Les jeunes écrivains édités en République tchèque

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L'été est une période propice à la lecture et pour le débuter dans un esprit de nouveauté et d'inspiration, à la découverte de mondes littéraires encore inconnus, je vous propose de nous pencher sur la jeune littérature tchèque contemporaine.

Tout comme pour sa cousine française pour laquelle il est souvent difficile de trouver une sorte de fil conducteur au milieu des milliers de publications qui se retrouvent en librairie chaque année, la création littéraire tchèque souffre du même syndrôme, offrant à l'abord plus de questions que de réponses, lorsque l'on décide de s'y pencher un instant. Mais pourquoi ne pas essayer malgré tout ?

Cette rubrique littéraire ne se veut pas une compilation exhaustive, mais une tentative d'approche, d'apprivoisement, un regard, pour essayer d'y voir un peu plus clair. Cette semaine, j'ai choisi de vous faire part de deux points de vue d' « anciens » au niveau générationnel. Finies les queues devant les librairies devant les magasins d'alimentation pour réussir à acheter « le » livre jusque là introuvable ; terminés les temps où écrire était synonyme d'opposition, de rébellion mais aussi et surtout une activité qui pouvait nuire gravement à la santé... Ces temps sont heureusement révolus et l'histoire a donné raison à tous ces gens de plume qui ont tenu bon, à la force des mots. Mais qu'en est-il depuis ? Xavier Galmiche est professeur de littérature tchèque à la Sorbonne, traducteur également et auteur de nombreux ouvrages. Pour lui, il y a en effet une véritable explosion littéraire depuis une dizaine d'années, écoutons-le nous éclairer sur la chronologie de plus de 15 années de liberté d'écrire et de publier :

« Je pense que jusque dans les années 95-96, on a été dans une logique de récupération, c'est-à-dire, rattraper le temps perdu, rééditer des auteurs qui étaient interdits ou qui étaient publiés par le samizdat et l'émigration. A cette époque là, on a cru qu'il n'y avait pas d'actualité littéraire, et donc depuis un peu moins de dix ans, on s'aperçoit que c'était faux et qu'il y a eu une sorte de ville littéraire souterraine. Et donc c'est une vraie explosion depuis 1996-97-98, l'explosion d'une nouvelle génération. »

La notion de jeunesse en littérature est bien entendu à prendre avec beaucoup de précautions. On peut être jeune en littérature, jeune en âge, tout dépend de quel point de vue on se place. Justement, Jachym Topol, âgé de 40 ans, ancien dissident interdit de publication jusqu'à 1989, connu en France par ses ouvrages traduits, pourrait être finalement classé parmi les « jeunes ». Pourtant, sa génération représente plutôt une sorte de trait d'union entre deux générations qui se sont succédées à la vitesse de l'éclair, ce qui a des conséquences tant au niveau sociologique, que littéraire. C'est donc au « jeune-écrivain-déjà-ancien » que j'ai demandé son point de vue de sage sur la jeunesse :

« En ce qui concerne la génération tchèque la plus jeune, c'est-à-dire ceux qui ont du succès, ceux dont on lit les noms dans les journaux, ceux qui sont visibles, ce qui me semble particulièrement intéressant, c'est que très souvent, leurs romans se déroulent ailleurs, carrément ailleurs qu'en République tchèque ou que dans l'ancienne Tchécoslovaquie... Par rapport au passé communiste récent, c'est une vraie nouveauté. Pourquoi ? Parce que bien sûr, il y a eu une explosion de la liberté, et pour ces personnes âgées, par exemple, aux alentours de la trentaine, ou pour les plus jeunes encore, c'est absolument normal d'aller faire un tour à l'étranger. Il y a beaucoup d'auteurs comme ça, à l'heure actuelle, et ils ont un point commun entre eux : ils partent à l'étranger. C'est une spéculation toute personnelle, je ne sais pas dans quelle mesure elle est juste, mais j'ai le sentiment que c'est comme si ces jeunes Tchèques fuyaient loin de l'histoire de ce pays, devant cette histoire horrible et atroce. On verra comment ça va évoluer. J'ai l'impression que chez ces jeunes auteurs, il y a un besoin de respirer, de se reposer et d'aller ailleurs, radicalement. »

Jaroslav Rudis
Et en effet, si l'on observe un peu la jeune production littéraire de ces quelques dernières années, en tenant compte d'une vraie qualité d'écriture et d'un certain succès sinon en librairie et dans les échos recueillis chez les critiques, les exemples sont légion : Magdalena Platzova, jeune auteure dont le personnage voyage de Prague à l'Angleterre, en passant par la Suisse et Paris, pour se retrouver en Inde, a écrit Le retour de l'amie, quête de soi et d'indépendance d'une jeune fille juste après la chute du rideau de fer. Jaroslav Rudis, avec Les cieux sous Berlin, nous emmène dans les couloirs de métro de Berlin, ville qui pulse et qui tourbillonne, attirant les paumés et les décalés comme un aimant. Ou encore Petra Hulova qui a rédigé un roman qui se déroule en Mongolie ou Tomas Kolsky, qui rapporte l'Israël d'aujourd'hui.

« En tout cas, cet aspect totalement nouveau témoigne aussi du fait que bon nombre d'écrivains tchèques écrivent grâce à des bourses, qui sont d'ailleurs très souvent très avantageuses en Allemagne. Moi-même j'en ai bénéficié un bon nombre de fois et je me suis retrouvé avec des écrivains albanais, américains, français, d'un peu partout. C'est donc intéressant de voir que ces jeunes gens commencent leur vie d'écrivains, de poètes, de littérateurs, non pas dans une chaufferie, ou dans un emploi stupide, ou encore en prison, comme la génération de ceux qui ont 40 ans, mais tout-à-fait normalement, comme de jeunes écrivains européens qui participent à des concours, à des enquêtes, il y en a même qui essayent d'écrire en anglais pour être publié dans le monde. Ca, c'est la plus grande différence entre la plus jeune génération, et disons, la mienne. »