Banques alimentaires : un repas pour tous, et pas seulement à Noël

Photo: Agnès Joyaut

Bonjour à tous ! Nous espérons que vous avez passé un chaleureux réveillon de Noël et, pour ceux qui auraient mis le couvert à la tchèque, que la carpe était tendre et les petites pâtisseries traditionnelles, « vánoční cukroví », fondantes et appétissantes ! Si les fêtes sont généralement réussies autour d’un bon repas, elles le sont certainement davantage en étant partagées. Ainsi Noël est, au-delà de la religion, un temps fort de l’année en termes de solidarité. Chaque année en République tchèque, comme ailleurs, des milliers de repas sont préparés par des associations à l’attention des plus démunis. En amont du circuit se trouvent les banques alimentaires, lesquelles œuvrent toute l’année à redistribuer les dons de nourriture ou les invendus collectés auprès de producteurs et de distributeurs. En République tchèque, elles sont membres de la fédération européenne depuis 2006 et on les appelle les « potravinové banky ».

Direction la banque alimentaire de Prague

À la station de métro Skalka, dans le sud de Prague, Honza Černý nous attend au volant de la camionnette des banques alimentaires, reconnaissable par la présence sur sa carrosserie de deux petits oiseaux picorant dans un bol, le fameux logo de la Fédération européenne des banques alimentaires. Honza Černý est l’un des trois salariés qui assurent le fonctionnement de l’entrepôt de Prague. Ouvert en 2006, c’est là que parviennent et que sont stockés, dans 400 m2 environ, les produits alimentaires qui seront ensuite redistribués aux quelques soixante-dix associations partenaires de la banque de Prague. Ces associations travaillent toute l’année en faveur des plus démunis, notamment des sans-abris et des réfugiés, mais pas seulement : il s’agit aussi d’associations d’aide à l’enfance, des orphelinats, ainsi que des centres d’accueil pour les familles en difficultés, les personnes handicapées ou les personnes âgées. Depuis la création de la banque de Prague en 2006, cinq banques régionales ont progressivement vu le jour en République tchèque, et grâce au relais des banques alimentaires, ce sont, chaque semaine et pour la seule banque de Prague, cinq à six cents kilos de nourriture qui sont sauvés de la décharge ou donnés directement de la part des producteurs.

Pavel Komárek,  photo: Agnès Joyaut
« Bonjour ! Monsieur Komárek ? »

« Oui, c’est moi, bonjour et bienvenue. »

Pavel Komárek s’occupe de l’entrepôt de Prague. Il nous présente les lieux.

« Nous sommes ici dans l’entrepôt de la banque alimentaire de Prague. Vous pouvez voir, par exemple ici, nous avons beaucoup de soupes en poudre. C’est un don d’une entreprise, que nous venons de recevoir. Dans cette autre partie, on peut voir les résultats de la collecte, celle que nous avons organisée le 16 novembre dernier dans les hypermarchés de cinq chaînes, à travers tout le pays. Ce sont donc des produits que des gens ont acheté et ont donné aux banques alimentaires. »

Pour la première fois en effet, a été organisée en République tchèque cette année une collecte nationale de produits alimentaires dans près de 130 supermarchés. En France, on en était déjà à la vingt-huitième édition.

Photo: Agnès Joyaut
« Ici, on a du riz, des pâtes, des lentilles, et puis là des conserves d’haricots, de goulasch… autrement dit des repas déjà préparés qu’il faut seulement réchauffer. Là, il y a du sucre, de la farine… il y a même des sucreries pour les enfants – on n’a pas l’habitude d’en recevoir autant ! »

Des « vánoční cukroví » et une orange pour tous à Noël

Plus de mille bénévoles ont assuré le bon déroulement de cette journée du 16 novembre, et ce pour un résultat on ne peut plus satisfaisant. Fabrice Martin-Plichta, président de la Fédération tchèque des banques alimentaires, confirme cette réussite :

Photo: Štěpánka Budková
« Oui, cette collecte a été un vrai succès, et puis 66 tonnes pour une centaine de magasins, c’était inattendu et presque inespéré. Grâce aux produits collectés qui sont d’une assez grande variété, on a pu permettre de préparer ces petits gâteaux de Noël, spécialité locale, et d’offrir aussi à un certain nombre d’enfants des sucreries, chocolats et autres, qu’ils n’auraient pas eu sinon. Un nombre de choses assez important est mis de côté à l’occasion de ces fêtes. »

Du champagne ?

