Se rappeler « Munich » et ses suites

Photo: Štěpánka Budková

Ces derniers jours, les médias ont évoqué non seulement les accords de Munich, signés il y a 80 ans, mais aussi la courte période de la Deuxième république qui les a suivis. Cette nouvelle revue de presse revient sur le sujet. Ensuite, l’évêque Václav Malý, une des figures de proue de la révolution de Velours, explique pourquoi, à ses yeux, la démocratie tchèque va mal. Il y sera aussi question des nouveaux défis du système éducatif tchèque et d’une nouvelle impulsion à attendre pour les rapports tchéco-américains. Une réponse, enfin, à la question de savoir si Krakonoš, personnage mythique des contes tchèques, a pu inspirer le magicien Gandalf, créé par l’écrivain britannique Tolkien.

Photo: Štěpánka Budková
« Après la signature des accords de Munich, les Tchèques ont établi une dictature. » C’est ce que titre l’éditorial de l’une des récentes éditions du quotidien Lidové noviny qui se penche sur le caractère de la Deuxième république, instaurée au lendemain de ces fameux accords survenus dans la nuit du 29 au 30 septembre 1938. Son auteur, l’historien Petr Zídek, écrit :

« La question de savoir si le pays devait s’opposer à la volonté des puissances, dont la France et la Grande-Bretagne, deux pays précédemment alliés, et d’engager un conflit militaire avec l’Allemagne, n’a de cesse de diviser la société tchèque. Derrière ces débats demeure une autre question non moins fondamentale : celle de savoir pourquoi, après la crise de Munich, les Tchèques ont promptement rejeté tout ce qu’ils avaient défendu jusque-là, c’est à dire une démocratie humaniste à la Masaryk et pourquoi ils se sont mis à édifier un Etat autoritaire qui a considérablement réduit les droits démocratiques, un Etat qui discriminait les Juifs et les Roms. »

L’article constate que les historiens ayant participé au débat que le journal a organisé à ce sujet ne sont pas unanimes sur les causes des tendances autoritaires de la Deuxième république. Tandis que pour les uns, elles ont été, en premier lieu, le fruit de pressions extérieures, pour d’autres, elles ont été inspirées de l’intérieur. D’autres encore ont mis l’accent sur l’antisémitisme tchèque qui s’est largement manifesté à l’époque et qui bénéficiait d’une importante base sociale.

L’auteur d’un autre texte qui est publié dans les pages du quotidien Lidové noviny et qui évoque également « Munich », remarque pour sa part :

« Les accords de Munich servent toujours d’argument de taille quand il s’agit d’évoquer un comportement défaillant de l’Occident à l’égard des petits Etats. Aujourd’hui, ils servent même d’argument contre l’Union européenne. Ceux qui ont recours à cet alibi omettent cependant de souligner qu’il y a une différence entre les gouvernements qui ont signé il y a 80 ans cet acte ‘pacifique’ honteux et les Etats qui sont aujourd’hui nos alliés à l’OTAN et à l’Union européenne. »

L’évêque Václav Malý : une démocratie boiteuse

Václav Malý,  photo: Martina Schneibergová
Une démocratie boiteuse. C’est ainsi que l’évêque Václav Malý, un des organisateurs et une des figures de proue des manifestations qui ont accompagné en novembre 1989 la révolution de Velours, a caractérisé pour le site aktualne.cz la démocratie telle qu’elle se présente en République tchèque, près de trente ans après ces événements historiques qui ont rendu au pays sa liberté. Il explique pourquoi :

« Ce qui est boiteux, c’est la société civique. Il y a beaucoup de gens qui sous-estiment les élections et qui ne se rendent pas compte qu’ils sont co-responsables de l’espace public. Ce sont pourtant nous, les autres citoyens, qui créons le climat au sein de la société. Cela concerne notamment les petites villes et les communes où les gens se connaissent. Ce climat a tendance à se déteriorer, car il est nourri par la peur des migrants, un sujet qui est déjà usé mais qui est tout le temps évoqué. Les gens n’ont plus envie de discuter car, souvent, ils préfèrent partir du principe répandu selon lequel la personne qui n’est pas d’accord avec moi est mon ennemi. Hélas, nous revenons à une façon de penser totalitaire. Le totalitarisme nous menace toujours, tout en venant d’autre part. »

Le grand danger, pour l’archevêque Václav Malý, c’est que les gens ne choisissent que certains types d’informations qui les rassurent dans leur vision du monde. D’autant plus qu’ils sont submergés par la masse de mensonges et de désinformations. Dans une telle situation, les gens se retrouvent isolés, renfermés dans leurs bulles, perdant le goût de la réalité. Il s’agit là, d’après lui, d’un terrain propice à toute sorte de démagogues et de manipulateurs qui veulent le pouvoir.

