donner la liberté de travailler ses textes, où chaque mot était réfléchi et avait sa place. La confiance qu’il nous a accordée nous a beaucoup touchés. »

« Tout ce que nous voulons savoir sur Václav Havel, nous pouvons le trouver dans son œuvre dramatique et dans ses réflexions sur le théâtre », remarque la journaliste Jana Machalická dans un des innombrables textes consacrés dans la presse à la personnalité de l’ancien dissident, prisonnier, chef de file de l’opposition contre le régime communiste.

L'exposition de photographies d’Oldřich Škácha,  photo: ČTK
Mais au-delà de l’œuvre dramatique de Havel, mise à l’honneur aussi par le Théâtre national et le théâtre Sklep à Prague, ou encore par la scène de Liberec, en Bohême du Nord, d’autres événements encore rendent hommage à Václav Havel en ce début du mois d’octobre. Une plaque commémorative a été apposée sur le bâtiment du centre pénitentiaire de Plzeň-Bory, où il a été emprisonné entre 1981 et 1983, tandis que la prison d’Ostrava, où le dissident Havel a passé plus d’un an, a choisi d’installer à l’entrée du bâtiment un banc non pas dédié à Václav Havel, mais à son alter ego, Ferdinand Vaněk.

A Prague, de nombreuses expositions de photographies retracent la vie de l’ancien président : celles d’Oldřich Škácha sont à voir dans le VIe arrondissement de Prague – le quartier où Václav Havel a résidé à partir des années 1990 a concocté pour ce 80e anniversaire un programme culturel riche et varié qui s'étalera jusqu’à la mi-décembre.

L'exposition de photographies d’Oldřich Škácha,  photo: ČTK
Côté musique, un grand concert aura lieu ce samedi au palais de Lucerna, dans le centre de Prague, en présence de quatre-vingts personnalités du monde culturel tchèque. En attendant cet événement pas comme les autres, les Pragois et les visiteurs de la capitale sont invités à adresser leurs messages et vœux à Václav Havel en les inscrivant sur une sculpture en forme de cœur qui a été inaugurée sur la nouvelle place Václav Havel, devant le Théâtre national de Prague.

A proximité de l’ancienne piazzetta du Théâtre national qui porte donc désormais le nom de l’ancien président, nous avons rencontré Guillaume Basset, un Français installé depuis plusieurs années à Prague qui participe à l'organisation du Festival des écrivains. La question que nous lui avons posée est simple : la République tchèque est-elle toujours le pays de Václav Havel ?

La piazzetta du Théâtre national porte désormais le nom de Václav Havel,  photo: ČTK
« La République tchèque a-t-elle jamais été le pays de Havel ? Le problème des grands hommes, historiquement parlant, c’est que souvent, ils existent en forçant le pays à leur ressembler. Donc, la République tchèque a-t-elle jamais été ‘havélienne’, si je peux employer ce néologisme ? Je ne sais pas. Une chose est certaine, et les Français le voient très bien avec la question de de Gaulle : une fois que le grand homme est passé dans l’histoire, sa figure se ‘fossilise’, il devient une statue glorieuse, parfois on donne son nom à un aéroport, à une rue ou à une place, ce qui est très bien. La politique continue sans eux. Je ne suis pas sûr que le président actuel ou même le Premier ministre soient spécialement des successeurs de Václav Havel. Je pense que Havel reste pour les Tchèques une icône, un modèle à suivre de la démocratie. Mais la politique actuelle ne me semble pas être vraiment inspirée de Havel. J’ai l’impression que la figure de l’ancien président est maintenant un peu controversée : l’expression ‘pravdoláskaři’ (assemblage des mots ‘pravda’ et ‘láska’ – vérité et amour, mot qui désigne les partisans de Václav Havel, ndlr) est devenue extrêmement péjorative, presqu’une insulte. Cette division autour de Havel est, à mon avis, le processus naturel de sa ‘mythification’. Dans l’avenir, tout le monde se référera naturellement à Havel, mais d’un point de vue mythique plus que d’un point de vue réel. »