L’écrivain Milan Kundera est enfin devenu citoyen tchèque

Milan Kundera, photo: Jan Šmíd, ČRo

Déchu de la nationalité tchécoslovaque par les autorités communistes il y a quarante ans et naturalisé français en 1981, l’écrivain Milan Kundera s’est vu attribuer sa citoyenneté tchèque le 28 novembre dernier à Paris. « Un geste symbolique très important » selon l’ambassadeur tchèque en France Petr Drulák, qui a remis en personne le certificat officiel au géant de la littérature européenne, âgé de 90 ans. Petr Drulák est revenu pour RPI sur ce moment historique.

Milan Kundera,  photo: Jan Šmíd,  ČRo

« Dire que c’était une cérémonie est un peu exagéré. J’ai eu le privilège d’être reçu par les époux Kundera dans leur appartement. A cette occasion, j’ai remis le certificat de nationalité tchèque à Milan Kundera et nous en avons discuté, mais ce n’était pas une cérémonie organisée et formelle. »

Quelle était la réaction de Milan Kundera ?

« Il était très content. Visiblement, l’attribution de la citoyenneté tchèque l’a enchanté. »

L’écrivain entretient des relations compliquées avec son pays d’origine. Quel regard porte-t-il aujourd’hui sur son pays d’origine ? S’intéresse-t-il à l’actualité tchèque ?

« Il est vrai que cette relation est compliquée, néanmoins, Milan Kundera reste profondément attaché à son pays d’origine. On s’en aperçoit dès que l’on entame une conversation avec lui. Pour moi, c’était d’ailleurs la raison de lui restituer la citoyenneté. Je lui ai dit : « Vous vous sentez comme un Tchèque, vous vous intéressez à la République tchèque et les Tchèques s’intéressent à vous ! »

Pourquoi ce rapprochement maintenant ? L’octroi de la nationalité tchèque à Milan Kundera a été initié par le Premier ministre tchèque Andrej Babiš qui a rendu visite à l’écrivain il y a un an…

« C’était pour la première fois que l’idée a été évoquée par un dirigeant politique. Evidemment, elle avait été discutée auparavant. Néanmoins, ce fut un geste important de la part du Premier ministre Andrej Babiš de dire : ‘pourquoi est-ce que le plus grand écrivain tchèque actuel n’a pas la nationalité tchèque ?’ C’est une preuve aussi pour les époux Kundera qu’ils ont de nombreux amis en République tchèque et que la période où ils étaient la cible d’attaques personnelles est terminée. »

Vous avez d’ailleurs dit au quotidien Le Figaro : « je lui ai présenté (à Milan Kundera, ndlr) les excuses de la Tchéquie pour les attaques dont il avait été la cible pendant des années ».

« Oui, j’ai tenu à le faire, car j’ai toujours regretté le fait que Milan Kundera ait été confronté à ces attaques souvent très méchantes qui dépassent le cadre d’une critique légitime d’un auteur. »

Věra Kunderová | Photo: ČT
Dans une interview exclusive accordée à la revue littéraire tchèque Host, Věra Kunderová, l’épouse de l’écrivain, a fait part de ses regrets par rapport à l’émigration. « L’émigration est la plus grosse bêtise que l’on puisse faire dans la vie », a-t-elle dit précisément. Avez-vous parlé, avec les époux Kundera, de ces regrets ?

« Oui, je ne peux que confirmer les propos de Věra Kunderová. Chaque émigration est une expérience difficile. Elle l’a été aussi pour les époux Kundera, même s’ils ont été très bien accueillis en France. Ils ont été naturalisés français, Milan Kundera est considéré comme un grand écrivain de langue française… Mais quand même, l’émigration est une condition qui n’est pas facile. »

Ce rapprochement entre Milan Kundera et son pays d’origine aura-t-il, selon vous, des conséquences sur les traductions de ses romans en tchèque, étant donné que Kundera refuse de faire traduire en tchèque ses textes écrits en français ?

« Je ne sais pas. Honnêtement, je reproche un peu à Milan Kundera d’avoir été aussi restrictif quant à la traduction de ses romans rédigés en français. J’espère que Milan Kundera va encore réfléchir à cela et que le lecteur tchèque aura enfin accès à toute son œuvre. »