Pierre-Arnaud Dablemont : « Je voulais rapprocher Janáček et Ravel, deux compositeurs qui me sont chers »

Pierre-Arnaud Dablemont, photo: Julie Douchet

La musique tchèque occupe une place importante dans le répertoire et dans la vie du pianiste français Pierre-Arnaud Dablemont. Après avoir étudié le piano avec Véronique Menuet-Stibbe, il est entré dans la classe du professeur František Maxián au Conservatoire de Prague. Ces études à Prague, qui ont duré sept ans, lui ont permis de connaître intimement la musique et l’art d’interprétation tchèques. Récemment, il est revenu à Prague pour enregistrer dans les studios de la Faculté de musique de l’Académie des arts un disque qui lui a permis de réunir et de confronter deux compositeurs qu’il aime beaucoup – Leoš Janáček et Maurice Ravel. Avant de mettre un point final à ce travail, il a présenté son disque au micro de Radio Prague :

Pierre-Arnaud Dablemont,  photo: Julie Douchet
« J’ai longtemps attendu avant d’enregistrer un disque puisque j’avais besoin de me sentir prêt à faire cela. Pendant sept ans, j’ai vécu à Prague avec les compositeurs tchèques, puisque je n’avais pas assisté aux cours pour les étrangers mais j’avais été dans le cursus tchèque et j’avais eu donc l’ouverture sur la musique tchèque et l’école nationale de composition. Cela m’a beaucoup aidé à comprendre comment s’est forgée toute cette histoire de la musique tchèque. J’avais déjà, avant de venir à Prague, une grosse affinité avec Janáček qui s’est renforcée en venant ici, en découvrant la Moravie et tout cet univers si particulier qui est lié à Janáček. Je me suis dit que ce serait pour moi tout à fait naturel d’enregistrer de la musique tchèque, et comme je suis Français, d’enregistrer aussi de la musique française. »

Qu’est-ce qu’on doit faire pour pouvoir venir enregistrer un disque à Prague ?

Pierre-Arnaud Dablemont,  photo: Julie Douchet
« Il faut déjà connaître l’endroit. En tout cas le studio de la HAMU (Faculté de musique de l’Académie des arts de Prague) n’est pas connu sur le circuit professionnel parce que généralement les gens s’orientent vers les studios qui sont plus prestigieux et ont une renommé internationale. Moi, je connaissais les gens de l’académie de musique, on a beaucoup travaillé ensemble, pas dans le studio mais à d’autres niveaux. J’ai donc visité le studio il y a quelques années, en pensant étudier l’enregistrement en studio parce que toute cette technique d’enregistrement me passionne. Finalement, cela ne s’est pas fait mais quelques années plus tard je me suis dit : ‘Tiens, c’est un très bon studio. Je vais l’utiliser et j’ai envie de travailler avec ces gens.’ Et puis voilà, on arrive là. On visite le studio, on essaie le piano, on fait quelques prises pour voir si le son marche, on essaie de dégager les emplois de temps, de choisir l’ingénieur du son et le directeur artistique que je voulais. Et puis, on trouve une date dans le calendrier où on est tous là et on se met à enregistrer. »

Vous avez donc décidé d’enregistrer de la musique de Janáček et de la musique de Ravel. Pourquoi cette combinaison ? Y a-t-il une affinité entre Janáček et Ravel ?

Leoš Janáček
« Oui, il y a une affinité. Déjà ce sont des oeuvres qui sont, à peu près, de la même période. Il y a des influences qui sont intéressantes puisque dans les deux cas on a une musique qui est quand même assez colorée. C’est un travail basé sur la couleur. Mais il était intéressant aussi de les mettre en opposition. D’un côté, on a Ravel, une musique très savante et très intellectuelle, et d’un autre côté, on a Janáček qui utilise tout ce folklore et prend ces petites mélodies chantées dans les auberges et ailleurs et les modifie de façon à avoir un travail qui correspond à son époque et à sa pensée musicale. Il y a aussi le côté plus technique au niveau de la composition qui est le côté modal puisque Janáček écrit beaucoup avec les modes et Ravel le fait aussi mais d’une autre manière. Donc c’est une façon de montrer aussi qu’il y a une continuité mais que chaque compositeur a son point de vue sur le matériel de base. Et ensuite, j’ai aussi pensé un peu à moi et je me suis dit qu’après avoir passé tout ce temps en République tchèque, je me sentais quand même très proche des Tchèques et de la langue tchèque et je voulais rapprocher deux compositeurs qui me sont particulièrement chers. »