« Non, nous n’avons pas accepté d’alcool. Nous n’acceptons jamais d’alcool en dons, même de la bière, donc non, pas de champagne (rire). On a reçu des jus de fruits et autres, pour certains établissements où il y a des enfants, parce qu’il y a des orphelinats parmi nos clients. Donc là ce sera bienvenu. Il faut bien savoir que les banques alimentaires sont tributaires de ce que les entreprises, que ce soit les producteurs ou les grands distributeurs, leur donnent, et il n’est donc pas toujours aisé de réaliser tous les vœux, mais on s’y efforce. »

Photo: Agnès Joyaut
La réussite de cette première grande collecte permet ainsi aux associations qui œuvrent pour les plus démunis de faire face à une demande d’aide sensiblement plus importante pendant l’hiver par rapport au reste de l’année ; mais aussi à de nombreux centres de préparer, comme chaque année mais cette année sans doute plus largement encore, de chauds repas pour réchauffer le cœur de milliers de personnes le soir de Noël. C’est le cas de l’association Naděje (Espoir en tchèque) qui vient en aide particulièrement aux réfugiés et aux personnes de la rue. Ilja Hrádecký est le fondateur et le président de Naděje :

« Chaque année, nous organisons un réveillon de Noël dans trois centres de Prague, qui dure à peu près une heure et demie. Il y a un repas de Noël, nous chantons des chants de Noël et nous offrons des petits cadeaux. Ces cadeaux sont en général quelque chose à manger, sinon des vêtements chauds comme des gants, des bonnets, des chaussettes chaudes. Ce dont ils ont le plus besoin par ailleurs, ce sont de fruits. Ils manquent terriblement de vitamines, à cause de leur médiocre alimentation. Quand ils achètent quelque chose en général c’est de la viande et du pain, mais jamais de fruits. »

Photo: Commission européenne
S’alimenter est évidemment une question de survie au quotidien pour ces personnes sans ressources. Ilja Hrádecký assure que c’est là leur souci numéro un.

« L’aide sous forme de nourriture est celle dont les sans-abris ont le plus besoin, ce qui est aussi « le » grand problème de Prague où il y a peut-être 3, 4 sans doute 6 000 sans-abris… Qui peut les compter… ? Personne. Ce ne sont que des estimations. Nous avons des centres de jour, qui offrent de la nourriture, une cuisine où des repas sont préparés. Au début, nous avons commencé à travailler avec des réfugiés, en général dans les gares, et petit à petit les sans-abris sont venus vers nous. »

Pauvre, en ayant pourtant un emploi

Bien que les personnes sans domicile soient les plus vulnérables et les plus sévèrement touchées par la pauvreté, ils sont malheureusement loin d’être les seules à manifester des difficultés à s’alimenter. D’autres groupes sociaux, comme les familles monoparentales ou les personnes âgées, ont de plus en plus de mal à boucler les fins de mois, et entre les différentes dépenses de la vie, c’est très souvent le budget consacré à l’alimentation qui est tronqué en premier. Fabrice Martin-Plichta explique :

Fabrice Martin-Plichta,  photo: Šárka Ševčíková,  ČRo
« Via ce que nous disent et ce que nous demandent les associations clientes – et c’est une constatation que nous faisons depuis trois ans, on observe une hausse constante de demandes de personnes qui, aujourd’hui encore, ont un toit sur la tête mais qui, surtout pour des raisons d’endettement ou de surendettement, sont menacées de le perdre, et la seule possibilité pour eux de le conserver, c’est d’économiser au moins une partie sur l’alimentation. Il s’agit aussi de demandes venant de personnes âgées qui souvent doivent, entre l’appartement, l’alimentation et les médicaments, faire des choix. Souvent, il suffit de peu, c’est une question de 500 couronnes ou, au pire « 1 000 couronnes en produits alimentaires » qu’il faudrait leur fournir par mois, c’est-à-dire entre 20 et 40 euros. Ce n’est quand même pas la mer à boire. Il faut juste avoir le réseau pour leur amener jusque chez eux ou un endroit où ils peuvent venir les chercher, pour pouvoir compléter leur très maigre retraite. »

