« Je veux être fouettée pour rester fraîche toute l’année »

Photo: Darya Margolina

Pendant le week-end pascal, de nombreuses traditions folkloriques reprennent vie en République tchèque, comme celle de la « pomlázka », un fouet réalisé avec neuf branches de saule, décoré de rubans colorés, dont l’usage surprend généralement beaucoup les étrangers. Etudiante tchèque en économie et culture à l’Université des Sciences de la vie à Prague, Anna Křepelová se passionne pour les traditions des quatre coins du monde. Par le biais d’un atelier à Prague, où touristes et expatriés peuvent réaliser leur propre fouet de Pâques et des œufs décorés, Anna s’efforce de rétablir l’image d’une tradition aujourd’hui parfois controversée.

Photo: Darya Margolina

« J’ai créé cet atelier, car notre culture et nos traditions sont trop peu accessibles. Les touristes qui viennent en Tchéquie peuvent y acheter un bel œuf décoré ou une « pomlázka », mais il n’existe pas d’endroit où ils peuvent les fabriquer eux-mêmes. C’est pourquoi j’ai voulu leur permettre de le faire afin de leur expliquer le réel esprit de nos coutumes. La tradition veut que les garçons ‘fouettent’ les fesses des filles en utilisant une ‘pomlázka’, mais parfois les touristes perçoivent cette tradition de manière agressive. Mon objectif est de leur faire comprendre quel est le réel but de la ‘pomlázka’.»

Photo: Darya Margolina
Anna Křepelová, qui a vécu en Espagne et en Amérique du Sud, s’est aperçue de l’authenticité des célébrations de Pâques en République tchèque. Toujours respectée, la tradition de la « pomlázka » a contribué à la popularité et à l’unicité de cette fête dans le monde entier. Celle-ci reste néanmoins difficile à saisir pour les étrangers. Anna nous raconte son premier Lundi de Pâques passé en compagnie d’un étudiant espagnol :

« Ma première expérience s’est produite lorsque j’ai emmené un étudiant espagnol dans mon village. Le premier groupe de garçons est arrivé et ils ont commencé à nous fouetter, mes amies et moi, dans ma maison. L’étudiant espagnol ne savait absolument pas comment réagir. Il était très surpris et il voulait même nous défendre. Nous lui avons donc expliqué le sens de cette tradition. C’est vrai, il arrive que les coups fassent mal lorsque les garçons sont saouls ou insensibles. Mais ils se doivent de connaître la limite entre s’amuser et faire mal. »

Comme le souligne Anna, l’important est de « s’amuser ». À la différence de la Pâques chrétienne qui célèbre la résurrection du Christ, la célébration folklorique sert d’abord à fêter l’arrivée du printemps. Et ce, donc, avec la « pomlázka » si l’on en croit une légende, comme l’explique Anna Křepelová :

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« L’origine de la ‘pomlázka’ pourrait provenir d’une note laissée par un prêtre du XIVe siècle. Celle-ci raconte l’histoire d’un couple qui réveillait ses domestiques à l’aide de branches de saule provenant de leurs lits pour célébrer le début du printemps et faire place au bonheur. C’est la note la plus ancienne que nous avons retrouvée sur l’origine parfois difficile à cerner de la ‘pomlázka’. »

Détox de printemps, ménage de printemps ; après l’hiver parfois rude en République tchèque, le retour des beaux jours invite au renouveau… Alexandre Dumas, dans son roman Les compagnons de Jéhu, écrivait : « La jeunesse, c’est le printemps avec ses fraîches aurores et ses beaux soirs. » En somme, cette fameuse « pomlázka » symboliserait cette renaissance. Anna Křepelová :

« Le mot ‘pomlázka’ provient du verbe ‘pomladit’ qui signifie ‘rajeunir, rafraîchir’. La ‘pomlázka’ transmet donc cette fraîcheur et cette vitalité. Quand un garçon fouette une fille sur les fesses, c’est pour s’assurer que celle-ci restera fraîche et en bonne santé toute l’année. Autrefois d’ailleurs, quand une fille n’était pas fouettée, elle était très triste et craignait de dessécher. De nos jours, nous n’y croyons plus autant mais tout de même, personnellement je veux être fouettée car je veux rester en bonne santé toute l’année ! En retour, les filles offrent aux garçons des œufs peints qui symbolisent la vitalité et attachent des rubans de toutes les couleurs sur leur ‘pomlázka’. »

Photo: Darya Margolina
Autrefois, la couleur des rubans symbolisait une intention particulière. Si une fille offrait un ruban rouge à un garçon, elle lui témoignait son intérêt et si le ruban était vert, c’était pour désigner son favori. En revanche, le ruban jaune attestait de son désintérêt… Gabriela, Uruguayenne de passage à Prague, a assisté à l’atelier de Pâques d’Anna Křepelová, où elle a pu réaliser des œufs peints et une « pomlázka ». Autant de traditions qui, à l’entendre, suscitent toujours autant d’étonnement :

« La tradition qui m’a le plus surprise est celle de la ‘pomlázka’! C’est assez difficile à faire mais c’est très intéressant d’apprendre davantage sur ces traditions qui sont très différentes de celles de mon pays et de celles du monde entier. Grâce à l’atelier, j’ai appris que les Tchèques étaient vraiment passionnés par Pâques. Ils perpétuent des traditions dans lesquelles ils croient fortement et ils partagent ces moments en famille, ce qui est très touchant. »

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