L’Année de la famille Pernštejn

Erb Viléma z Pernštejna
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« La famille Pernštejn et son époque », tel est le titre d’une exposition qui s’ouvre le 3 mai au palais Salm, sur la place du château de Prague. Elle met à l’honneur la puissante dynastie morave des Pernštejn. Exerçant des fonctions de diplomates, chanceliers, militaires et économes, les Pernštejn ont influencé pendant près de 400 ans la politique du royaume de Bohême.

Il faut remonter à 1258 pour expliquer la généalogie de la famille Pernštejn qui est étroitement liée au domaine du château éponyme situé dans l’actuelle Moravie centrale. La famille Pernštejn qui a une tête de bison dans ses armoiries, tirerait son origine d’un charbonnier dénommé Vaněk. Ce dernier, selon une légende, aurait arrêté un bison dans la vallée de la rivière Svratka, précisément là où se trouve le château de Pernštejn. En reconnaissance de son courage, le margrave morave lui a conféré un titre de noblesse et des terrains aux alentours. Le symbole du bison ainsi que la devise suivante : « qui persistera, triomphera » figurent depuis sur les armoiries de la famille Pernštejn, raconte Petr Svoboda, garant du projet L’Année des Pernštejn :

« La famille Pernštejn a influé pendant près de 400 ans sur le cours de l’histoire de Bohême, de Moravie et de Silésie. Bien évidemment, il ne faut pas idéaliser, il n’y avait pas que des héros et des personnages positifs. De toute façon, l’histoire de la famille a duré plus de 400 ans. Elle est attestée pour la première fois au tournant des XIIe-XIIIe siècles dans des manuscrits qui mentionnent le nom de Gothard de Medlov. Faute de descendance masculine, la famille Pernštejn s’éteint en 1631. »

425 années se sont écoulées, le 11 janvier, depuis le mariage de Polyxène de Pernštejn avec Vilém de Rožmberk : un acte qui a multiplié les richesses familiales. Propriétaires de plusieurs châteaux et villes en Moravie tels que Pernštejn, Helfštýn, Plumlov, Prostějov ou Přerov, les Pernštejn ont acquis des domaines des Rožmberk autour du château de Hluboká, au sud de la Bohême. Plus tard, Vilém de Pernštejn a édifié un important empire Renaissance en Bohême de l’Est, en choisissant Pardubice comme siège familial et en bâtissant le château de Litomyšl :

Vilém de Pernštejn
« Vilém était le compagnon du roi Ladislas le Posthume. Plus tard, il a été très proche du roi Georges de Poděbrady, ainsi que de son successeur, Vladislav Jagellon. Héritier de grandes richesses familiales multipliées encore durant les guerres avec la Hongrie, Vilém prêtait d’importantes sommes financières au roi Jagellon, en bénéficiant, en retour, de conditions favorables pour ses activités économiques. Après l’élection de Vladislav Jagellon roi de Hongrie, le pouvoir des Pernštejn a atteint son apogée. Hélas, l’usage de prêter de l’argent au roi s’est transformé en une obligation pour les générations futures et la famille Pernštejn s’est terriblement endettée. On dit que les Pernštejn ont été les inventeurs de l’une des premières crises financières globales, car le fils de Vilém, Jaroslav, a choisi de régler sa situation en fuyant. Si aujourd’hui, les îles Bahamas sont considérées comme un paradis fiscal, lui s’est contenté de fuir en Italie. »

Les Pernštejn, outre un rôle économique et politique au sein du royaume de Bohême, entretiennent des rapports étroits avec l’Espagne. Un grand rôle y est joué par le mariage de Vratislav de Pernštejn, conseiller de l’empereur Maximilien II, avec Maria Manrique de Lara :

Le palais Lobkowicz
« Vratislav, quand il était jeune, faisait partie de la cavalerie accompagnant le futur empereur Maximilien II de Habsbourg lors de ses voyages. Plus tard, en tant que diplomate au service de l’empereur, Vratislav a représenté le souverain au mariage du roi d’Espagne Philippe II avec Marie Tudor célébré en 1554 à Londres. Après avoir passé quatre ans en Espagne, Vratislav retourne en Bohême avec sa future épouse, Maria Manrique de Lara laquelle introduit la culture de son pays en Bohême. Le palais Pernštejn dans le complexe du château de Prague qui s’appelle aujourd’hui palais Lobkowicz devient alors un salon espagnol réputé. D’Espagne, Manrique de Lara ramène à Prague aussi la statuette de l’Enfant Jésus. »

Les vêtements pour le Petit Jésus de Prague
Depuis 1628, date du don de cet objet de culte par la fille de Manrique de Lara, la princesse Polyxène de Pernštejn, aux Pères Carmes de Prague, la statuette miraculeuse baptisée Petit Jésus de Prague est honorée dans l’église de Notre-Dame-de-la-Victoire. Faute de descendance masculine, la famille Pernštejn s’éteint en 1631 et les biens familiaux tombent dans les mains des Lobkowicz, comme l’observe Duňa Panenková, commissaire de l’exposition « La famille Pernštejn et son époque » :

Duňa Panenková
« Polyxène de Pernštejn, dont nous venons de célébrer, le 11 janvier dernier, le 425e anniversaire du mariage avec Vilém de Rožmberk, s’est remariée, en 1603, avec le chancelier suprême, le compte Lobkowicz, chef de la noblesse catholique tchèque. Par cet acte, les biens des Pernštejn ont été transférés à la famille Lobkowicz et grâce à cette dernière, ils ont pu être en grande partie sauvegardés. »

Pour Duňa Panenková, l’héritage des Pernštejn réside en premier lieu dans leur activité de construction :

Château de Pernštejn,  photo: CzechTourism
« Le château de Pernštejn est un exemple d’architecture féérique, sans oublier Pardubice, avec son château et sa place Renaissance à arcades, et bien entendu aussi Litomyšl qui est le château de rêve de chaque architecte, car il a été bâti dans le style Renaissance par Vratislav de Pernštejn, il ne s’agissait pas de la rénovation d’un château ancien. »

Vratislav Eusèbe, petit-fils de Vratislav de Pernštejn, est le dernier descendant en ligne masculine de cette famille. Il meurt en 1631 dans un des conflits de la guerre de Trente Ans. L’historien Petr Vorel conclut :

« La famille Pernštejn occupe une place particulière dans l’histoire tchèque du fait qu’elle nous a laissés un grand nombre de patrimoine matériel. Au XVe siècle et au début du XVIe, lorsqu’elle comptait parmi les familles nobles les plus puissantes en Bohême et en Moravie, beaucoup de châteaux, châteaux-forts et réserves historiques ont vu le jour grâce à leur activité de construction. C’est sans doute l’une des raisons pour laquelle la perception de cette famille, son image dans l’histoire, a toujours été très positive. Une autre raison pourrait être la disparition de la famille avant la fin de la guerre de Trente Ans. Une certaine idéalisation du bon vieux temps avant ce conflit sanglant a sans doute contribué elle aussi à ce que la famille Pernštejn soit perçue d’un œil positif pour l’évolution historique tchèque. »