Des tonnes de nourriture sauvées de la décharge

À côté de ces chiffres, il y en a d’autres tout aussi préoccupants. Chaque année, plusieurs milliers de tonnes de nourritures seraient tout bonnement jetées, en raison d’une date de péremption approchant ou d’un simple défaut d’emballage. C’est pour lutter contre ce gaspillage et redistribuer toutes ces denrées encore consommables que les banques alimentaires travaillent sans relâche douze mois de l’année durant. Ainsi ces produits sont principalement des invendus de supermarchés, que les distributeurs offrent gracieusement aux banques alimentaires, mais pas uniquement : des entreprises productrices, également, font des dons. Pour certaines il s’agit d’un don ponctuel, pour d’autres cette pratique est entrée dans leurs habitudes. Retour à l’entrepôt de Prague. Pavel Komárek :

« Les produits de boulangerie viennent des hypermarchés Globus. Ceux que vous voyez là sont arrivés hier. Ils viennent de l’entreprise Penam. Ils nous ont donné du pain brioché pour faire des toasts. D’habitude, on ne reçoit pas de nourriture fraîche, même si nous avons ici un congélateur pour le cas où, par exemple des légumes ou de la charcuterie. Nous ne recevons pas de produits tous les jours malheureusement, ça serait bien ! Et puis on en reçoit un peu moins en été, c’est une période moins chargée de ce point de vue. »

Photo: Agnès Joyaut
« En général, chaque jour, quelqu’un vient récupérer des produits. On travaille avec soixante-dix associations environ, donc heureusement qu’elles ne viennent pas toutes au même moment, sinon ce serait fou. »

Aussitôt collectés, la plupart des produits sont ainsi redistribués. Combien de temps en moyenne transitent-ils par l’entrepôt ? Une question à laquelle répond Fabrice Martin-Plichta :

« C’est très variable car cela peut aller de quelques heures à quelques semaines voire quelques mois, en fonction du type de produits et surtout de la date d’expiration de ce produit. En ce moment, une partie des soupes vont jusqu’en juillet 2014, donc nous allons, si l’on peut dire, prendre notre temps pour les distribuer. »

Comment vous arrivez à gérer tous les stocks ? Est-ce qu’il vous arrive d’avoir des invendus non donnés ?

« Chez nous, non, en général tout est distribué. Nous n’avons pas de tels surplus qu’il serait impossible de gérer ou de redistribuer. Mais on essaie d’organiser les flux de telle manière à ce que, quand il y a vraiment de très gros volumes, on redistribue entre les banques. Sinon on essaie de faire en sorte que le maximum d’associations agréées auprès de la banque alimentaire puissent récupérer les produits à temps. »

130 associations pour des milliers de repas redistribués

Est-ce que ces associations sont les mêmes depuis les dix dernières années, ou est-ce que cela a beaucoup évolué ?

« Quand on a créé les banques, on s’est appuyé sur les grandes associations. Mais le réseau d’associations qui sont agréées aujourd’hui et qui peuvent se fournir auprès des banques est beaucoup plus large. Le noyau dur, c’est une poignée d’associations, cinq à dix, mais le réseau aujourd’hui compte quelques 130 associations. »

Après la création de la banque de Prague en 2006, cinq autres banques ont donc été créées en régions. La banque d’Ostrava, troisième ville de République tchèque, située au nord-est du pays, a ouvert en 2009, suivi de l’entrepôt de Litoměřice pour la région d’Ústí nad labem et d’un autre pour la ville de Liberec, deux grandes villes du nord frontalières avec l’Allemagne. Dernièrement, les banques de Brno, dans la région de Vysočina en Moravie, et de Plzeň, respectivement les deuxième et quatrième villes du pays, viennent de démarrer. Quant à ceux qui prennent l’initiative de créer ces banques, ce pourrait être l’un de vous. Fabrice Martin-Plichta :

