Novembre 1989 et Václav Havel, les sujets au menu de la presse

Photo: ČTK/Roman Vondrouš

Cette nouvelle revue de la presse de la semaine écoulée est, sans surprise, essentiellement consacrée aux commémorations de la révolution de Velours, survenue il y a 30 ans de cela, et rappelle aussi le rôle de sa figure phare, Václav Havel.

Photo: ČTK/Dalibor Glück
« A l’approche du 30ème anniversaire de la révolution de Velours, on voit se multiplier les textes et les déclarations qui donneraient à croire que l’on n’a pas affaire à une fête mais, plutôt, à un acte presque funèbre », constate l’auteur d’une note publiée dans la dernière édition de l’hebdomadaire Respekt. Il réagit ainsi à ceux qui prétendent, comme l’a fait récemment, par exemple, le commentateur du journal Deník N, que « le temps est venu de ne pas se mentir et d’accepter qu’en 1989, la majorité des gens ne voulaient pas la démocratie, mais tout simplement vivre mieux ». Le commentateur de Respekt détaille :

« Une telle description de novembre 1989 ne correspond pas à la vérité, c’est un des rares moments à être perçu par une majorité écrasante de personnes comme un événement positif... Les Tchèques ont souhaité et souhaitent la liberté ce que les dernières données publiées confirment clairement : dans une enquête effectuée par l’agence CVVM, près de 80 % des personnes interrogées ont répondu par la négative à la question de savoir s’ils préféreraient un retour au communisme. De même, ils ne veulent pas l’élimination du système parlementaire et l’instauration d’un système autoritaire. »

Le problème dont souffre aujourd’hui la société tchèque se nomme : crise de confiance. Selon le commentateur, les gens ont le sentiment qu’en cas de difficultés, il n’y a personne pour les aider, qu’il s’agisse de l’Etat ou des relations entre voisins. « Mais c’est un problème moderne qui n’a rien à voir avec la réalité postcommuniste », écrit-il.

Pour le commentateur du site novinky.cz, la désillusion engendrée par la démocratie est un signe propre à l’Europe occidentale. Or, le fait que les Tchèques s’interrogent sur le sens de la liberté et de la démocratie est une confirmation de ce qu’ils font désormais partie de l’espace mental occidental.

Photo: ČTK/Dalibor Glück
« Celui qui, en 1989, n’était pas de droite, n’avait pas de cœur. Celui qui, aujourd’hui, n’est pas au moins un peu de gauche, est dépourvu de bon sens ». Paraphasant la célèbre déclaration de Churchill, tel est le titre d’un article publié dans le quotidien Hospodářské noviny de jeudi qui se penche sur le glissement politique subi au cours des trente dernières années par les anciens leaders étudiants et une partie de la société tchèque :

« Après 1989, le rejet de tout ce qui était de gauche était naturel, car les communistes ont entièrement discrédité l’idée de la gauche. Toute personne qui se serait alors déclarée sympathisante gauche se faisait automatiquement étiquetter de ‘sale communiste’. La majorité de la société était alors à droite, car la droite symbolisait alors la liberté, l’initiative, les possibilités, la popriété privée, le ‘social’ étant implicitement lié à la pauvreté et au manque de liberté. Il s’agissait d’un mantra partagé par l’ensemble de la société, dont les restes se font d’ailleurs sentir encore aujourd’hui ».

En identifiant la pensée de gauche au marasme communiste, on a ignoré les perdants du système basé sur la libre concurrence. On a aussi oublié que certains termes comme « étatique », « communal » ou « commun » ne sont pas forcément des mots vulgaires, constate le commentateur qui conclut :

« Marginalisés, les plus démunis donnent désormais leurs voix aux populistes. Il est bon de se demander si le réveil et le glissement d’opinion d’une partie de la société qui souhaite une démocratie authentique n’arrivent quand même pas trop tard ».

Václav Havel, adulé et critiqué

Photo: ČTK/Roman Vondrouš
S’attaquer aujourd’hui à Václav Havel, sept ans après sa mort, est un exemple typique de la médiocrité tchèque. C’est ce que constate le chroniqueur de l’hebdomadaire Reflex en lien avec les critiques dont l’ancien dissident et ex-président tchèque fait l’objet. Il rappelle :

« Cela ne se discute pas : Václav Havel, défenseur déterminé de la liberté et de la démocratie, est à côté du premier président tchécoslovaque Tomáš Garrigue Masaryk la plus grande figure de notre histoire du XXe siècle. Il est le symbole de la révolution de novembre 1989, car il fut le garant de ce que notre pays puisse avoir des élections libres et, ensuite, de l’instauration d’un système démocratique. Havel n’était pas un meneur classique des foules, car sa pensée était très structurée, voire trop compliquée pour celles-ci. En dépit de cela, il a réussi à attirer le public qui l’aimait et qui l’écoutait. »

Havel était unique. Impossible d’imaginer, par exemple, que l’un de ses successeurs ait un jour, à l’instar de l’ancien président-dramaturge, un buste au Congrès américain, conclut ainsi le commentateur du magazine Reflex.