35 ans depuis l'envahissement de la Tchécoslovaquie par les troupes du Pacte de Varsovie

L'invasion du 21 août 1968, photo: CTK

Cette année, les Tchèques se souviennent pour la 35e fois déjà de la nuit fatidique du 21 août 1968 où le pays a été envahi par les troupes du Pacte de Varsovie. Le séjour dit temporaire des troupes d'occupation s'est prolongé à plus de 21 ans. Les pays "frères" préparaient l'invasion 4 mois à l'avance et la Tchécoslovaquie ne pouvait, à elle seule, la détourner. Quels étaient les préparatifs de l'invasion? Les données des archives témoignent.

Ludvik Vaculik - 1968,  photo: CTK
Le processus réformateur consistant dans la tentative d'édification du socialisme à visage humain, en cours en Tchécoslovaquie depuis janvier 1968, inquiétait fort Moscou et les pays du Pacte de Varsovie, la RDA, la Pologne, la Bulgarie et la Hongrie. L'invasion du 21 août 1968 se préparait depuis déjà le 8 avril, où le maréchal soviétique Gretchko a donné l'ordre au commandant du groupe sud des armées soviétiques en Hongrie, le général Provalov, d'ouvrir l'opération "Danube", nom derrière lequel les préparatifs d'une intervention armée se cachaient. Elle a été précédée, entre le 20 et 30 juin, de manoeuvres militaires sur le territoire tchécoslovaque dans le massif de la Sumava. Comme il s'est avéré, ces manoeuvres, ayant réuni 30 000 soldats, ont été une sorte de répétition générale avant la première. Dans le courant du juillet, et notamment après la publication de l'appel "2000 mots" de Ludvik Vaculik, la pression de Moscou sur la direction de Dubcek prend de l'ampleur.

Le 15 juillet à Varsovie, les cinq pays approuvent la lettre ouverte adressée au PCT. Elle contient un avertissement grave et des éléments d'une menace, expression de la doctrine de Brejnev s'arrogeant le droit d'intervenir dans les affaires internes des pays socialistes. Après que les dirigeants tchécoslovaques rejettent, dans leur réponse, la thèse sur l'aide internationale des cinq et leur détermination de défendre le socialisme dans un autre pays, Moscou met en état d'alerte les troupes de l'opération

Vasil Bilak et Frantisek Kriegel,  photo: CTK
La vie en Tchécoslovaquie, ce 20 août, suit son rythme habituel. La télévision propose ce soir fatidique un film poétique, la Rivière chante. Aucun signe de ce qui allait arriver, dans les heures suivantes. Un calme avant l'orage règne dans le pays, à l'exception de Prague. En attendant, des groupes de conspiration terminent, en divers endroits de Prague, les derniers préparatifs à l'action. Leur attention est concentrée sur le déroulement des délibérations de la présidence du CC du PCT précédant le 14e congrès auquel l'aile des fidèles de Moscou - Bilak, Kolder, Indra, Kapek doivent présenter un rapport sur la situation critique dans le pays et convaincre le congrès de la nécessité d'adresser à la partie soviétique les lettres dites d'invitation à l'intervention. Le directeur de l'administration centrale des communications, Karel Hoffmann, prépare la publication de cette déclaration dans les médias. A un autre endroit de Prague, Viliam Salgovic, vice-ministre de l'Intérieur et principal agent du KGB en Tchécoslovaquie, prépare l'atterrissage de groupes parachutés de Moscou à l'aéroport de Prague Ruzyne et la pacification de l'armée et des gardes frontière.

L'invasion du 21 août 1968,  photo: CTK
Le calme des habitants des régions frontalières est perturbé, le 20 août, vers 23 heures, par le bruit des avions et des véhicules blindés. La nouvelle sur le passage de la frontière par les troupes soviétiques a l'effet de choc sur la population de la Tchécoslovaquie et sa direction. A l'insu et contre la volonté des organes constitutionnels, une masse armée énorme envahit le pays: 28 divisions blindées, une armée aérienne de 800 appareils, une armée de l'air de 800 avions, 6300 tanks, 2000 canons, 750 000 soldats. Cette force se dirige du territoire de Pologne et de RDA, au nord, de Hongrie, au sud, et d'URSS, à l'Est. Vers 2 heures du matin, le 21 août, les grands cargos avec à bord la 7e division de chars atterrissent à Prague. Les colonnes se mettent en mouvement dans Prague nocturne pour occuper les centres stratégiques: l'état-major général, le château, la présidence du gouvernement, le CC du PCT...

Alexander Dubcek,  photo: CTK
Inquiet par les informations sur la circulation des troupes, le ministre de la Défense, Martin Dzur, consulte l'ambassadeur soviétique Tchervonenko et le général Jamscikov, représentant de la direction du Pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie. L'assurance ce ces derniers, à savoir que l'intervention se fait avec le consentement de Dubcek, est de la pure mystification. Dans des circonstances dramatiques, le ministre donne l'ordre aux unités tchécoslovaques de ne pas opposer la résistance armée aux troupes d'invasion. Le gouvernement se réunit pour condamner l'occupation en tant qu'acte d'agression contraire aux principes fondamentaux des rapports entre les Etats socialistes et contestant les normes fondamentales du droit international.

La résistance spontanée de la population contre l'occupant fait 72 morts, 266 blessés graves et 436 blessés légèrement. La tentative de Moscou de former à Prague un gouvernement paysan ouvrier pro-soviétique échoue. Les dirigeants réformateurs sont escortés à Moscou. Sous une pression psychique, ils sont contraints de signer le dit protocole de Moscou qui interdit les organisations qualifiées d'anti-socialistes, introduit le contrôle de la presse, et ordonne des changements de cadres. De retour à Prague, la direction politique espère pouvoir mener une politique de compromis, mais elle se trompe. Les hommes du Printemps de Prague avec à leur tête Alexander Dubcek sont éliminés de leurs fonctions. Le pays aura une direction de normalisation représentée par Gustav Husak.