Karel Nocar : « Le Mondial de handball sert de préparation aux Qataris pour la Coupe du monde de foot »

Tchéquie - Suède, photo: ČTK

Il n’y a pas eu de surprise. Contre la Suède dimanche (22-36), comme contre la France deux jours plus tôt (27-30), la République tchèque a perdu ses deux premiers matchs de poule au championnat du monde de handball au Qatar. Privée de son meilleur joueur, Filip Jícha, malade, et avec une équipe encore inexpérimentée dans les grands rendez-vous internationaux, la Reprezentace, présente à un Mondial pour la première fois depuis huit ans, s’est logiquement inclinée contre deux des principaux candidats au titre. Pour espérer se qualifier pour les huitièmes de finale, les Tchèques devront désormais battre au moins deux de leurs prochains adversaires : l’Egypte tout d’abord mardi dans un match sans doute déjà décisif ou l’Islande jeudi, puis l’Algérie samedi. Mais comme l’a expliqué la semaine dernière à Radio Prague Karel Nocar, manager de cette jeune équipe nationale tchèque depuis son départ de Chambéry en 2013, l’objectif au Qatar est d’abord de progresser :

Tchéquie - Suède,  photo: ČTK
« Il y a deux façons de voir les choses. La présence de l’Islande, qui ne devait initialement pas participer et qui est venue s’ajouter à la dernière minute, complique une éventuelle qualification (les quatre premers de chaque groupe, compose de six équipes, seront qualifiés pour le tour suivant). Mais pour la progression de notre équipe, sur le long terme, c’est une bonne chose, car cela va nous permettre de jouer cinq matchs difficiles. Bien entendu, si nous pouvons nous qualifier pour les huitièmes de finale, nous ne nous en priverons pas. Mais ce que nous attendons d’abord des joueurs, c’est un investissement total. »

Vous abordez ce tournoi avec une jeune relativement jeune. Seuls quatre des seize joueurs sélectionnés ont participé à votre dernier Mondial en 2007. Comment compenser pour concurrencer des équipes du niveau de la France, de la Suède ou de l’Islande ?

« Précisément en s’investissant au maximum. L’expérience, cela s’acquiert. Mais quand vous en manquez, vous ne pouvez la remplacer que par un investissement total. Quoi que vous fassiez, si vous le faites à 100%, vous progresserez toujours, dans n’importe quel aspect du jeu. Et c’est vraiment ce à quoi nous voulons parvenir. »

En République tchèque, le handball est un des sports collectifs traditionnels, mais cela faisait déjà un certain temps que nous ne vous étiez plus qualifiés pour un Mondial. Ressentez-vous une attente plus importante autour de vous ?

« Notre avantage est que nous sommes un des rares sports collectifs à participer à un championnat du monde cette année. Forcément, cela attire l’attention des médias, et nous en sommes ravis, bien sûr. Maintenant, c’est à nous de faire en sorte qu’ils nous restent fidèles… »

Et cela dépendra notamment de vos résultats dans des matchs diffusés en direct par la Télévision tchèque…

« Oui, tout à fait. Le public nous sera fidèle si nos performances sont à la hauteur. Sur ce point, nous sommes bien d’accord… »

Tchéquie - France,  photo: ČTK
Il y a de cela quelque temps Filip Jícha (élu meilleur joueur du monde en 2010) avait envisagé de mettre un terme à sa carrière internationale. Finalement, il est toujours là. Dans quelle mesure sa présence est-elle importante pour votre jeune équipe ?

« Filip Jícha a été et reste un des meilleurs joueurs au monde. Il peut calmer l’équipe et transmettre toute son expérience, mais après il ne faut pas penser qu’il va tout faire seul. Ce n’est pas possible. C’est un sport collectif et chacun à son niveau doit apporter ce qu’il a dans les tripes (sic). Encore une fois, cela ne pourra marcher que si tout le monde se donne à fond et s’investit à 100% dans le projet du groupe. »

Justement, un des défauts de votre équipe n’est-il pas qu’elle a parfois tendance, lorsque les choses se passent un peu moins sur le terrain, à se reposer sur le savoir-faire de Filip Jícha et de quelques autres joueurs ?

« Bien sûr, c’est un problème, mais il faut que les jeunes apprennent. Il faut qu’ils apprennent à prendre leurs responsabilités et à assumer leur rôle de leader dans les moments difficiles, car personne n’est là pour toute la vie. »

Ce Mondial de handball est organisé par le Qatar, dont on parle beaucoup depuis l’attribution de la coupe du monde de football en 2022. Doha a obtenu également l’organisation des championnats du monde d’athlétisme en 2019. Ce sera donc une des premières grandes manifestations sportives organisées au Qatar. En tant que manager, comment appréhendez-vous donc ce Mondial ?

« En fait, je suis un peu perdu. Avec les installations et les hôtels qui sont énormes, je crois que l’on tombe dans le monde du foot. Tout est nickel et parfait. Par contre, je crois pouvoir dire que l’organisation n’est pas encore au point. Les Qataris sont un peu comme notre équipe : ils veulent apprendre pour faire quelque chose de plus grand plus tard. Vous ne pouvez pas tout acheter. Là aussi, il faut de l’expérience et grandir. Mais j’espère quand même que les Qataris vont organiser un beau championnat pour tout le monde. »

Et quid de l’ambiance ?

« Il faudra voir sur place comment les salles seront remplies. Je ne sais pas du tout quel sera l’intérêt du public pour le tournoi. Mais sans supporters, ce serait un triste tournoi. »

Question un peu plus personnelle : vous avez arrêté votre carrière il y a un an et demi de cela. A l’approche d’un tel événement, ne regrettez-vous pas un peu votre décision ? On garde toujours l’âme d’un joueur…

« Non, je ne regrette pas beaucoup. Mes nouvelles fonctions de manager me plaisent beaucoup. La différence est que quand on est joueur, on est concentré sur soi-même, alors que maintenant, je dois veiller à l’ensemble de l’organisation et sur tout le monde. Il y a toujours quelqu’un qui a besoin de quelque chose et il faut donc être toujours disponible. C’est le plus gros changement. L’autre est le fait que je suis beaucoup plus nerveux pendant les matchs. J’aimerais bien aider les joueurs, mais je ne peux plus. En revanche, le terrain ne me manque plus, et je pense que c’est une bonne chose et que c’est mieux comme ça. »

Est-ce que le fait que ce premier match du Mondial soit contre la France représente quelque chose de particulier pour vous ? Vous avez passé dix ans à Chambéry. Des gens en France vous contactent-ils par rapport à ce match ?

« Je crois que oui. Je reçois quelques messages sur Facebook, à gauche ou à droite qui sont plutôt sympas. Je peux dire que Chambéry et la France sont mon deuxième chez-moi. Mes deux garçons sont nés à Chambéry. C’était une super étape dans ma vie, nous étions bien en France et je suis toujours ravi de pouvoir y revenir. Ça fait toujours plaisir de jouer contre l’équipe de France, car je connais les joueurs et le staff, on peut discuter un peu ou boire un coup. Pour moi, ce sont des moments très sympathiques. »