Lagardère réduit son empire médiatique, Křetínský renforce le sien

Daniel Křetínský, photo: Filip Jandourek, ČRo

La multinationale française Lagardère se défausse progressivement de ses médias et c’est le groupe Czech Media Invest, propriété du milliardaire tchèque Daniel Křetínský, qui semble disposer à rafler la mise. En début de semaine, il annonçait le rachat des stations de radio centre-européennes de Lagardère. Le lendemain, on apprenait les négociations autour de l’acquisition de certains titres de presse de l’entreprise française, dont le magazine historique Elle.

Daniel Křetínský | Photo: Filip Jandourek,  ČRo
Daniel Křetínský, homme d’affaires de 42 ans qui a fait fortune d’abord comme avocat au sein du groupe financier J&T puis à la tête du groupe énergétique Energetický a průmyslový holding (EPH), n’est pas un nouveau venu dans le monde des médias. Déjà en 2013, celui qui est également le copropriétaire et président du club de football du Sparta Prague, avait acquis la branche tchèque du groupe médiatique suisse Ringier Axel Springer, bientôt renommé Czech News Center et placé sous la férule de la société mère CMI.

Avec des titres comme Blesk et Aha !, les leaders du marché des tabloïds, le quotidien sportif Sport ou bien encore l’hebdomadaire sensationnaliste Reflex, Daniel Křetínský est propriétaire des médias les plus lus de République tchèque, avec plusieurs millions de lecteurs quotidiens. Désireux de diversifier son portfolio médiatique, le milliardaire s’est donc porté acquéreur des radios détenues par Lagardère en Pologne, en Slovaquie, en Roumanie et également en Tchéquie, une transaction annoncée à un montant de 78 millions d’euros qui doit encore être validée par les autorités de régulation de ces différents pays.

Ce sont en particulier les radios Frekvence 1 et Evropa 2 qui devraient passer dans le giron de CMI. Pour Ondřej Aust, le rédacteur en chef du site Médiář, lequel s’intéresse à l’actualité des médias, ce n’est pas une mauvaise affaire :

Photo: ČTK
« Une station comme Evropa 2 qui est hégémonique chez les jeunes ou bien comme Frekvence 1, qui est solide sur le secteur qu’on pourrait appeler ‘familial’, sont des stations dont les cibles sont très bien définies. Toutes les deux font partie du ‘top cinq’ des radios émettant sur tout le territoire tchèque. Donc, de ce point de vue, ce sont des actifs intéressants, clairement rentables et avec des perspectives. »

Le phénomène de concentration des médias dans les mains de quelques milliardaires se poursuit ainsi en Tchéquie, un mouvement entamé au début de la décennie. Auparavant, la plupart des médias privés tchèques étaient détenus par des groupes étrangers, principalement allemands. L’homme d’affaires Zdeněk Bakala (Respekt, Hospodářské noviny…), l’actuel Premier ministre en démission Andrej Babiš (Mladá fronta Dnes, Lidové noviny…) et donc également Daniel Křetínský ont changé la donne. Une situation que constate Ondřej Aust :

« Cette acquisition témoigne de la consolidation du marché, avec la répartition des actifs au profit de différents propriétaires tchèques. Cela signifie que les groupes étrangers se retirent et qu’ils laissent les entreprises de média de la région aux ‘oligarques’ locaux, ou bien aux milliardaires dans le cas présent. »

L’originalité de Daniel Křetínský, dont le nom est cité dans les « Panama Papers » pour la détention d’une société dans les îles Vierges britanniques, c’est qu’il entend aussi développer son empire médiatique à l’étranger. Il négocie en effet avec Lagardère le rachat de nombre de ses titres de presse, dont Version Femina, Art & Décoration, Télé 7 Jours, France Dimanche, Ici Paris et Public. CMI pourrait acquérir également le magazine emblématique Elle, même si Lagardère entend rester en possession de la marque et des déclinaisons internationales du célèbre titre. D’après Daniel Častvaj, un contrat de transaction pourrait être signé dans les toutes prochaines semaines.