« Quel pays oserait faire le pari de quitter l’Union européenne ? »

Roland Galharague, photo: Site officiel de l'Ambassade de France à Prague

« En France comme en République tchèque, nous sommes particulièrement conscients du fait que l’Europe est affaiblie et divisée. Néanmoins, nous avons toutes les raisons d’être fiers de ce que l’Union européenne a accompli au cours des soixante dernières années », estime le nouvel ambassadeur de France en République tchèque, des fonctions que Roland Galharague a déjà occupées en Hongrie.

Roland Galharague,  photo: Site officiel de l'Ambassade de France à Prague
Approfondir le partenariat stratégique entre la France et la République tchèque, encourager les investissements tchèques en France, ou encore maintenir le dialogue franco-tchèque au sein de l’UE : telles seront les priorités du nouvel ambassadeur de France à Prague. Le nouveau locataire du palais Bucquoy remplace Charles Malinas, relevé de ses fonctions trois mois seulement après sa nomination en septembre dernier et auquel le Quai d'Orsay reproche d'avoir distribué trop généreusement des visas à l'époque où il officiait en République centrafricaine.

A la veille de la rencontre à Rome des vingt-sept leaders européens, une rencontre commémorative où l’Europe célébrera le 60e anniversaire de son traité fondateur dans le contexte d’un Brexit qui se précise, Roland Galharague a évoqué, au micro de Radio Prague, quelques-uns des défis de la France et de la République tchèque au sein d’une UE en pleine tempête :

« L’Europe est très méconnue, souvent, elle n’est pas assez estimée, elle est parfois très critiquée. Mais qui pourrait dire de manière absolument certaine que n’importe lequel de nos pays se trouverait mieux s’il était tout seul dans le monde qui est celui d’aujourd’hui ? Je crois que personne n’oserait faire ce pari. La réalité est qu’ensemble, nous sommes plus forts. On peut, bien sûr, prétendre le contraire, et c’est ce que font certains partis politiques dans tous les Etats membres de l’UE. Mais la réalité oblige à dire que personne n’a apporté la preuve de ce pari qui, à mon sens, est un pari dangereux. »

Photo: Commission européenne
Dans un entretien publié en début de semaine dans le quotidien Hospodářské noviny, le chef de la diplomatie tchèque a mis en garde contre les abus en matière de libre circulation des travailleurs. Sans remettre en cause le principe de libre circulation – contrairement à ce que titrait le journal - Lubomír Zaorálek estime néanmoins que ces abus, notamment au Royaume-Uni où travaillent quelque deux millions d’Européens de l’Est, menacent l’existence même de l’UE. Pour Roland Galharague aussi, il convient effectivement de mettre en place des modalités visant à améliorer le marché unique :

« L’Union européenne passe, effectivement, dans une période difficile ; le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker parle de ‘polycrise’. Il fait allusion d’abord à la crise économique qui a commencé en 2008. Actuellement, les choses vont mieux, il suffit de regarder les chiffres. L’autre crise est celle de la pression migratoire, là aussi la situation évolue lentement, mais de manière plutôt positive. En effet, le danger de désintégration existe et nous devons le combattre. Quant à la liberté de circulation des travailleurs, nous savons tous que le projet européen est basé sur quatre libertés : la liberté de mouvement des biens, des capitaux, des personnes et des travailleurs, cela fait partie des conditions du marché unique. Y-a-t-il des modalités éventuelles qui sont susceptibles d’améliorer la situation ? C’est une question qui peut, effectivement, être posée. Par ailleurs, la Commission européenne a lancé un processus de révision de la directive sur les travailleurs détachés. Des négociations auxquelles participent la République tchèque et la France sont en cours. C’est dans ce cadre que nous pouvons envisager de faire avancer nos différents points de vue. »

Le renforcement de la défense européenne que le Premier ministre tchèque Bohuslav Sobotka entend promouvoir au sommet de Rome est aussi une priorité des relations bilatérales franco-tchèques. Roland Galharague :

La mission au Mali,  photo: Michal M. / Site officiel de l'Armée tchèque
« Je veux saluer l’effort de défense de la République tchèque. Il est tout à fait significatif à la fois sur le plan budgétaire, mais aussi sur le plan de la participation aux opérations extérieures, notamment au Mali, dans les Balkans, en Afghanistan ou en Irak. Je veux aussi souligner l’effort conceptuel de réforme du système de défense tchèque qui est en train d’être conduit. Nous allons d’ailleurs intensifier le dialogue franco-tchèque de défense ; à partir de juillet prochain, nous aurons à Prague un attaché militaire de plein exercice, dont l’une des missions sera de conforter cette coopération bilatérale : les opérations, les équipements des forces, la doctrine et la réforme des systèmes de défense. Je veux aussi rappeler que le ministre tchèque des Affaires étrangères M. Zaorálek et non homologue français M. Ayrault ont publié dans le journal Ouest-France un texte qui se donne pour priorité le renforcement de la défense européenne. Cela veut dire participer ensemble aux opérations extérieures de l’UE, ce que nous faisons déjà au Mali. Cette mission européenne a pour but de permettre aux forces maliennes de gérer elles-mêmes les défis auxquels elles ont à faire face, notamment les défis terroristes. »

Par ailleurs, le renforcement de la défense européenne sera au cœur d’une conférence internationale, organisée à Prague le 9 juin prochain.