Une cantate signée Mozart et Salieri retrouvée et jouée après plus de 200 ans à Prague

'Per la Ricuperata Salute di Offelia', photo: ČTK

Une cantate perdue, composée en commun par Mozart et Salieri, a été redécouverte plus de deux siècles après sa création dans les collections du Musée tchèque de la musique, un établissement rattaché au Musée national à Prague. Intitulée « Per la Ricuperata Salute di Offelia », elle a été jouée pour la première fois au public ce mardi par le claveciniste tchèque Lukáš Vendl. Radio Prague qui a assisté à sa présentation solennelle, vous propose de découvrir cette rare trouvaille et son histoire :

'Per la Ricuperata Salute di Offelia',  photo: ČTK
La cantate « Per la Ricuperata Salute di Offelia » (Pour la santé retrouvée d’Ophélie), a été créée en 1785 d’après un livret du poète viennois Lorenzo Da Ponte par le fameux musicien autrichien, Wolfgang Amadeus Mozart, en coopération avec le compositeur italien Antonio Salieri et un certain Cornetti, auteur dont l’identité reste pour l’instant inconnue. Cette composition joyeuse célèbre le rétablissement d’une chanteuse viennoise d’origine anglaise, Nancy Storace, interprète reconnue des œuvres de Mozart et de Salieri, qui avait perdu sa voix lors de la première d’un opéra composé par son frère et qui n’était réapparue sur scène que quelques mois plus tard.

Si la première mention de cette œuvre se trouve dans le catalogue Köchel, un inventaire des œuvres de Mozart datant de 1937, la composition a été longtemps crue perdue. Son existence était connue seulement grâce aux deux journaux viennois de l’époque, Wiener Blättchen et Wiener Realzeitung, qui avaient annoncé la possibilité d’acheter des exemplaires de cette œuvre, publié par Josef von Kurzböck, dans un magasin de musique Artaria et Comp. Directeur du Musée national, Michal Lukeš explique la façon dont elle a été retrouvée deux cents ans plus tard dans les archives du Musée tchèque de la musique :

Michal Lukeš | Photo: Kristýna Maková,  Radio Prague International
« Cette œuvre n’était pas perdue. Elle n’était seulement pas identifiée. Elle se trouvait dans les collections du Musée national depuis les années 1950. A l’époque, quand ces collections ont été cataloguées, la cantate n’a pas pu être identifiée car les signatures avaient été chiffrées et les archivistes n’ont pas réussi à déterminer ses auteurs. Ce n’est qu’en 2015, lors d’un nouveau catalogage, que nos bibliothécaires ont déchiffré les noms d’auteurs à l’aide de nouveaux acquis et des sources modernes. Et puis, M. Timo Jouko Herrmann, un musicologue allemand qui s’intéresse depuis longtemps à Salieri, a identifié qu’il s’agissait d’une œuvre longtemps perdue. A notre connaissance, il n’existe nulle part ailleurs d’autres exemplaires de cette composition. Il s’agit donc de l’unique original de son livret, ainsi que de sa partition. »

Antonio Salieri
La cantate, composée pour le chant et le piano en une seule semaine, est formée de quatre strophes séparées, dont deux écrites par Mozart, une par Salieri et une par Cornetti. Sa partition de quatre pages est rattachée au livret. Si certaines légendes racontent que Salieri était jaloux du génie de son jeune collègue, voire même qu’il ait été responsable de sa mort, M. Herrmann, le musicologue qui a révélé la valeur du morceau présent dans les archives du Musée national à Prague, indique que cette chanson représente une nouvelle preuve que les relations entre ces deux compositeurs étaient plutôt correctes. Mais comme l’explique Michal Lukeš, ce n’est pas seulement son histoire qui rend cette découverte exceptionnelle :

Photo: ČTK
« Je ne suis pas musicologue mais il s’agit d’une découverte importante. Des trouvailles similaires, et non seulement des œuvres de Mozart ou de Salieri mais aussi d’autres compositeurs, sont aujourd’hui très rares. Je ne me souviens pas que l’on ait trouvé une chose pareille en République tchèque ces dernières années. Et comme l’indiquaient nos collègues d’Autriche et d’Allemagne, cette découverte a une importance mondiale. »

Retrouvée au moment où l’on fête le 260e anniversaire de la naissance de Wolfgang Amadeus Mozart, l’exemplaire original de l’œuvre pourrait, selon le directeur du musée, bientôt être exposé au public.