Littérature : « Golems », ou le secret du Golem récupéré par les occultistes nazis

Photo: Phébus

Prague, seconde moitié des années 1930 : trois peuples, tchèque, allemand et juif, cohabitent encore dans la capitale d’une Bohême-Moravie qui deviendra bientôt un Protectorat. Tandis qu’Hitler, poursuivant ses objectifs pangermanistes, entend récupérer la région des Sudètes et libérer ses Allemands de l’oppression tchécoslovaque, un membre de la communauté juive détient toujours le secret ancestral de la création du Golem. Mais un secret que des occultistes nazis entendent bien récupérer… Cette quête de la formule magique et du pouvoir de fabriquer la créature mythique faite d’argile constitue la trame de la première partie de « Golems », un roman publié en août 2004 par les éditions Phébus. Son auteur, Alain Delbe, psychologue pour enfants et psychothérapeute, en a dit plus au micro de Radio Prague :

Alain Delbe,  photo: Archives d'Alain Delbe
« Une des idées de ce livre a été de reprendre la figure du Golem, car je me suis aperçu que cela a beau être une figure mythique, elle a relativement peu de place dans la véritable littérature. Il y a donc cet aspect de la légende. Le roman le plus célèbre qui s’en est inspiré est ‘Le Golem’ de Gustav Meyrink. Mais le Golem est une créature assez évanescente, qui apparaît très peu. C’est plus son ombre qui traverse l’histoire des personnages. Sinon il y a des grands auteurs comme Isaac Bashevis Singer qui ont eux aussi écrit des choses sur le Golem, mais ce sont des œuvres qui pour la plupart reprennent assez précisément la légende du Golem de Prague. C’est pourquoi j’ai donc voulu faire quelque chose qui reprendrait l’histoire en renouvelant celle-ci et en la plaçant dans la Prague de la fin des années 1930… »

Oui, car cette légende du Golem que l’on a un peu de mal à situer dans l’Histoire, vous, vous le faites vivre concrètement. C’est un Golem que l’on « voit » presque dans la lecture et que vous placez à une époque très précise : à Prague en 1937…

« Oui, car l’idée est de dire que le Golem n’est pas seulement une légende. Je pars du principe que le don de Dieu que possédait par tradition la communauté juive de Prague est toujours quelque chose d’actuel et, à partir de là, j’imagine que les nazis, puisqu’il y a eu tout un courant occultiste derrière le nazisme, ont eu comme projet d’arracher aux Juifs le secret de la fabrication du Golem. »

Aussi parce que les nazis prétendaient que c’était là une tradition qui avait appartenu à leurs ancêtres…

Photo: Phébus
« Cela a été pour moi une des surprises de l’écriture du roman. En me documentant sur le sujet, je me suis aperçu qu’il y avait bien eu tout un courant parmi des occultistes qui étaient très proches du pouvoir nazi, en particulier un certain Karl Maria Wiligut que l’on surnommait ‘Le Raspoutine de Himmler’, qui avaient développé la théorie selon laquelle les secrets magiques de la Kabbale étaient à l’origine les secrets des druides, des érudits, des prêtres aryens, germains, païens, et que devant la christianisation qui effaçait très violemment tout ce qui était lié au paganisme, ces druides ont confié leur secret à des gens de la communauté juive qui, eux aussi, étaient persécutés par le christianisme à l’époque, mais qui leur paraissaient plus en mesure de s’organiser pour survivre. Et l’histoire l’a confirmé, puisque cette tradition a perduré… Mais il y a donc cette idée que les secrets magiques de la Kabbale étaient à l’origine ceux des prêtres et des druides de la tradition germanique païenne. Je fais donc un pas de plus et j’imagine que les nazis vont réussir à arracher le secret de la fabrication du Golem aux Juifs de Prague dans le but évident de s’en servir pour leurs besoins, comme soldats ou ouvriers. Et dans leur idéologie, cela leur permettait de ne plus s’encombrer des races inférieures. C’était la finalité. »