Le duel entre deux anciennes procureures générales se poursuit

Marie Benešová, photo: CTK

Un groupe de hauts magistrats a gagné, mardi à Prague, le procès contre l’ancienne procureure générale Marie Benešová. Conséquence : cette dernière a été condamnée à présenter ses excuses à la partie plaignante qu’elle a qualifiée en 2007 de « mafia judiciaire ». Bien que le verdict de la Cour supérieure de Prague soit définitif, l’affaire est encore loin d’être terminée.

Marie Benešová,  photo: CTK
En décembre 2007, Marie Benešová, ministre « fantôme » (shadow minister) de la Justice, qualifie le groupe de magistrats autour de Renata Vesecká, son successeur au poste de procureure générale, de « mafia judiciaire » qui cherche à influencer la justice pour servir les intérêts du gouvernement en place. Elle critique notamment les interventions de Renata Vesecká dans l’affaire mettant en cause le ministre et chef du Parti chrétien-démocrate Jiří Čunek, accusé de corruption par son ancienne secrétaire. Le parquet général présidé par Renata Vesecká dessaisit alors de ce dossier le procureur de Přerov, Radim Obst, pour le confier à Arif Salichov, magistrat de Jihlava, qui décide finalement d’arrêter la procédure.

Renata Vesecká est accusée par l’opposition d’avoir agi sur commande politique. Elle et les autres magistrats impliqués dans l’affaire décident de se défendre en justice contre les propos de Marie Benešová. Depuis janvier 2008, quatre verdicts ont été prononcés dans cette affaire, deux d’entre eux donnant raison à Marie Benešová et les deux autres à Renata Vesecká. Entre-temps la situation de la procureure générale devient intenable et Renata Vesecká est finalement relevée de ses fonctions, de même que le vice-président de la Cour suprême Pavel Kučera, qui, lui aussi, figurait dans cette affaire. Mardi cependant, le verdict de la Cour supérieure de Prague leur a de nouveau été favorable. A l’issue du procès, Renata Vesecká a dit au micro de Český rozhlas (Radio publique tchèque) :

Renata Vesecká
« Je n’est pris aucun plaisir à intenter ce procès mais je considérais les propos de Marie Benešová comme tellement essentiels que je ne voyais pas d’autre possibilité. Du moins, c’est de cette façon que je le percevais. Je dois dire aussi que j’accueille évidement avec satisfaction le verdict de la Cour supérieure de Prague. »

Selon la présidente de la Cour, Romana Vostrejšová, le procès n’a pas établi le bien-fondé des accusations de mafia judiciaire et d’interventions illicites dans le travail des organes de la justice. Marie Benešová doit donc adresser une lettre d’excuses à Renata Vesecká, à Pavel Kučera ainsi qu’à l’ancien ministre de la Justice Pavel Němec et publier ses excuses par l’intermédiaire de l’agence de presse ČTK. Evidemment, Marie Benešová n’est pas d’accord avec une telle décision :

« Je ne suis pas surprise par ce changement de verdict et je vais certainement me pourvoir en cassation. Je serai tenue de payer les frais du procès et de présenter mes excuses, mais au cas où la Cour suprême me donnerait raison, cela se retournerait de nouveau contre la partie plaignante. »

Jiří Čunek
Et Marie Benešová d’évoquer certains arguments pour appuyer ces propos sur la « mafia judiciaire ». Elle attire l’attention, entre autres, sur les récents retours à leur poste des magistrats chargés de l’affaire Čunek contraints pourtant de partir sous Renata Vesecká. Elle rappelle également le verdict rendu contre le vice-président de la Cour suprême, Pavel Kučera, relevé de ses fonctions pour avoir influencé l’affaire Čunek. Quant au ministre actuel de la Justice, Jiří Pospíšil, qui a occupé le même poste également au sein du cabinet de Mirek Topolánek au moment où a éclaté l’affaire Čunek, il déclare respecter le dernier verdict et refuse de le commenter.