Photo: Site officiel de Potravinovabanka.cz
« Les initiatives en général viennent de personnes des associations. À Prague, c’était mon initiative, en partenariat avec des associations que j’ai associées dès le début à cette création. À Ostrava, ce sont plusieurs associations qui se sont regroupées. À Litoměřice aussi. Mais les banques de Liberec, de Vysočina et de Plzeň, ce sont des initiatives personnelles, de personnes qui ont senti et vu les besoins. En Vysočina, il s’agit d’une dame qui travaille déjà pour l’association Caritas, donc engagée dans l’humanitaire et le social. À Plzeň également, mais en revanche à Liberec, il s’agit d’un groupe d’amis qui n’ont même jamais travaillé dans l’alimentaire mais qui se sont dit qu’il fallait faire quelque chose pour leur région. »

Pauvreté : à qui la faute ?

Au niveau de la logistique, quelles sont les difficultés majeures qui perdurent ?

« La difficulté majeure, c’est la question du financement des banques, qui reposent largement sur le bénévolat, les dons privés, et qui bénéficient malheureusement de très peu de soutien des pouvoirs publics, à l’exception notable de la région d’Ostrava, où la région comme la ville sont conscientes des problèmes sociaux. Puisqu’il y a toujours eu une attitude très idéologique des pouvoirs publics et de la classe politique dans ce pays où la pauvreté a été présentée pendant vingt ans comme un échec personnel et de la seule responsabilité du pauvre. Je dois dire qu’un certain nombre de grands donateurs européens, via la fédération européenne, nous aident, sinon, à équiper ces banques. »

Venons-en justement à la fédération européenne. Ne permet-elle pas également la promotion de chaque banque alimentaire auprès des grandes entreprises multinationales ?

« Oui en effet. Un certain nombre d’opérations sont menées directement auprès des très grandes multinationales. Nos collègues à la fédération européenne discutent régulièrement avec ces entreprises et défendent naturellement les intérêts de toutes les banques, y compris la nôtre. Quand ils tombent sur une entreprise implantée ici, qui produit ou qui vend, ils cherchent alors à nous mettre en contact et à permettre soit un approvisionnement soit un soutien financier, voire les deux. »

En 2009, le Programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD) avait rencontré la réticence de six pays dont la République tchèque quant à son prolongement. Où en sont aujourd’hui les pouvoirs publics tchèques concernant la lutte contre la pauvreté et contre la malnutrition ?

« Il y a une évolution certaine mais qui est très récente car c’est une question de mois. Vous avez parlé du PEAD : jusqu’en juin dernier, il y avait encore de grandes réticences à ce que la République tchèque continue dans ce programme. Depuis la chute du gouvernement de Petr Nečas, les choses changent très vite. La République tchèque s’y associera et participera, même avec une petite enveloppe, parce qu’a priori la République tchèque devrait demander, par an, 3,5 millions d’euros. Ce n’est pas beaucoup, mais on fera avec, nous sommes habitués (rires). C’est au moins ça. »

Photo: Agnès Joyaut
« Le deuxième aspect de la réticence des pouvoirs publics, c’est que, pour les mêmes raisons idéologiques, on ne veut pas donner de poisson aux pauvres mais uniquement leur apprendre à pêcher, selon ce bon vieil adage chinois bien connu dans le milieu des associations caritatives et humanitaires. Aujourd’hui, la situation change un peu. On s’est rendu compte qu’il y avait des gens qui avaient quand même de gros soucis pour s’alimenter régulièrement, et tout au long du mois, et donc même des gens qui travaillent. »

« Quant au blocage pour les financements, il est surtout lié au fait que les banques alimentaires sont nées dans ce pays – enfin réellement, car personne auparavant n’avait pensé à défendre les intérêts des banques alimentaires – donc elles sont nées en 2006 au même moment qu’était rédigée et allait entrer en vigueur une loi sur les services sociaux, qui bien sûr ne comprend aucune mention et ne compte pas avec les banques alimentaires. Or, tous les programmes de subventions décidés au niveau national comme dans les régions s’appuient sur cette loi. Ainsi il n’y a jamais un chapitre consacré aux banques alimentaires, qui ne peuvent donc ni demander ni participer à ces appels d’offres pour obtenir au moins quelques subventions. »

