Michel Pastore : « La musique transcende les barrières fausses que les hommes établissent »

Dans le cadre du festival Musiques interdites, monté par Michel Pastore, conseiller culturel du consulat d’Autriche à Marseille, le 22 juin sera donné à Terezin le Requiem de Verdi. Terezin a été pendant la guerre un camp de concentration par lequel les Juifs transitaient avant Auschwitz. On écoute Michel Pastore parler de son projet :

« La spécificité de Terezin que je ne connaissais pas – je ne l’ai découvert que l’an dernier quand on a fait le premier festival – c’est que c’est une ville XVIIIe siècle, qui a une architecture préservée. Suite à ce qui s’y est passé, c’est toujours quelque chose de préservé. Je pense que c’est un lieu qui devrait devenir du domaine du patrimoine de l’humanité toute entière, pour témoigner de ce ghetto épouvantable, bien sûr, mais aussi de ce qui s’y est passé. Il y a eu une activité culturelle et artistique absolument intense pendant les quatre ans et demi de regroupement des Juifs. Et l’an dernier je suis tombé sur un récit de Josef Bor, un juriste tchèque qui a été interné à Terezin en 1944, qui a assisté aux répétitions du requiem de Verdi que le chef tchèque Rafael Schaechter a menées envers et contre tout, dans des conditions épouvantables de misère, de froid, de faim, avec la nécessité d’instruments etc. Malgré les déportations qui faisaient que les solistes partaient pour des convois et ne revenaient plus. Il fallait trouver un nouveau ténor, une nouvelle basse etc. Ce récit est tellement important que j’ai écrit une adaptation dramatique pour récitants et pour solistes qui relate les répétitions et le courage de ces gens qui ont ainsi témoigné que la musique continuerait toujours, malgré l’horreur, malgré la mort, malgré la barbarie. Et que la musique, on le verra samedi soir à Terezin, est victorieuse. »

Il faut rappeler que ce Requiem de Verdi a été joué à une occasion particulière. Hitler avait voulu élevé le camp de Terezin en une sorte de ghetto modèle à l’occasion de la visite de la Croix Rouge, de donner une sorte de façade de ghetto modèle pour les Juifs, ce qui est particulier comme conception... et c’est à cette occasion, comme il y avait beaucoup d’artistes enfermés à Terezin, qu’a été monté ce Requiem de Verdi...

« Oui, au départ ce n’était pas prévu par les Allemands. Mais ils faisaient feu de tout bois. Donc quand ils ont vu que ces musiciens voulaient malgré tout continuer à jouer de la musique, ces musiciens qu’ils considéraient comme une sous-race, même pas comme des chiens pour qui ils avaient plus de respect, ils se sont dits qu’ils allaient en profiter pour monter un spectacle. Evidemment, la musique allemande leur était interdite puisqu’ils n’avaient pas le droit de la toucher, ils étaient ‘impurs’. Schaechter qui était un génie a choisi le Requiem de Verdi qui est une oeuvre suivant le rituel catholique, mais par Verdi qui était complètement athée, et chanté par des Juifs ! C’est extraordinaire. Cela montrait que l’art transcende les barrières fausses que les hommes établissent entre eux, les barrières de religion, de race, de couche sociale. Et que la musique transcende tout cela... »

Retrouvez l’intégralité de cet entretien dans la rubrique culturelle de ce week-end.