Remise en cause de la reconnaissance du Kosovo, ou quand Miloš Zeman fait du Miloš Zeman

Miloš Zeman, photo: ČTK/AP/Darko Vojinovic

La presse tchèque avait prévenu : en se rendant en Serbie, où il a achevé ce jeudi une visite de trois jours, le président Miloš Zeman risquait de mettre les pieds dans le plat. Cela n’a pas manqué. Après avoir confié à son homologue serbe dès sa descente d’avion à Belgrade qu’il n’aimait pas le Kosovo, le chef de l’Etat a ensuite fait part de son intention de discuter, à son retour à Prague, de la possibilité que le gouvernement tchèque révoque sa reconnaissance du Kosovo.

Miloš Zeman et Aleksandar Vučić,  photo: ČTK/AP/Darko Vojinovic
Ce jeudi, une rencontre avec Emir Kusturica figurait au programme de la dernière journée de la visite de Miloš Zeman à Belgrade. Cette rencontre a précédé la remise de l'Ordre national du Mérite au Château de Prague le 28 octobre prochain, à l'occasion de la fête nationale. Bien qu'il ait étudié à la FAMU, l’école de cinéma de Prague, le célèbre réalisateur serbe n’a pas été choisi par hasard : son refus de condamner Slobodan Milošević et les exactions serbes durant les guerres de Yougoslavie, sa participation par le passé à une manifestation contre l’indépendance du Kosovo ou encore sa prise de position en faveur de Vladimir Poutine lors de l’intervention russe en Ukraine, faisaient de l’auteur de « Chat noir, chat blanc » ou du « Temps des Gitans » le candidat idéal tout trouvé aux yeux du président tchèque et de son proche entourage.

Plus généralement, cette décoration aura tout à fait été dans le ton du passage très remarqué de Miloš Zemanà Belgrade. Accueilli à l’aéroport par son homologue Aleksandar Vučić, le chef de l'Etat s’est empressé de lui confier, en anglais et à voix suffisamment haute pour être entendu par les journalistes locaux, qu’il appréciait la Serbie et les Serbes, mais pas le Kosovo. Plus tard, il a également rappelé que l’actuel Premier ministre du Kosovo, Ramush Haradinaj, avait récemment été entendu à La Haye par les juges de la Cour spéciale chargée de juger les crimes de l’Armée de libération du Kosovo pour son action pendant la guerre en 1998 et 1999.

Miloš Zeman,  photo: ČTK/AP/Darko Vojinovic
« Un Etat à la tête duquel se trouvent des criminels de guerre, ne peut pas être considéré comme appartenant à la communauté des Etats démocratiques », a-t-il ainsi affirmé.

Les dirigeants serbes, qui n’en attendaient peut-être même pas tant de leur hôte, n’ont pas manqué de remercier Miloš Zeman pour ce soutien inhabituel de la part d’un représentant d’un pays comme la République tchèque, qui a été parmi les premiers au sein de la communauté internationale à reconnaître l’indépendance proclamée unilatéralement du nouvel Etat kosovar en 2008.

A Belgrade, certains n’ont cependant pas la mémoire courte. Ainsi, le journal Danas, qui est considéré comme le quotidien indépendant de référence en Serbie, a publié un long portrait du président tchèque intitulé « Qui est cet homme qui n’aime pas le Kosovo ». Un article dans lequel son auteur a rappelé que c’est justement lui, Miloš Zeman, qui, en 1999, avait décidé de la participation tchèque au bombardement de la Serbie par les forces de l’OTAN.

A Prague, les déclarations du président ont bien entendu suscité de multiples réactions, très diverses, certaines même moqueuses soulignant que sa volonté de débattre d’une éventuelle révocation de la reconnaissance du Kosovo par le gouvernement tchèque ne peut raisonnablement pas être considérée avec sérieux. Le ministre des Affaires étrangères, Tomáš Petříček, s’est lui empressé de couper court à tout débat, tout en évitant de jeter de l'huile sur le feu :

Tomáš Petříček,  photo: ČTK/Ondřej Deml
« Même si je ne vois pas de raisons à cela, je suis bien entendu ouvert à la discussion. Mais je rappelle que la priorité de la politique étrangère de la République tchèque dans la région, est la stabilisation de la situation dans les Balkans de l’Ouest. »

Dès mardi, Tomáš Petříček avait rappelé que si Prague soutenait la candidature d’adhésion de la Serbie à l’Union européenne, il avait aussi encouragé le dialogue entre Belgrade et Pristina de façon à normaliser les relations entre les deux pays lors de la visite de son homologue serbe au printemps dernier. Autrement dit, en provoquant de la sorte comme il en a pris l’habitude, Miloš Zeman n’a finalement rien fait d’autre que du Miloš Zeman.