Et c’est toujours le cas aujourd’hui…

« C’est toujours le cas, et c’est donc lié à la bonne volonté des autorités politiques de chaque région. À Prague, il y a une certaine compréhension : il y a des subventions qui sont maintenant accordées à la banque et qui couvrent un tiers de ses besoins en fonctionnement, et à Ostrava également. Mais ailleurs pas encore. Les choses vont peut-être évoluer, mais malheureusement elles évoluent de ce côté-ci très lentement, sans parler que la situation politique, étant ce qu’elle est dans ce pays très instable, n’aide pas à aller plus vite. »

La République tchèque placée à niveau égal avec le Luxembourg

L’enveloppe qui est accordée par le PEAD dépend de la définition de ce que sont les plus démunis. En 2009, ces critères avaient déterminé en République tchèque que 5 000 personnes étaient « démunis ». Sur quels critères peut-on définir qu’une personne se trouve dans cette situation, et cette définition est-elle en constante évolution ?

Photo: Commission européenne
« En République tchèque, les ministères, sous notre pression, avaient fini par accepter de participer à ce programme, et donc à demander des subventions de l’Union européenne. Mais ils avaient mis la barrière très bas, puisqu’ils considéraient que les personnes démunies étaient seulement celles sans toit. En l’occurrence des personnes sans toit en République tchèque, il y en a certainement plus que 5 000, mais grosso modo il n’y a que 5 000 personnes qui sont vraiment en contact, qui sont considérées comme clients d’associations et doivent être absolument partenaires de ce programme. C’est pour cela que l’on est arrivé à ce chiffre, et que le volume demandé par la République tchèque est à peu près égal à celui demandé par le Luxembourg. Cela va un peu évoluer. La nouvelle définition est un peu plus large, mais avec 3,5 millions d’euros, on ne pourra pas non plus aller très loin. »

Quand pour donner, il faut payer

À propos de vos relations avec les entreprises, y a-t-il encore des réticences ou des incompréhensions de la part des producteurs et distributeurs quant à l’action des banques alimentaires ?

« Aujourd’hui, il n’y a plus vraiment de réticences. Mais la grande barrière demeure une question fiscale, puisque dans ce pays, tous les dons, mais en particulier en produits alimentaires, est soumis à la TVA. Donc si l’entreprise offre 100 000 couronnes tchèques de produits à la banque alimentaire, 100 000 couronnes qu’elle n’a pas gagnées mais qu’elle offre, elle devra payer 15% de TVA et, au mieux, pourra après déduire seulement ce montant de dons de ses impôts à la fin de l’année. »

« Cette taxe sur les dons est une aberration, non seulement moral, mais aussi pratique et en contraire même avec son nom. C’est un des autres aspects que l’on développe, pour d’ailleurs s’aligner sur la politique de très nombreux pays, comme la France, l’Italie, l’Espagne, la Belgique et d’autres, ou même en Pologne ou en Hongrie qui ont depuis de nombreuses années, et depuis deux ou trois ans pour les autres supprimé cette TVA sur les dons. »

Photo: Archives de Radio Prague
Il me semble qu’il y a également une autre différence entre la situation en République tchèque et celle d’autres pays comme la France, c’est la question du bénévolat. La charte de la fédération européenne invite dans son premier axe à donner la priorité au bénévolat de ses membres. Pourquoi est-ce si important et est-ce le cas en République tchèque ?

