L'histoire du musée Josef Vachal à Litomysl

Portmoneum

J'aimerais vous entretenir aujourd'hui de l'histoire du musée Josef Vachal à Litomysl. Ville historique de tradition ancienne, réputée pour son château Renaissance, et pour le lieu de naissance du compositeur Bedrich Smetana, Litomysl possède une particularité à l'échelle nationale: le musée qui s'appelle Portmoneum et qui est un musée de Josef Vachal, peintre graphiste et écrivain mystique qui a orné les murs du musée de ses propres peintures au prime abord hétérogènes et diaboliques, tant par les sujets que par les couleurs.

Le musée se trouve à la limite de la ville historique de Litomysl et de son quartier périphérique Zahrad. Jadis, la maison appartenait à la famille Portman. Josef Portman découvre, très tôt, des xylographies de Josef Vachal qui réveillent son intérêt pour le symbolisme et le mysticisme dans l'art plastique et les belles lettres. Possédé entièrement par la conception magique de l'art plastique de Josef Vachal, il soumet toute sa vie à l'effort de réunir le maximum de feuilles graphiques, de tableaux et de livres de ce grand peintre symboliste et mystique tchèque.

Portman rencontre Vachal pour la première fois, dans son atelier à Prague-Vrsovice, au lendemain de la proclamation de la République tchécoslovaque, en 1918. C'est encore avant la guerre que l'enthousiasme pour l'oeuvre de cet artiste, mésestimé de sa vie dans son pays, avait motivé la décision de Portman d'édifier à Litomysl le Vachaleum, une galerie privée consacrée à ses oeuvres. Il lui demande de décorer le plafond et les murs de sa petite chambre et de peindre une armoire-penderie dans sa maison. En 1920, Vachal se rend à Litomysl pour y passer une semaine d'août et, lors de cette première visite chez Portman, il couvre un plafond, un mur et une armoire-penderie de ses peintures visionnaires. C'est avec une obstination qui lui est propre, que Portman persuade Vachal de réaliser d'autres travaux encore: l'ornement plastique des meubles, une bibliothèque, une table, trois chaises et un lit, puis une grande xylographie intitulée l'autel des mystiques, de même que plusieurs tailles de bois. Vachal termine les travaux en 1924, au moment où son amitié avec Portman commence à se heurter à des mésententes. Après 1927, les deux hommes ne se rencontreront plus.

Malgré leur rupture, Portman ne cessera jamais de collectionner les travaux de Vachal. Au déclin de sa vie, il lègue toutes ses collections, sa bibliothèque et sa correspondance à la Galerie Karasek de Prague. Ce qu'il n'a pas pu faire dans le cas des peintures murales de Vachal, qu'il n'était pas possible de déplacer. Après la mort de Portman, en 1968, les peintures se dégradent, dans la maison abandonnée. D'autant que les travaux de Vachal n'étaient pas vus d'un bon oeil par l'idéologie communiste au pouvoir. Après un incendie qui a frappé la maison, il semblait que l'oeuvre de Vachal étaient vouée à la disparition.

Ce n'est qu'en 1990, grâce à l'éditeur Ladislav Horacek, que la maison est sauvée et les objectifs de Portman et Vachal réunis d'une manière idéale. En effet, la maison d'édition, aujourd'hui l'une des plus prestigieuses de Bohême, a démarré par un programme vachalien. Sa marque "Paseka" doit d'ailleurs son nom à un personnage du Roman sanglant de Vachal. L'éditeur achète, en 1991, la maison de Portman et engage des restaurations pour remettre la maison et les peintures dans leur état d'origine. Les travaux sont achevés en 1993. Le musée Josef Vachal est inauguré, le 26 juin de la même année.

Le fonds de ce musée privé consiste en deux pièces ornées de peintures murales. Comme si leur iconographie résumait les horizons spirituels des deux amis d'autrefois. Il s'agit là d'un éclectisme de sujets et styles artistiques à la fois. Les sujets ont plusieurs plans, le visiteur peut y découvrir des motifs tirés des romans sanglants et d'autres de Vachal qui touchent l'astrologie, la dogmatique chrétienne, le mysticisme, la cabale, la magie noire et blanche, la franc-maçonnerie, l'occultisme, l'ésotérisme. Fidèle à lui-même, Vachal y met en valeur aussi son sens de l'ironie, de la caricature et du sarcasme. Le mélange caractéristique de styles le conduit à une synthèse originale de l'expressionnisme, du symbolisme, du cubisme et du futurisme. Les peintures murales représentent une structure tellement compliquée qu'il est très difficile de les décrire simplement. Le mélange de sujets et de styles a pourtant une logique intérieure, mais qu'il est difficile de déchiffrer sans la connaissance de l'ouvrage de Vachal. On y trouve des paysages, une multitude de diables, diablotins, gnomes et esprits, en alternance avec des sujets classiques de l'iconographie chrétienne et de renvois à la Bhagavand-Gita hindouiste et à d'autres sources orientales. Il s'agit, en fait, d'un "orbis pictus" de la vie mentale de Vachal et de ses opinions artistiques. Les meubles sculptés et peints, et les peintures murales dans leur ensemble, renferment un message et ne cessent de provoquer d'autres interprétations, et de chercher d'autres sens dissimulés.

Le musée Josef Vachal est un atelier et une source d'inspiration à la fois. Le génie local de Litomysl y joue son rôle. La réussite des travaux de restauration a été une impulsion à la fondation, à Litomysl, de l'Ecole de restauration et de techniques de conservation gérée par la fondation Paseka qui forme, dans ses trois ateliers, les futurs restaurateurs de monuments tchèques.