Une nouvelle impulsion pour les rapports tchéco-américains ?

James Mattis,  photo: Monica King / United States Department of Defense,  public domain
Après la récente visite en République tchèque du président de la Chambre des représentants, Paul Ryan, Prague devrait recevoir, bientôt, un autre haut représentant américain, le ministre de la Défense, James Mattis. Une information rapportée par l’hebdomadaire Respekt selon lequel « il s’agit de la part des Américains d’un geste indiquant que la Tchéquie est toujours considérée comme un allié important. » La visite qui doit avoir lieu le 28 octobre, à l’occasion des célébrations du centenaire de la fondation de la République tchécoslovaque, tombe en outre au moment des négociations autour de l’élargissement de la centrale nucléaire de Dukovany. Le magazine a précisé à ce sujet :

« Cette commande intéresse non seulement les Américains, mais aussi d’autres candidats. Le cabinet d’Andrej Babiš n’a pas encore décidé de la manière de réaliser ce projet, tandis qu’une partie des politiques tchèques plaide pour un accord intergouvernemental avec la Russie, d’autres privilégiant un appel d’offre publique. »

L’hebdomadaire Respekt rappelle que, depuis un certain temps déjà, les rapports tchéco-américains sont vidés de leur contenu et que la visite du ministre Mattis pourrait leur insuffler un nouvel élan.

Un de impératifs du XXIe siècle : de nouvelles formes d’éducation

Photo illustrative: Lupuca via Foter.com / CC BY-SA
Les nouvelles technologies avec en tête l’intelligence artificielle, la robotisation et la blockchain, ainsi que la génération des millennials. Tels sont, selon Pavel Kysilka, ex-gouverneur de la Banque nationale tchèque, les facteurs qui vont secouer le marché financier tel qu’il se présente aujourd’hui. Il s’est confié à ce sujet au site Roklen 24, insistant sur la nécessité de mettre sur pied de nouvelles formes d’éducation :

« Le XXIe siècle exige une formation tout au long de la vie qui, outre des connaissances élémentaires, développera les aptitudes sociales, soit la maîtrise de deux ou trois langues, la capacité de communication et de coopération. Le système scolaire tchèque offre tout un éventail de modèles d’éducation. Or, si c’est le modèle répondant au XIXe siècle qui prédomine toujours, c’est majoritairement de la faute du conservatisme d’une grande partie des parents et des décideurs. Le manque de personnalités authentiques à la tête des écoles en étant également responsable, il est donc nécessaire d’augmenter l’attrait de la profession pédagogique par le biais d’une hausse des salaires dans le secteur. »

Le licenciement de près de 70% des fonctionnaires et leur remplacement par une administration numérique. Tel serait d’après Pavel Kysilka ce qui permettrait d’améliorer la situation actuelle. Par ailleurs, par rapport à d’autres pays européens, dans le domaine de la numérisation, la Tchéquie a un grand retard à rattraper.

Krakonoš ou Gandalf

Krakonoš,  photo: ČT
La figure mythique des contes de fées et des légendes tchèques, allemandes et polonaises, appelée respectivement Krakonoš, Rübezahl ou Liczyrzepa a servi de modèle pour l’un des personnages des livres du célèbre écrivain britannique J. R. R. Tolkien. C’est du moins ce que constate un historien polonais, Lukasz Kozak, et que rapporte le site du quotidien Hospodářské noviny. Ainsi, Krakonoš, l’esprit qui protège les Monts des Géants et qui est d’habitude présenté comme un vieillard doté d’une longue moustache et d’un vaste chapeau, s’est transformé pour devenir le magicien Gandalf apparaissant dans le Hobbit, puis dans le Seigneur des anneaux. Le journal a saisi l’occasion pour rappeler :

« Les légendes tchèques présentent Krakonoš comme un bon esprit des montagnes qui protège les pauvres de l’arbitraire des seigneurs. Sa version allemande le veut en revanche, le plus souvent, comme quelqu’un qui punit ou bien qui se moque des gens. Ce personnage mythique aurait évolué à partir de ‘l’homme sauvage’ connu des légendes médiévales. Une première image de ce personnage entouré de légendes apparaît sur une carte de la Silésie remontant au XVIe siècle où il est présenté comme une créature mi-animale. C’est au XIXe siècle que cette image démoniaque s’estompe pour céder à celle d’un bon esprit des régions montagneuses. C’est d’ailleurs ainsi qu’il est imagé sur les nombreux cadeaux-souvenirs qui se vendent dans les Monts des Géants et aux alentours. »

D’après l’historien polonais, c’est justement une carte montrant la figure du bon esprit des montagnes à la frontière tchéco-silésienne qui aurait inspiré l’écrivain Tolkien à créer le magicien Gandalf.