« Il y a 14 millions de bénévoles en France, tout secteur confondu, que ce soit le sport, la culture et le social. Ici, on en est très loin. Le communisme a tué toute dimension de bénévolat, donc c’est une renaissance difficile, lente, longue, puisqu’en même temps aussi les revenus ne sont pas les mêmes, donc elles cherchent à assurer tout d’abord les moyens d’existence essentielles, de profiter aussi de pouvoir voyager… Ce qui fait que pour le moment la notion du temps consacré aux autres balbutie. »

« Mais depuis quelques années la tendance est favorable. D’ailleurs la réussite de cette collecte est aussi due au fait qu’un certain nombre de personnes ont participé comme bénévoles. À Prague, on a eu presque une centaine d’étudiants, de professionnels, souvent assez jeunes, qui ont accepté de passer une demi-journée voir une journée entière dans les supermarchés. Donc c’est très positif, la jeune génération a adopté le principe de bénévolat, plus on va avancer dans le temps plus il y en aura. »

« Pour nous, c’est très important, parce que les banques alimentaires sont vraiment fondées sur le don : le don de produits alimentaires, le don de produits financiers pour pouvoir tourner et le don de son temps. C’est une question de partage avec les autres. Le ressort est fondamentalement chrétien dans les banques alimentaires, même si nous sommes indépendants de toute église ou religion. C’est évidemment aussi un peu un problème pour lancer les banques ici, c’est pourquoi on a recours à un certain nombre de salariés dans les entrepôts. On ne peut complètement se reposer sur le bénévolat, car pour faire tourner un entrepôt il faut un très grand volant (rires) de bénévoles. Mais pour des coups de main sur des opérations courtes on peut arriver à mobiliser. »

Bientôt dix ans pour la Fédération tchèque des banques alimentaires

Cela fait pratiquement dix ans que vous tenez la barre de cette fédération tchèque. Quel témoignage pourriez-vous donner de ces années, qui n’ont pas dû toujours être très faciles ?

« Oui, cela fait sept années que la banque fonctionne, mais cela fera bientôt dix ans que je travaille sur ce projet. J’ai commencé en novembre 2004 à travailler dessus. J’avais justement rendu visite à la fédération européenne pour leur faire part de mon idée, et à partir de là, j’ai commencé à me mettre en contact avec M. Hrádecký qui était président de cette fédération, au moins sur le papier, et donc a donné un souffle à cette fédération, qui était plus qu’endormie depuis, au moins, 2000. »

« Ces premières années, jusqu’à l’ouverture de l’entrepôt de Prague, ont été intenses, riches. Entre le moment où on a décidé de créer cette banque et l’ouverture, il y a un an qui s’est écoulé car il a été très difficile de trouver un entrepôt. Personne ne voulait nous donner 200 m2 d’entrepôt gratuitement. Jusqu’à la société Veolia. Ensuite, il y a eu le lancement, les premiers contrats de donation avec les fournisseurs. Cela a bien démarré, mais après il y a eu des périodes de creux, oui… Car si du côté de la demande, donc des associations – on le voit aujourd’hui avec les six banques – il y a des besoins, du côté de l’offre au contraire cela a toujours peiné. ».

Photo: Facebook de la banque alimentaire de Liberec
« Le tournant est venu après 2010 où nous ont rejoints les premiers distributeurs et où aussi un certain nombre de nouveaux donateurs se sont manifestés. Aujourd’hui, j’ai un rôle de coordinateur au sein de la fédération tchèque, les banques sont maintenant des associations indépendantes dans chaque région. Le poids et les efforts sont partagés davantage que les toutes premières années. C’est vrai qu’en 2006, j’espérais qu’on irait un peu plus vite, que les volumes seraient un peu plus importants, au bout de sept ans, mais je pense qu’on va arriver à basculer dans une nouvelle dimension et que cette première collecte nationale y aura largement contribué. »

Le prochain grand objectif ?

« Eh bien, le prochain objectif c’est de confirmer et pérenniser cette collecte. Ce sera probablement le 22 novembre 2014. Et puis j’espère au cours de cette année ouvrir au moins une ou deux nouvelles banques en région. Il y a des projets plus ou moins avancés en Bohême du sud et en Moravie du sud. J’espère qu’on va pouvoir les concrétiser, et puis surtout que nos partenaires, qui jusqu’à là nous font confiance et nous donnent régulièrement, vont continuer à le faire et à en parler autour d’eux dans leurs différents forums où ils se retrouvent, pour promouvoir les donations auprès des banques alimentaires. »

Merci à vous tous qui avez suivi cette émission spéciale de Noël. Toute la rédaction de Radio Prague se joint à moi pour vous souhaiter une excellente journée.