Histoires extraordinaires des héros de guerre tchèques

« Les Tchèques arrêtés et emprisonnés par la Gestapo, ont fait preuve d'un courage hors du commun, de plus de courage peut-être que la plupart des nations européennes... » Sous le titre « Les histoires extraordinaires des héros de guerre », le quotidien MfD consacre dans son édition de ce mercredi, toute une page au sort des Tchèques pendant la Deuxième Guerre mondiale, mis en prison et condamnés à mort par le régime nazi. En voici les grandes lignes.

On n'est pas habitué à parler du courage voire de l'héroïsme des Tchèques. On aime plutôt à les présenter comme une nation de « Chveïk », héros du célèbre roman de Jaroslav Hasek. Dans son texte publié dans le quotidien tchèque le plus lu, MfD, Jan Gazdik montre une autre facette du « caractère tchèque »... En s'appuyant sur les études les plus récentes d'historiens tchèques, il parle du « choc qu'ont connu les chefs de la Gestapo de Prague, face au comportement brave et héroïque des Tchèques détenus, au seuil de la mort ».

677 patriotes tchèques ont été exécutés dans la prison Plötzensee, à Berlin. Récemment, l'historien Jaroslav Cvancara a découvert dans des archives allemandes des documents qui prouvent que leur comportement était exemplaire. Dans un rapport adressé au ministre du Reich K. H. Frank, Hans Ulrich Geschke, chef du bureau de la Gestapo de Prague, s'étonne de voir des condamnés tchèques s'exclamer avant leur exécution : « Je suis fier de mourir ainsi pour ma nation ».

Le prêtre Luhow se souvient : « Le colonel Ladislav Kotik a passé la dernière nuit de sa vie à écrire à sa femme. Ferme, il ne tremblait pas, pas de signe de peur... Ce sont les mains des gardes l'accompagnant de la cellule de la mort, qui tremblaient en revanche. »Pourquoi tremblez-vous donc ? Est-ce moi-même ou bien vous que l'on va exécuter ? », leur demanda le condamné.

Selon les co-détenus du lieutenant Jan Haas, ce dernier est allé à la guillotine, un sourire aux lèvres, comme s'il avait bien réussi un examen. Voici les ultimes paroles qu'il leur a adressées :

« Ne me regrettez pas, camarades. Je n'ai besoin ni de consolation ni d'espoir. Je vais mourir comme si j'étais au front. Je suis soldat et c'était donc une chose prévisible. Je n'ai pas peur. Je crois et je sais que la mort n'est pas une fin définitive ».

Le journal MfD met en relief les grandes pertes qu'a subies sous l'occupation nazie l'armée tchécoslovaque : un officier sur trois de l'état major tchécoslovaque a été exécuté, torturé à mort ou est tombé. Un cinquième d'une centaine de généraux actifs avant la guerre ont péri pendant la Deuxième Guerre mondiale. Et de se référer à l'historien Eduard Stehlik qui estime qu'il s'agit là de pertes, au niveau de l'élite militaire, qui n'ont pas de précédent dans d'autres armées.

L'historien admet que l'histoire tchèque a une grande dette envers les victimes et les héros de la Deuxième Guerre mondiale. Vladislav Gregr, Jaroslav Cebe-Habersky, Josef Kohoutek, Jan Uher... Aujourd'hui, on ignore jusqu'à leurs noms.

« Je risque de contrarier beaucoup de gens », dit l'historien Stehlik dans les pages du journal. « Mais force m'est de constater que pendant la Deuxième Guerre mondiale, les Tchèques se sont comportés en héros. En confrontation avec des centaines d'histoires héroïques, dont chacune mériterait un film, leurs échecs sont tout à fait négligeables ».

Et les Tchèques et la collaboration ? « Ils ne collaboraient ni plus ni moins que, par exemple, les Polonais, les Français ou d'autres nations », affirme Jan Uhlir de l'Institut d'histoire militaire qui tient à souligner que les victimes de la résistance tchèque contre le nazisme ont été des plus sanglantes.

Plutôt rusé et débrouillard que courageux, doté d'un sens de l'humour prononcé... Tel est en bref le portrait du « brave soldat Chveïk », héros de la célèbre oeuvre éponyme de Hasek, portrait que les Tchèques avaient souvent tendance à considérer comme étant le leur. Qu'en est-il aujourd'hui et que représente finalement Chveïk pour la nouvelle génération des Tchèques? Clément Duclos, étudiant français qui se trouve à présent à Prague dans le cadre du programme Erasmus, a cherché une réponse :

Le personnage a fait couler beaucoup d'encre en République tchèque et dans le monde, d'autant plus que le roman de Hasek s'adresse en priorité aux Tchèques eux-mêmes. Lorsqu'on discute de Svejk avec les Tchèques, en particulier les jeunes, deux réactions sont à prévoir. Certains, rares selon moi, déclarent avoir aimé le roman « le Brave Soldat Svejk » et avoir un faible pour le soldat autrichien, sa malice et son esprit débrouillard. Ils justifient également leur attachement à Svejk par sa capacité à tourner en ridicule l'armée autrichienne et personnifier l'humour noir et l'autodérision tchèques. Pour d'autres, il est l'archétype de l'anti-héros, candide et qui voit son destin lui échapper complètement, jouant de malchance et connaissant mésaventure sur mésaventure.

Pourtant, la plupart des Tchèques que j'ai pu rencontrer m'ont avoué que le personnage leur est antipathique, n'hésitant pas à le qualifier de mesquin, voire d'idiot. Certains m'ont même affirmé qu'il était honteux d'avoir comme héros national un soldat aussi fidèle à l'armée autrichienne, idiot de village qui plus est. D'autres, plus mesurés, affirment qu'il s'agit d'un individu parfaitement odieux et malhonnête, prêt à « lécher toutes les bottes possibles » pour empêcher son incorporation au front.

Le personnage de Svejk est donc très controversé, et continue, plus de quatre-vingt ans après son invention, à faire parler les Tchèques.