Le carnaval - masopust

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Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague - Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha ! Comme vous le savez sans doute, mardi prochain sera célébré le Mardi gras, fête d'origine chrétienne qui précède le Mercredi des cendres et l'entrée dans le Carême. Mais le Mardi gras - Masopustní úterý, marque également la fin des festivités qui battent leur plein à chaque début d'année, depuis le jour des Rois, l'Epiphanie, principalement en Europe et en Amérique du Sud. C'est donc au carnaval, et plus précisément au carnaval en République tchèque, appelé « masopust », que nous allons nous intéresser. Car bien que les Tchèques soient, comme nous le rappelons souvent, l'un des peuples parmi les plus athées au monde, « masopust » reste, malgré tout, une période de fête populaire traditionnelle. Et pour cette fois, c'est plus spécialement sur ce curieux mot de « masopust » que nous allons nous pencher.

Bien que le mot tchèque soit complètement différent dans sa forme, « masopust » est bel et bien l'équivalent du carnaval, tel que nous le connaissons tous. « Masopust » est donc composé de deux éléments, à savoir du mot « maso » qui désigne la « viande », la « chair », et du mot« půst » qui, lui, signifie à la fois « jeûne, abstinence et Carême ». Bref, on retrouve l'idée de s'abstenir de viande et de ne pas consommer d'alimentation carnée, graisseuse. Cela est d'ailleurs également le cas pour le mot « carnaval », dont l'étymologie quelque peu confuse nous indique qu'il provient du mot italien « carnelavo », qui, lui, trouve ses origines dans le terme composé latin « carnelevare », c'est-à-dire « enlever, laisser la viande ». Toutefois, on peut constater que l'emploi du mot, en tchèque comme en français, est pour le moins paradoxal et même contraire à son sens originel, le carnaval étant justement une période de festivités et de toutes les folies.

D'ailleurs, il est intéressant et amusant de noter que dans le slave liturgique, qui correspond au vieux slave, le mot qui était alors l'équivalent de « masopust » désignait bien le Carême, cette période de quarante jours pendant laquelle les chrétiens se préparent à la fête de Pâques et qui est marquée, entre autres, par le jeûne et notamment l'abstinence de viande. Alors la question est de savoir comment les Tchèques, tout comme les polonais, par exemple, et d'autres peuples slaves, en sont arrivés à employer un mot dans le sens inverse de ce qu'il signifiait à l'origine.

En fait, selon le dictionnaire étymologique tchèque, il semble que le terme liturgique « masopust » ait été transformé par l'étymologie populaire. En effet, traduit littéralement, le « jeûne de viande » nous donne en tchèque « půst od masa ». Or, le mot « půst » ressemble fort dans sa forme au verbe « pustit », qui signifie « lâcher » et n'a donc rien à voir avec une quelconque idée d'abstinence. Deux mots également qui, contrairement à ce que l'on pourrait penser, ne possèdent pas de rapport étymologique entre eux. Du coup, la version la plus probable pour expliquer ce que l'on pourrait presque appeler la métamorphose de sens du mot « masopust » voudrait qu'un rapprochement faux, une association erronée aient été faits entre les mots « půst » et « pustit ». Ce qui explique qu'au lieu d'un « jeûne de viande », sens littéral de « masopust », on en soit arrivé à une interprétation selon laquelle, en rapport donc au mot « pustit » - « lâcher », la viande et sa consommation sont justement permises.

Mais il existe également une autre explication très intéressante. Il faut savoir qu'autrefois, au Moyen-Âge, les Tchèques respectaient une tradition appelée « tučný čtvrtek », soit le « jeudi gras » en français. Une journée qui ne remplaçait pas le Mardi gras, puisqu'il s'agissait du dernier jeudi avant justement le Mardi gras. Cette journée était qualifiée de « grasse », car des cochons y étaient généralement tués. Ces « fêtes du cochon » - « zabijačky », étaient bien entendu suivies de repas et de festins pendant lesquels on mangeait donc la viande du cochon. Puis s'ensuivaient différentes célébrations et manifestations festives, et ce jusqu'au Mardi gras. Un jour de fête et de joie lui aussi, plus encore d'ailleurs que les précédents, mais qui était aussi le dernier jour durant lequel il était permis de consommer de la viande avant l'entrée dans le Carême. On finissait donc les restes de viande du cochon tué avant de « laisser, abandonner » la viande. Or, en tchèque, ces deux mots, « laisser » et « abandonner » se disent « opustit », un verbe dont la forme est très proche comme pour « pustit » de celle du mot « půst » qui, lui, signifie donc « jeûne » et « abstinence ». Et « laisser, abandonner la viande » n'est finalement rien d'autre que la signification originelle du mot « carnaval » que nous connaissons en français...

C'est ainsi que prend fin ce « Tchèque du bout de la langue » consacré au mot « masopust ». Dès la semaine prochaine, et ce bien que nous serons alors entrés dans le Carême, nous poursuivrons notre présentation des traditions et coutumes qui accompagnent le carnaval en République tchèque. D'ici-là, portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp !, amusez-vous aussi du mieux possible si vous célébrez le carnaval, portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj !