Iva Procházková, une écrivaine qui sait regarder le monde par les yeux des enfants

Iva Procházková

L’imagination, le style captivant, la connaissance de la psychologie des enfants et l’intérêt pour les questions fondamentales de l’existence humaine – tels sont les aspects principaux de l’œuvre de la prosatrice et dramaturge tchèque Iva Procházková. Son dernier opus intitulé « Uzly a pomeranče – Nœuds et oranges », est un livre sur le courage, la responsabilité et le premier amour d’un garçon de treize ans. Le livre qui vient de sortir aux éditions Albatros attire de nouveau l’attention des lecteurs sur cette écrivaine qui sait regarder le monde par les yeux des enfants.

Iva Procházková
Bien qu’elle soit auteure de toute une série d’œuvres pour les adultes, Iva Procházková investit sans doute la meilleure partie de son talent dans la littérature pour enfants et adolescents. Sa propre adolescence n’a pas été facile car elle est née dans la famille de Jan Procházka, écrivain et scénariste connu qui est une figure importante de la libéralisation politique de l’année 1968 et qui sera réduit au silence après l’occupation de la Tchécoslovaquie en 1968. Stigmatisée par ses antécédents familiaux, Iva Procházková qui se sent attirée par la vocation littéraire, se heurte évidemment à l’hostilité du régime arbitraire et se rend compte qu’elle ne pourra pas écrire ni publier librement. La situation de sa famille aura un grand impact sur le choix de ses sujets littéraires :

« Je pense que rien n’est dû au hasard. Si l’on n’arrive pas à une chose par un chemin, on y arrive certainement par un autre. Mon chemin concrètement a commencé sous le régime totalitaire. Je voulais écrire à tout prix mais il était pratiquement exclu de publier les livres pour adultes avec le nom de Iva Procházková, fille de Jan Procházka qui était persona non grata. Et à ce moment-là, quelqu’un m’a conseillé d’essayer d’écrire une histoire pour enfants. J’avais 21 ans, je n’étais pas vraiment mûre et je voulais écrire à tout prix de grandes histoires pour les gens mûrs. Mais il m’est arrivé un heureux événement, je suis tombée enceinte et ma pensée s’est tournée tout simplement un peu plus vers les enfants et vers les souvenirs de ma propre enfance. »

C’est ainsi que l’écrivaine en herbe écrit son premier livre intitulé « A qui manque une roue ? » Elle se rend compte que ce genre de littérature l’amuse et écrire pour les enfants et les adolescents devient son occupation principale bien qu’elle se permette de déserter parfois ce genre pour écrire des scénarios, des textes pour le théâtre et des contes pour adultes. La littérature pour enfants restera pour elle un refuge sûr pendant toute sa vie. Comme elle n’arrive pas à réaliser ses ambitions littéraires dans la Tchécoslovaquie communiste, Iva Procházková émigre en 1983 avec sa famille en Autriche, puis en Allemagne où elle vit et travaille d’abord à Constance, et ensuite à Brême :

« La vie en Allemagne m’a montré que la littérature pour enfants et adolescents était un genre d’avenir, que les lecteurs demandaient cette littérature, qu’elle devenait un genre respecté et non pas une petite cendrillon dans le monde littéraire et que ce genre que j’ai choisi par hasard m’offrait de grandes possibilités. J’ai donc récidivé et écrit un autre livre qui a été traduit en allemand et m’a apporté, je ne veux pas dire le succès, mais m’a ouvert les portes des maisons d’édition allemandes. Cela a été décisif. D’une part j’étais obligée de gagner ma vie, d’autre part je voyais que mes livres suscitaient des réactions qui étaient souvent très positives et je voulais donc continuer dans cette voie. »

Qu’est ce que la littérature pour enfants ? En quoi diffère-t-elle des livres pour adultes ? Y a-t-il des thèmes tabous qu’elle ne peut pas aborder ? Iva Procházková pense que la gamme des thèmes de la littérature pour enfants peut être très large :

« Jusqu’à présent je ne me suis pas heurtée à une limite que je craindrais dépasser. Ce n’est probablement pas un hasard que dans certains de mes livres pour enfants il y ait des thèmes que je voulais d’abord traiter dans des ouvrages pour adultes. Finalement j’ai réalisé qu’une certaine simplicité du récit pour enfants me donnait une plus grande possibilité de manifester un certain courage. L’homme adulte est plus sceptique, il faut toujours chercher à le convaincre, il est habitué à une certaine forme. Dans ce sens la littérature pour enfants est un champ idéal qu’on peut labourer. »

C’est son séjour en Allemagne qui a beaucoup aidé Ida Procházková afin de s’orienter dans cette problématique. Dans les années 1970 et 1980 la littérature pour enfants en Allemagne traitait pratiquement de tous les thèmes, même de ceux qui étaient considérés comme délicats et quasi inabordables. La valeur littéraire de ces œuvres était cependant assez inégale. C’est cette expérience allemande qui permet à Iva Procházková de constater que l’écrivain qui s’adresse aux enfants peut écrire sur n’importe quel sujet mais qu’il doit être connecté intérieurement avec le thème choisi. Il faut que cette problématique intervienne d’une certaine façon dans la vie de l’auteur. L’auteur lui-même doit avoir besoin de résoudre le problème qu’il décrit.

Aujourd’hui Iva Procházková vit de nouveau dans sa patrie, écrit et collabore avec Česká televize (Télévision publique tchèque). Deux de ses livres pour enfants ont remporté le prix Magnesia litera, distinction littéraire la plus importante décernée en République tchèque. Elle se rend compte de l’importance de la lecture dans la vie des enfants et n’oublie pas le rôle que les livres ont joué dans sa propre enfance :

« Je me rappelle que ce que nous lisions alors était un mélange intéressant. Il n’y avait certainement pas de littérature naïve pour les plus petits. C’était parfois des livres qui dépassaient un peu les possibilités intellectuelles de l’enfance et je pense que c’était bien … Quand je me heurtais à un passage que je ne comprenais pas, j’en parlais à mon père, on en discutait et c’est ainsi que je complétais mes connaissances. »