Une campagne contre les propos haineux sur internet

Photo: Hate Free Culture

Difficile sur l’internet tchèque, notamment dans les commentaires des différents sites d’informations, d’échapper à des écrits racistes, islamophobes ou visant une quelconque minorité. C’est pour lutter contre ces propos haineux, particulièrement prégnants depuis plusieurs mois en lien avec la question des réfugiés, que l’initiative gouvernementale HateFree Culture vient de lancer la campagne médiatique « Jsme v tom společně » (qu’on pourrait traduire par « On est sur le même bateau »), composée d’un clip vidéo et d’une série de photos d’une quarantaine de personnes ayant été la cible d’agressions verbales.

Photo: Hate Free Culture
Appels au meurtre ou au viol, références au nazisme, insultes homophobes ou sexistes ; c’est le lot quotidien de l’internet tchèque, où 2,5 millions de commentaires haineux ont été recensés cette année selon l’initiative HateFree Culture. Une estimation réalisée grâce à un travail de récolte de mégadonnées effectué en collaboration avec la société Yeseter. C’est pour endiguer le phénomène et lancer une discussion à son sujet que la plate-forme a lancé cette campagne, dont l’un des auteurs, Adam Podhola, détaille les objectifs :

« Nous avons accompagné cette notion de propos haineux avec une série de quarante portraits de gens plus ou moins célèbres, qui peuvent se retrouver dans la situation d’être pris pour cibles par des propos haineux dans des commentaires sur internet. Nous voudrions montrer avec cette campagne que nous sommes tous ensemble dans cette situation, que chacun, et pas seulement les minorités LGBT ou les personnes qui ont une couleur de peau différente, peut se retrouver dans cette situation désagréable d’être visé par de tels propos. »

Lukáš Houdek,  photo: Ian Willoughby
Pour l’initiative, que coordonne l’artiste Lukáš Houdek, un spécialiste de la culture rom, la campagne vise à illustrer le fait que ces propos, écrits anonymement derrière un écran d’ordinateur, ont un effet blessant bien réel pour les personnes qui en sont la cible et qu’ils concourent au délitement des liens qui unissent une société. A la question de savoir si cette campagne ne prêche pas déjà auprès de convertis, Adam Podhola estime qu’au contraire, elle permet d’engager la discussion avec les internautes et n’est que l’une des composantes d’une action plus vaste :

Adam Podhola,  photo: Masha Volynsky
« Les réactions sont vraiment positives. Nous avons reçu justement beaucoup de réactions de gens qui ne nous supportaient pas auparavant. Certains nous ont écrit qu’ils ont aussi changé leur opinion sur le sujet. C’est vraiment quelque chose de positif je crois. Mais l’un des buts de cette campagne, c’est aussi d’ouvrir la discussion, de parler de sujets qu’on a souvent peu de volonté d’aborder. »

Quelles sont les autres orientations de votre projet ?

« Nous sommes aussi une plate-forme qui travaille avec d’autres groupe qui ont le même but. Nous voulons utiliser des méthodes innovantes, parfois artistiques, pour traiter ce sujet. Mais cette campagne, ce n’est pas seulement le HateFree Culture, il y a également des travaux de recherche ou encore la formation de la police ou des professeurs dans l’enseignement secondaire, pour réfléchir à la façon de combattre la haine, à la façon de travailler avec ce sujet dans les régions plus sensibles de la République tchèque. »

Martin Konvička,  photo: ČTK
Parmi les pages internet où pullulent les propos racistes, figure en bonne place la page facebook du mouvement du ‘Bloc contre l’islam’, « une secte xénophobe » selon le premier ministre, dont le rassemblement du 17 novembre dernier a été l’occasion pour le chef de l’Etat Miloš Zeman de s’afficher avec son fondateur, le professeur de biologie Martin Konvička. Celui-ci a justement été inculpé le 18 novembre dernier pour incitation à la haine et risque jusqu’à deux ans de prison s’il est reconnu coupable. L’intéressé évoque « la liberté d’expression », « un procès politique » et fait un parallèle avec la période des grands procès sous le communisme dans les années 1950. Entre 2011 et 2014, sur sa page facebook semi-publique, l’inculpé proposait la création de « camps de concentration pour musulmans » qu’il menaçait « de réduire en charpie ».